Aqmi attaque un symbole de l’armée

Aqmi attaque un symbole de l’armée

La prestigieuse Académie militaire interarmes de Cherchell a été surprise, durant la soirée du vendredi 26 août, à 19h 50, par deux attentats kamikazes, l’un à l’intérieur du mess des officers et le second à proximité immédiate de l’hôtel militaire, situé à quelques mètres du mess.

Selon des témoignages concordants, la première explosion a eu lieu à l’intérieur du mess, où des officiers et officiers supérieurs du grade de lieutenant, capitaine, commandant et colonel étaient parmi les convives pour le repas du Ramadan. Selon des témoignages provenant de plusieurs sources, l’un des terroristes a accédé au cœur du mess et a déclenché la puissante charge explosive qu’il portait en bandoulière. Ce fut le chaos. Le corps du kamikaze déchiqueté et les corps des officiers blessés ont créé une atmosphère effroyable.

Le second terroriste, qui avait réglé la chronologie meurtrière et assassine de son action sur la première déflagration, s’est alors lancé sur une moto, directement vers l’accès du mess, en se faisant déchiqueter à son tour, pour surprendre ceux parmi les officiers qui s’apprêtaient à évacuer l’intérieur du mess. Une troisième déflagration eut lieu aux environs de minuit, mais selon nos sources, il s’agit d’une autre charge qui n’avait pas explosé et qu’a été détruite par les démineurs. Des rumeurs qu’il faudra prendre avec des pincettes, attribuent cette dernière charge à un troisième véhicule dont le conducteur aurait pris la fuite, pour des raisons inconnues. Cette troisième explosion a jeté l’effroi sur la ville, du fait qu’au même instant, c’est-à-dire vers minuit, la chaîne El Arabya annonçait le nombre effroyable de 18 morts à l’ouest de la ville. Le bruit et le choc assourdissant des premières déflagrations ont été ressentis et perçus à plusieurs centaines de mètres à la ronde. M. H. Ali nous confiait : «Les bâtiments ont vibré dangereusement. Je croyais qu’il s’agissait d’un séisme. Mais en sortant dehors, j’ai vu de la fumée sortir des cuisines du mess. Comme je suis un ancien militaire qui a travaillé dans ces cuisines, j’ai pensé qu’il s’agissait de l’explosion de bouteilles de propane ou de gaz.» Plusieurs heures durant, les secours affluaient vers le lieu du drame. Les familles qui comptaient des proches parmi les victimes de cette attaque accouraient de toutes parts vers les hôpitaux de Cherchell et de Sidi Ghilès. Tard dans la nuit, selon des informations qui nous sont parvenues, deux civils de passage sont décédés et un autre a été gravement blessé. Mais au-delà de cette douloureuse tragédie, des interrogations restent posées par ceux, anciens civils ou militaires, qui connaissent parfaitement ce mess. «Les accès à l’académie et au mess sont hypergardés par des haies métalliques, des caméras de surveillance et des sentinelles rompues à la reconnaissance visuelle de chaque officier qui pénètre l’enceinte du mess ou de l’Académie», nous précise un vieux retraité de l’Académie. Un autre ancien militaire abondera dans le même sens : «Quel passage a emprunté le kamikaze pour pénétrer dans le mess ? Par l’accès officiel ? C’est impossible, car outre la haie métallique, il y a la sentinelle qui salue les officiers supérieurs qui y accèdent et qui aurait refoulé et arrêté l’intrus ? Les caméras sont pourtant là.

Il serait intéressant de chercher les autres voies d’accès plus sensibles qui auraient permis à l’intrus de s’infiltrer», dira, affirmatif et en pleurs, ce vieux militaire, écœuré par cette boucherie. Il convient de signaler que la ville de Cherchell a subi dans un passé récent des tentatives d’intrusion terroristes depuis le sud de la ville, qui ont été repoussées. La seconde attaque contre l’armée est venue de la contrée montagneuse de Tala N’deriouch et des collines boisées de Temloul, où une bombe a été placée sur la route d’un convoi, touchant un véhicule militaire et faisant des blessés.

