Dans la région MENA, les Emirats arabes unis étaient le seul pays à devancer l’Algérie en nombre de différends soumis à l’arbitrage de la CCI avec, au compteur, 421 litiges.
L’Algérie est l’un des meilleurs clients de la Cour internationale d’arbitrage. Les litiges impliquant l’Algérie, traités ces dernières années au sein de la Chambre de commerce internationale (CCI) de Paris, allaient crescendo à tel point que le pays arrive en pole position dans les statistiques de la CCI pour la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord). Les participants à la conférence dédiée à l’arbitrage commercial international, organisée jeudi dernier à Alger, par le cabinet DLA Piper, ont pointé la tendance haussière des litiges impliquant l’Algérie traités par la Cour d’arbitrage de la CCI. De 2004 à 2014, l’on a recensé 137 situations litigieuses impliquant l’Algérie, soumises aux magistrats de la Cour international d’arbitrage. Dans la région MENA, les Emirats arabes unis étaient le seul pays à avoir devancé l’Algérie en nombre de différends soumis à l’arbitrage de la CCI avec, au compteur, 421 litiges impliquant des parties émiraties. Au classement, l’Algérie a été talonnée, en revanche, par l’Egypte (136 différends), l’Arabie saoudite (135) et le Maroc (114). Ahmed Laraba, membre de la Commission du droit international des Nations unies et consultant, a souligné le caractère évolutif des statistiques impliquant l’Algérie au sein de la CCI, notamment depuis 2010. L’année 2013 a été celle de tous les records avec, au tableau, 43 dossiers litigieux impliquant l’Algérie, déposés au niveau de la CCI de Paris. Si le nombre d’affaires a évolué en tendance haussière ininterrompue c’est parce que l’ère du pétrole cher y était pour beaucoup. Certaines réformes juridiques ont facilité également le recours à l’arbitrage international comme moyen de règlement des litiges commerciaux, à en croire des praticiens en arbitrage présents à la conférence.
Déficit d’arbitrage en interne
“Le classement de l’Algérie en tête de la zone MENA est dû à deux réformes juridiques, à savoir, d’un côté, le nouveau code des procédures civiles de 2009 qui a ouvert l’arbitrage aux institutions publiques et le nouveau code des marché publics de 2012 qui a autorisé l’arbitrage dans les marchés publics, de l’autre”, explique Me Lezzar Nasr-Eddine, praticien en arbitrage international. Selon lui, ces deux réformes “ont coïncidé avec l’embellie financière due à la hausse des cours du pétrole et qui a donné lieu à beaucoup de contrats internationaux et qui, à leur tour, ont engendré beaucoup de litiges”. Durant les années 1990, les statistiques des affaires soumises à la Cour internationale d’arbitrage font état de 79 dossiers impliquant l’Algérie. Pour ainsi dire, si le nombre a bien évolué depuis le début des années 2000, c’est parce qu’il a bénéficié d’une conjoncture économique favorable. Mais, du point de vue institutionnel, ce classement en tête de l’Algérie dans les statistiques des litiges traités par la Cour arbitrale de Paris est dû, aussi, à l’absence, en interne, d’une institution spécialisée en arbitrage commercial capable d’absorber une partie des litiges adressés aux arbitres de la CCI. “Les autres pays économiquement et traditionnellement impliqués dans l’arbitrage international ont développé des institutions internes. Ce qui n’est pas tout à fait le cas de l’Algérie, où les structures chargées de la promotion et de la formation en matière d’arbitrage présentent les signes d’un manque de visibilité”, souligne Me Lezzar Nasr-Eddine. Ahmed Laraba, membre de la Commission du droit international des Nations unies, pointe, quant à lui, “l’absence de statuts dédiés à l’enseignement du droit de l’arbitrage et de la médiation.” Au-delà de l’effort individuel consenti par certains praticiens et enseignants, il suggère que “l’on fasse appel à d’autres institutions pour pouvoir démocratiser l’enseignement du droit de l’arbitrage.”
Ali Titouche