Argent contre paix sociale : les limites d’une politique

Argent contre paix sociale : les limites d’une politique
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Le pouvoir, qui pensait échapper au vent du Printemps arabe en achetant la paix sociale à coups de milliards de dollars, se rend compte qu’il va droit dans le mur. Il y a danger !

Abdelmalek Sellal, en se rendant pendant le week-end à Oran, a tenu devant les représentants de la société civile un langage direct. Des vérités assorties de “lignes rouges” pour tenter de stopper cette frénésie de revendications sociales tous azimuts qui s’expriment dans tous les secteurs.

Alors que les villes du sud du pays sont agitées depuis des semaines par des manifestations itinérantes, se déplaçant de ville en ville, sous l’impulsion de la Coordination nationale de défense des droits des chômeurs, dans le reste du pays, nous assistons à la montée en puissance des revendications corporatistes.

Les enseignants ont débrayé mercredi, à l’appel du SNTE, pendant que les autres syndicats du secteur, notamment l’Unpef, promettent de mettre une autre couche. Les raisons de la colère : les “injustices” et “les discriminations” du statut particulier à l’égard d’une certaine catégorie de personnels. Les proviseurs et les censeurs entament à partir d’aujourd’hui une grève de quatre jours.

LG Algérie

Il y a deux semaines, c’était les travailleurs des collectivités locales qui ont décidé d’arrêter le travail. Cette grève n’est pas passée inaperçue car les Algériens l’ont bien sentie, à cause des ordures ménagères qui se sont accumulées pendant toute la semaine, empestant l’atmosphère dans les villes. Les travailleurs de GTP, dans le Sud, menacent à leur tour de passer à l’acte si la direction ne répond pas à leurs doléances.

D’autres grèves menacent à tout moment d’éclater dans d’autres secteurs. Ce qui a pour effet de créer un climat de tension sociale installée dans la durée. Le gouvernement de Sellal, comme celui d’Ouyahia auparavant, dans l’espoir d’exorciser les démons dévastateurs du Printemps arabe, a cru trouver la parade : l’argent contre la paix sociale.

Dès qu’un feu s’allume dans un secteur, réflexe quasi pavlovien, on y déverse de l’argent sous forme d’augmentation de salaires, avec des rappels par-ci, des crédits à taux zéro par-là. C’est la politique du “tout-argent”. Conséquence : le gouvernement se retrouve aujourd’hui devant une spirale dangereuse des revendications salariales qui rebondissent de secteur à secteur et qui devient impossible de satisfaire. Un véritable tonneau des Danaïdes, contre lequel le Premier ministre avait raison de mettre en garde jeudi à Oran.

Et si l’augmentation des salaires reste une attente légitime des travailleurs, surtout dans le cas de l’Algérie où l’inflation est permanente, la diversification des ressources, notamment la levée des entraves bureaucratiques pour l’investissement privé et public aurait pu être une bonne piste de travail pour ne pas rester à la merci de la rente pétrolière. Ce qui n’a pas été le cas pour le gouvernement qui a choisi le moyen le plus facile. Mais à vouloir persister dans cette option, c’est aller droit dans le mur avec ce risque majeur de mettre en péril les réserves financière du pays. “Dans des pays où les économies sont gérées de façon rationnelle, il existe toujours une sorte de péréquation entre le niveau des salaires et celui de la production nationale”, rappelait dans la presse dernièrement un économiste qui note, a contrario, que “les salaires en Algérie ne répondent à aucune logique”. Et avec ces augmentations à tout-va, on est carrément dans le délire. Et pour peu que le baril passe sous la barre psychologique des 100 dollars, bonjour les dégâts pour le pays.

Avant qu’Abdelmalek Sellal ne tire la sonnette d’alarme à Oran, son prédécesseur, partisan d’une augmentation des salaires proportionnelle à la production de la richesse hors hydrocarbures, avait mis en garde.

Tout récemment, c’était les ministres de Finances qui prévenaient que les choses ne pouvaient continuer de la sorte. Le même avertissement contre le glissement des salaires est délivré par Christine Lagarde, la présidente du FMI lors de sa visite à Alger.

Le groupe de réflexion MJIC y est allé aussi de sa mise en garde dans son dernier rapport. Que le gouvernement ait pris aujourd’hui conscience des limites de cette politique, au demeurant populiste, même si elle a permis une paix sociale en sursis, c’est déjà un pas dans le bons sens.

Mais pour quelle alternative durable ? C’est la bonne question. Mais force est de reconnaître qu’il est difficile pour le gouvernement Sellal de prôner les vertus de la rigueur dans la gestion de l’argent quand, par ailleurs, la presse, tous les jours que Dieu fait, se fait l’écho de milliards de dollars flambés par les princes du système.

O O