Après Toufik, attaques contre Saïd Bouteflika, Où va l’Algérie ?

Après Toufik, attaques contre Saïd Bouteflika, Où va l’Algérie ?

said_2013725_465x348.jpgSur la scène médiatique nationa le, de graves jacqueries politi ques, sur fond de guerre de l’ombre, sont offertes, sur un plateau, au peuple, à deux mois et quelques jours de l’élection présidentielle, d’avril prochain.

Après donc la charge de Amar Saâdani, secrétaire général du FLN, contre le patron des Services de sécurité algérien, le général de corps d’Armée Mohamed Mediène dit «Toufik », voilà que surgit une autre attaque, frontale et violente, contre un des personnages les plus importants, au sommet de l’Etat, Said Bouteflika, frère cadet du président et conseiller spécial à la présidence de la République. Hichem Aboud, journaliste et écrivain, ancien patron des quotidiens, aujourd’hui, interdits «Mon Journal» et «Jaridati», compte publier un livre sur la famille Bouteflika et leur passage au pouvoir.

C’est sous le titre de «L’Algérie des Bouteflika: vol, vice et corruption» que Hicham Aboud, qui a déjà publié un livre sur «La mafia des généraux», compte intituler son second ouvrage. Mais, l’insolite est que Aboud a rendu publiques quelques passages de ce livre, en les envoyant, tout simplement, au frère du président, Said, pour «qu’il confirme certaines informations le concernant» et contenues dans un chapitre qui lui est consacré dans cet ouvrage.

Aboud, dont le quotidien «Mon Journal» a été interdit et lui-même objet de poursuites judiciaires, après avoir annoncé que le Président Bouteflika avait été évacué dans un état comateux, à Paris, en avril dernier, écrit dans sa lettre, transmise à Said Bouteflika via les services de la présidence de la République: «apportant les dernières touches à un ouvrage littéraire que je consacre à l’Algérie, sous le régime des Bouteflika, j’ai recueilli une masse d’informations et de témoignages, vous concernant.

Dans leur quasi-totalité, ces informations ne vous sont guère favorables ». «Aussi, le chapitre qui vous est consacré comporte certaines informations relatives à votre enfance, votre vie d’étudiant et votre vie familiale», poursuit-il dans cette lettre reprise par le site d’informations TSA. Sur le volet de la corruption, Aboud écrit que «ils sont nombreux à témoigner que vous êtes impliqué dans les plus grosses affaires dont celle de Sonatrach, l’autoroute Est-Ouest, Philippe Morris et bien d’autres.

C’est ce qui explique l’impunité dont jouissent les Chakib Khelil, Amar Ghoul et consorts. Vous seriez, également, impliqué dans l’affaire Khalifa et vous touchez sur les gros marchés, dont ceux des grands travaux routiers, confiés à l’ETRHB dont vous avez fait du patron, Ali Haddad, un associé de facto qui vous verse plus de 50% de ses bénéfices». Selon cette missive reçue par Said Bouteflika, il est questionné par Hicham Aboud qui lui demande: «pouvez- vous nous dire quelle a été la note de l’hôtel Meurisse qui a abrité votre famille, durant le séjour hospitalier de votre frère à Paris ?

Certaines sources indiquent que vous aviez gonflé la note d’un commun accord avec le patron de l’établissement pour détourner une bonne somme, qui s’élèverait à près d’un million d’euros que vous avez placé dans une banque suisse. À propos des banques suisses, des sources proches de votre entourage estiment votre fortune avec celle de votre frère président à plus de neuf milliards de francs suisses». Au site TSA, Aboud précise que son livre sur les Bouteflika «n’est pas un livre à charge ! C’est un bilan des 15 ans de règne du Président.

