Redoutant de se retrouver en situation de quasi-paralysie des procédures judiciaires civiles, administratives et commerciales, le ministère de la Justice vient de donner instruction de n’exiger la traduction que des documents de justice « déterminants et essentiels ».
Il a, toutefois, omis de préciser la nature des pièces judiciaires, susceptibles d’être considérées comme tel.
Cette décision a été prise à l’issue d’une réunion qui s’est tenue récemment entre le président du Conseil de l’union des avocats et trois autres bâtonniers et des représentants du ministère de la Justice, – l’inspecteur général et le directeur des affaires civiles en l’occurrence -.
Durant la rencontre, il a été également convenu de permettre à l’avocat, comme par le passé, de retirer les grosses des arrêts et jugements et pièces versées sans exhiber de mandat, de décider aux lieu et place de son client s’il opte ou renonce à la médiation et que l’échange et la communication de dossiers de fonds pourra se faire indifféremment à l’audience ou au greffe.
Sur le terrain, ce recul du ministère de la Justice n’a pas désamorcé la crise qui secoue actuellement le secteur et pour cause : qui peut décider que tel document précisément doit être traduit du français en arabe et pas d’autres ? Le magistrat, l’avocat, le procureur général, le chef de cour ? La chancellerie accentue ce flou en refusant de consigner par écrit cette décision, se limitant à transmettre des recommandations verbales aux chefs de cour.
Il n’en demeure pas moins que cet accord verbal n’a pas été répercuté sur l’ensemble des juridictions qui continuent à appliquer avec beaucoup de rigueur l’arabisation des documents de justice. Selon le barreau, nous nous acheminons peu à peu vers l’asphyxie de l’appareil judiciaire.
L’une des contraintes de cette mesure est financière. La traduction d’un simple certificat coûte 1 000 dinars.
Celle d’un jugement de justice de deux pages 25 000 dinars. La traduction d’un document de 100 pages revient entre 100 000 et 150 000 dinars. À ce problème se greffe la contrainte des délais. Un justiciable dispose seulement de deux mois pour remettre sa requête à la justice, alors que la traduction, surtout de documents techniques exige plus de temps.
Si elle persiste, cette situation risque d’aboutir à un bras de fer entre la chancellerie et le barreau qui compte établir l’ordre du jour de son conseil national, prévu dans les prochains jours, autour de cette question.