La ville de Ben Guerdane, frontalière avec le nord de la Libye, vit du commerce avec ce pays
L’armée était déployée hier dans la ville de Ben Guerdane (sud), près de la frontière libyenne, après une semaine de heurts entre policiers et manifestants nourris par les frustrations sociales.
Des unités de l’armée et de la garde nationale, assuraient la sécurité dans la ville alors que la police était invisible dans les rues. Aucun acte de violence n’avait par ailleurs été signalé en fin de matinée, alors que samedi des groupes de jeunes avaient incendié pour la deuxième fois cette semaine, le principal commissariat après une nouvelle journée d’affrontements avec les policiers. Les manifestants, qui réclament un programme de développement régional et des mesures de lutte contre le chômage, demandaient depuis une semaine le déploiement de l’armée pour assurer la sécurité dans la ville. Celle-ci a meilleure réputation en Tunisie que la police, qui était au coeur du système répressif du président déchu Zine El Abidine Ben Ali. Une délégation de représentants de la société civile de Ben Guerdane doit être reçue demain par le gouvernement dirigé par le parti islamiste Ennahda, pour discuter des revendications des manifestants. «La délégation sera reçue mardi à 10h à Tunis», a indiqué Amar Hamdi, le dirigeant de la branche locale de l’Union générale des travailleurs tunisiens (Ugtt), principal syndicat du pays. Les mouvements sociaux dégénérant en violences se sont multipliés ces derniers mois en Tunisie, compte tenu des espoirs socio-économiques déçus après la première des révolutions du Printemps arabe qui fêtera lundi ses deux ans. Les heurts ont éclaté à Ben Guerdane le 6 janvier après une manifestation réclamant la réouverture de la frontière tuniso-libyenne, qui avait été fermée début décembre à l’initiative de la Libye, bloquant le commerce transfrontalier, une source de revenu importante pour la région. Une foule de jeunes, excédés par leurs conditions de vie et le chômage, se sont rassemblés dès la matinée de samedi face au commissariat qu’ils avaient incendié jeudi et ont lancé des pierres en nombre sur les policiers qui ont répliqué par des tirs de gaz lacrymogène, selon l’AFP. En fin d’après-midi, les policiers ont quitté le poste pour se réfugier dans les locaux de la garde nationale. Quelques heures plus tard, des affrontements ont repris de plus belle et le commissariat a été incendié une seconde fois. Des manifestants ont dit avoir réagi ainsi pour protester contre des déclarations du Premier ministre, Hamadi Jebali. «L’Etat comprend les revendications sociales et respecte la liberté d’expression, mais ne tolère point les saccageurs, les trafiquants de drogue et les agresseurs», a dit M. Jebali, selon l’agence officielle TAP, au sujet de la situation à Ben Guerdane. «Ben Guerdane est libre, Jebali dehors!» scandaient les manifestants, masqués pour la plupart. Tunis avait obtenu jeudi la réouverture de la frontière, mais la contestation ne s’était pas pour autant essoufflée. M.Jebali a obtenu sa réouverture, mais la contestation s’est poursuivie, entraînant une fermeture temporaire du poste-frontière de Ras Jdir ces deux derniers jours. «Nous ne voulons pas que la réouverture de Ras Jdir, nous voulons des projets de développement», a dit l’un des manifestants.