Houari Larbi

Le bilan officiel

Le nombre de décès dans l’attentat terroriste perpétré vendredi contre le mess extérieur de l’Académie militaire inter-armes de Cherchell s’élève à 18 chahids, dont 2 civils, a indiqué hier un bilan du ministère de la Défense nationale. Vingt personnes ont été blessées et ont quitté l’hôpital après y avoir reçu les soins nécessaires. Cependant, six autres personnes ont été maintenues sous contrôle médical, dont l’une est dans «un état très grave», précise-t-on de même source. Le ministère de la Défense nationale estime que ce crime terroriste «démontre une nouvelle fois que les groupuscules terroristes tentent à travers cet acte abject d’atteindre des objectifs médiatiques afin de desserrer l’étau qui leur est imposé sur le terrain par les forces combinées de sécurité qui ont réalisé des résultats remarquables, notamment durant les dernières semaines». Le Haut Commandement de l’Armée nationale populaire, «tout en s’inclinant à la mémoire des chouhada ayant péri dans cet acte ignoble», a réitéré sa «détermination à mettre hors d’état de nuire ces bandes criminelles et assurer la paix et la quiétude dans l’ensemble du pays».

APS

Cherchell se réveille dans l’horreur

En se réveillant hier matin, les Cherchellois n’avaient qu’une question en tête : quel est le bilan du carnage de la veille ? D’autant plus que le ballet incessant, jusqu’aux premières heures du matin, d’ambulances aux sirènes stridentes n’avait fait qu’alimenter les spéculations sur le bilan du carnage, toutes aussi catastrophiques les unes que les autres.

Hier, les principales artères menant à la prestigieuse académie, fierté des Cherchellois, étaient soumises à une surveillance très stricte des services de sécurité, avant d’être carrément fermées à la circulation. Ce qui n’a pas manqué de provoquer des bouchons monstres, du fait que la fermeture de l’avenue longeant l’immense portail de l’institution militaire a obligé les automobilistes à contourner la ville en empruntant des rues et des ruelles pas adaptées à un flux important de véhicules. A cela s’est ajouté le stationnement anarchique ; certains automobilistes ont abandonné leurs véhicules pour continuer à pied vers les quartiers désormais interdits aux voitures. Les nombreux journalistes arrivés tôt dans la ville ont dû vite déchanter. Personne n’était autorisé à atteindre les lieux de l’attentat.

Hormis les soldats chargés de refouler les curieux, aucun interlocuteur n’était disponible pour discuter avec la presse. Ce n’est donc qu’à la mijournée que les riverains ont pris connaissance, par la radio, du macabre bilan de l’attentat. Effondré par l’ampleur du drame, ammi Ammar, un octogénaire connu à Cherchell, ne pouvait retenir ses larmes. Trois de ses petits-enfants sont militaires. Il se sent atteint dans sa chair. «Pourquoi ce massacre ? Ne sommes-nous pas musulmans ? Ils sont où ces assasins ?» lancera-t-il en direction des babauds, silencieux, qui avaient formé un cercle autour de lui.

«Ils sont en train de massacrer l’élite du pays, avez-vous le cœur et le courage de pardonner à ces criminels ?» Présent sur les lieux, un élu municipal prend le relais : «L’académie est un fleuron de l’armée algérienne qu’il faut préserver à tout prix. Les terroristes ont tenté de porter atteinte à un symbole. Ils n’y sont pas arrivés.» Pour lui, ce double attentat kamikaze ne doit réussir qu’à pousser au renforcement des mesures de sécurité et de vigilance qui ont permis par le passé de prémunir la ville de cette folie meurtrière. Les multiples tentatives, déjouées, d’intrusions terroristes dans la ville et la récente embuscade de Temloul sont encore vivaces dans les mémoires.

H. L.