Un livre pour faire connaître sa personnalité, sa famille et son entourage ». Pour écrire son livre, Aboud, ancien officier du DRS, affirme s’être déplacé au Canada, au Maroc et en France, notamment, pour mener ses investigations. « J’ai été voir tous ceux qui ont connu Bouteflika et sa famille depuis son enfance jusqu’à maintenant. C’est un livre qui est fait sur la base des témoignages recueillis». Hichem Aboud compte publier cet ouvrage «probablement, après l’élection présidentielle et quel que soit le résultat. Pour que personne ne l’exploite. Enfin, pour que ça ne fasse pas le jeu de certains», affirme-t-il toujours, au site TSA.

Hicham Aboud a été accusé d’atteinte à la sécurité de l’Etat, après avoir publié des informations sur l’état de santé du Président Bouteflika, lors de son évacuation à Paris, au mois d’avril 2013. Il a été même interdit de sortie du territoire national, et avait, à la suite de ces tracasseries, affirmé que «c’est Said Bouteflika qui dirige le pays». Le frère du président, qui a été, également, accusé de comportements immoraux et de trafic de drogue, a confirmé, dimanche, avoir reçu cette lettre et ordonné qu’elle soit publiée intégralement, en dépit de la gravité des accusations rapportées par Aboud, pour «prendre l’opinion publique à témoin». «J’ai reçu cette lettre et j’ai décidé de la rendre publique intégralement », affirme-t-il, jugeant «inacceptables » les accusations de Hicham Aboud, contenues dans cette lettre.

« Les accusations portées dans cette lettre sont tellement graves qu’elles ne touchent plus uniquement à ma personne, mais portent atteinte à tout un peuple qui n’accepterait pas que le frère du Président puisse avoir de tels comportements», dit-il, avant d’annoncer que «je ne vais pas me taire et (je vais) porter plainte contre Hicham Aboud que je n’ai jamais eu à connaître ». Voulant clore, immédiatement, cette parenthèse, Said Bouteflika affirme qu’il ne va pas répondre à Hicham Aboud «considère qu’il est comptable devant le peuple algérien» .

AVANT ABOUD, SAADANI

Curieusement, cette diatribe, sinon ces accusations graves contre la famille Bouteflika, et donc contre la hiérarchie directe de l’Etat algérien, interviennent, non seulement, en pleins préparatifs de la présidentielle d’avril 2014, mais, surtout, après un semblant de retour du calme après la tempête médiatique déclenchée par le «patron» du FLN contre celui de la toute puissante sécurité militaire. On se rappelle que Amar Saadani avait, dès le début du mois de novembre dernier, envoyé une première salve contre le général Toufik.

Contre le patron du DRS, il avait notamment assuré refuser «l’interférence de la sécurité intérieure dans les affaires du parti. Nous l’invitons à s’occuper des questions sécuritaires. La place des militaires est dans la caserne. Que fait un colonel au Sénat ? De quel droit assiste-il aux réunions du Comité central d’un parti ? » avait-il déclaré à un site électronique algérien. «Je l’ai dit et je le répète. Aucun département n’a le droit de s’impliquer dans la vie politique, la justice et la presse.

Il faut en finir avec le pouvoir parallèle», a-t-il, encore, ajouté. Il a par ailleurs, relevé, en faisant un bilan du DRS, que «ce service a multiplié les échecs. Malheureusement, au lieu de s’occuper de la sécurité du pays, ce département s’est occupé des affaires des partis politiques, de la justice et de la presse». A mon avis, Toufik aurait dû démissionner après ces échecs«, a-t-il indiqué. Et puis, Saâdani, en pleine tempête au plus haut sommet de l’Etat, ajoute: «je milite pour la séparation des pouvoirs. Pour un Etat civil. Je dis, par contre, que si un mal m’arrive, ce sera l’oeuvre de Toufik».

Du côté du DRS, une information laconique est donnée: il y aura plainte devant la justice algérienne contre les propos de Saâdani, contre le DRS et son patron. Bien sûr, la société civile et plusieurs partis politiques ne sont pas restés insensibles à cette guerre de tranchées, même si leur réaction a été, quelque peu, lente, et qui a globalement pris faits et cause pour… le patron du DRS. L’épisode des graves accusations contre la famille Bouteflika, dans cette guerre feutrée, par presse interposée était-il programmé ?

Yazid Alilat