Après une accalmie de quelques jours à peine, Ghardaïa s’enflamme de nouveau

Après une accalmie de quelques jours à peine, Ghardaïa s’enflamme de nouveau
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Des sources locales jointes hier par téléphone font état de très violents affrontements qui ont commencé dans la nuit de mardi à mercredi, aux environs de 21 heures, et qui se poursuivaient hier, de manière sporadique jusqu’à l’heure où nous mettions sous presse.

Une troisième victime a par ailleurs été enregistrée, ce qui risque de déchaîner encore plus les passions et les rancoeurs.

Décidément, les éléments d’analyses et les quelques solutions proposées par notre journal après un reportage effectué à Ghardaïa se sont avérés, hélas, vrais. Ghardaïa, où les violences intercommunautaires étaient allées beaucoup trop loin, depuis le mois de novembre passé, ne pouvait hélas pas renouer avec la tranquillité et la stabilité de manière permanente à l’aide de simples solutions de rafistolage. Et c’est ainsi que la ville a renoué dans la nuit de mardi à mercredi avec la violence.

Une source locale, par ailleurs, membre du CCS (comité de suivi et de coordination, mis en place au lendemain de ces évènements, en vue de suppléer à l’incurie des autorités et des élus locaux ainsi que celle des comités des sages), jointe hier par téléphone, nous a affirmé que «c’est à la suite de provocations émanant de leaders notoires, que la justice et les services de sécurité n’inquiètent curieusement toujours pas, que de très violents affrontements entre Arabes et Mozabites ont de nouveau éclaté dans la nuit de mardi à mercredi, aux environs de 21 heures».

Notre source, qui ajoute que «des escarmouches et des affrontements sporadiques se poursuivaient hier (jusqu’à l’heure où nous mettions sous presse, ndlr) », précisent que «ces nouvelles violences, qui n’augurent hélas rien de bon, ont touché les quartiers Cheikh Baba-Aïssa, Cheikh Baba- Djemaâ et Alouane-Menad, tous trois situés en plein coeur de la ville». Même les imposants services de sécurité déployés partout n’ont pas réussi à séparer les deux parties en conflit, qui se sont servies de pierres, de frondes, de bâtons et de divers autres objets contendants.

On dénombre plusieurs blessés, ainsi que de nouveaux magasins et véhicules incendiés. Face à cette situation, Ghardaïa, qui revenait petit à petit, et fort difficilement à la vie, est redevenue «ville morte» depuis hier. Pas un seul magasin n’était ouvert, en effet.Toutes les administrations faisaient également relâche, alors que les écoles et l’université sont demeurées fermées.

Pour ce qui est des écoles, d’ailleurs, celles-ci n’avaient repris que très partiellement puisque à leur réouverture plusieurs actes racistes, violences verbales et physiques avaient été commis envers des élèves mozabites, forçant les parents des potaches issus de cette communauté à continuer de bouder l’école, en attendant qu’une solution définitive soit trouvée à cet épineux problème. Notre source, plus désespérée que jamais, appelle de tous ses voeux à un minimum de sécurité tant les gens ont désormais peur pour leurs vies, et pas seulement pour leurs biens matériels. Preuve en est que nous avons appris, dans le courant de l’après-midi, qu’une troisième personne a trouvé la mort dans des circonstances atroces.

À en croire des témoins oculaires, un groupe d’individus encagoulés a procédé dans la soirée de ce mardi à la fermeture de la route nationale reliant Daya à Ghardaïa en mettant en place d’imposantes barricades, ainsi que des pneus enflammés. Un automobiliste de passage a été pris à partie, très sévèrement molesté alors que sa voiture a été incendiée. Ghardaïa, qui vivait toujours audessus d’un volcan, n’avait connu qu’un calme relatif et trompeur. Désormais, la situation risque de dégénérer encore une fois, alors que l’initiative de Sellal, pour mettre un terme à cette crise, a fait long feu. À suivre…

Kamel Zaïdi

Sit-in devant le siège de la wilaya

Plus d’un millier de personnes ont organisé ce mardi une marche de protestation suivie d’un sit-in devant le siège de la wilaya et la Cour de justice de Ghardaïa pour réclamer « une justice équitable, la sécurité dans les différents quartiers de la région et l’arrestation des responsables des événements de Ghardaïa », a-t-on constaté.

Cet attroupement pacifique, composé essentiellement de jeunes, a perturbé la circulation piétonne et routière sur l’axe principal de Ghardaïa pendant quelques heures, devant un cordon d’agents antiémeute. Les contestataires issus des quartiers de Theniet el-Makhzen, Hadj-Messaoud, Hay el-Moudjahidine, Mermed, Ben-Smara et El-Aïn ont brandi des pancartes et banderoles où ils dénoncent « l’injustice et la hogra », appellent à la libération des jeunes présumés impliqués « injustement », selon eux, dans les événements de Ghardaïa et à l’arrestation des véritables coupables, et à l’unité nationale. Selon des jeunes, ce mouvement de protestation a pour objectif de démontrer que « nous sommes pour la paix, l’unité nationale et l’application des lois de la République à travers l’ensemble des quartiers de Ghardaïa ».

« Nous voulons que les services de police s’installent dans les différents ksour de Ghardaïa pour éviter les dépassements et les affrontements, et lutter contre toutes formes de violences et autres délinquances ». Les manifestants, « près de trois mille », selon les organisateurs, ont répondu à l’appel lancé par un « comité des jeunes malékite », signalet- on.

R. N.

Plus de 81 locaux incendiés

Pas moins de 81 locaux à caractère d’habitation et commercial ont été incendiés et plus d’une cinquantaine saccagés et vandalisés, depuis le déclenchement des échauffourées à Ghardaïa à la mi-janvier, a-t-on appris hier auprès des services de la wilaya. Soixante-dix habitations et onze locaux commerciaux, situés dans les communes de Daya Ben Dahoua, Ghardaïa et Bounoura, ont subi des dégradations avancées, at- on indiqué. « Ces locaux seront expertisés par des spécialistes du contrôle technique de la construction (CTC) et des agents des directions de l’urbanisme et du logement pour déterminer leur degré de dégradation, avant d’entamer les opérations de restauration et de réhabilitation », ont fait savoir les mêmes services.

« Les propriétaires des habitations partiellement dégradées et classées par les services du CTC recevront une aide financière pour la réhabilitation de leurs logements », a-t-on ajouté. Pour ce qui est des habitations les plus touchées, les pouvoirs publics, par le biais de la Direction du logement et des équipements publics (Dlep) et de l’Agence de développement social (ADS), « ont mis en place une série de mesures visant la prise en charge des habitations qui nécessitent un confortement de l’assise des murs d’enceinte, le renforcement des bases des murs par la maçonnerie de pierres, et la reprise et la consolidation des points névralgiques et des effondrements de la maçonnerie en élévation des habitations », explique la même source.

« Les pouvoirs publics ont également prévu la réfection des logements partiellement saccagés, particulièrement par la reprise de leurs éléments détruits ou cassés ». Quatre autres logements et treize locaux commerciaux, incendiés dans la localité de Berriane, qui a aussi connu des échauffourées dernièrement, seront également restaurés. Pour rappel, certains quartiers de Ghardaïa et de Berriane ont connu, en janvier dernier, des échauffourées et heurts sporadiques et récurrents entre des groupes de jeunes ponctués par des actes de vandalisme de pillage et d’incendie de locaux à usage d’habitation ou commercial.