Comme si ce continent meurtri n’en avait pas assez à faire déjà avec ses vieux démons, il a fallu qu’il s’en fabrique d’autres. En proie à la famine, la sécheresse les guerres tribales et les conflits fratricides, l’Afrique est désormais face au danger que représentent les groupes islamiques armés. Une situation explosive à laquelle les puissances occidentales qui crient au loup comme d’habitude, ne sont pas étrangères.
D’Est en Ouest, l’Afrique est confrontée depuis le début de l’année à un regain de violences de groupes islamistes armés souvent liés entre eux, une percée que n’arrivent pas à enrayer les pouvoirs en place.
Les pays les plus touchés sont dans l’est du continent, la Somalie et le Kenya, dans l’ouest, le Nigeria et le Mali, dont plus de la moitié du territoire est occupée par deux mouvements alliés à Al-Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) enraciné dans ce pays depuis 2007. Les deux groupes récemment créés, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et Ançar Dine, ont commencé à appliquer la charia (loi islamique) dans le Nord malien qu’ils contrôlent, où ils fouettent les buveurs d’alcool, les fumeurs et les couples non mariés.
A Tombouctou, ville mythique du Sahara classée au patrimoine mondial de l’humanité, désormais en péril, ils ont choqué le monde en détruisant des mausolées de saints musulmans vénérés par les populations locales. Ils ont pris le dessus sur les rebelles touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), indépendantistes et laïcs, qui avaient été les premiers à lancer l’offensive sur les villes du nord du Mali en janvier. Au Nigeria, c’est le groupe Boko Haram qui sème la terreur, essentiellement dans le nord du pays, par des attentats et des attaques contre les forces de sécurité, les responsables gouvernementaux, les lieux de culte chrétien. Bilan : un millier de morts en un an et demi.
En Somalie et au Kenya, mais aussi en Ouganda, ce sont les shebab, islamistes somaliens récemment intégrés à Al-Qaîda, qui sèment la terreur partout où ils passent. Au Kenya, des hommes armés tirent sur deux églises, tuant 17 personnes, la pire des attaques sur le sol kenyan en dix ans.
Dans le Sahel, «il est certain que les islamistes sont actuellement en position de force parce qu’ils ont beaucoup d’argent, ils ont marqué des points indéniables sur le terrain» à la faveur de l’arrivée massive d’armements venant de Libye, estiment les spécialistes de l’Afrique. A ce propos, Shehu Sani, auteur nigérian d’un livre sur la violence dans le nord de son pays, estime que si on lie les différents groupes armés du Sahara, islamistes et Touareg, «on peut voir poindre à l’horizon un arc de la terreur».
Les liens entre Boko Haram et Aqmi, et donc avec ses alliés du Mujao et d’Ansar Dine, ont été établis en janvier dans un rapport de l’ONU.
En avril dernier, un député du nord du Mali, Abdou Sidibé, avait affirmé qu’une bonne centaine de combattants de Boko Haram avaient été vus à Gao, ville de la région contrôlée par le Mujao.
Le chef du commandement des Forces armées américaines en Afrique (Africom), le général Carter Ham, a estimé, fin 2011, que, prises indépendamment, chacune des trois grandes composantes islamistes du continent – Aqmi, Shebab et Boko Haram – représente «une menace significative, pas seulement pour les pays où elles opèrent, mais aussi régionalement» et «pour les Etats-Unis».