Abdelaziz Bouteflika a désigné, jeudi, Tayeb Belaïz en qualité de président du Conseil constitutionnel. Le chef de l’Etat devra désormais trouver un remplaçant pour lui succéder au ministère de la Justice.
Tayeb Belaïz est, depuis jeudi, le nouveau président du Conseil constitutionnel. Il remplace Boualem Bessaïeh, dont le mandat de six ans est officiellement arrivé à terme le 27 septembre 2011. Mais il s’avère que le chef de l’Etat n’a toujours pas mis fin aux fonctions de Tayeb Belaïz en qualité de ministre de la Justice, garde des Sceaux. L’homme se retrouve dans une situation inédite puisqu’il est membre du pouvoir exécutif et, simultanément, à la tête d’une institution de contrôle. «Les institutions et organes de contrôle sont chargés de vérifier la conformité de l’action législative et exécutive avec la Constitution et de vérifier les conditions d’utilisation et de gestion des moyens matériels et des fonds publics», stipule à ce titre l’article 162 de la Constitution. L’incompatibilité entre les deux fonctions est flagrante. Abdelaziz Bouteflika se doit donc de nommer un nouveau ministre à la tête du département de la justice. La mission du successeur de Belaïz s’annonce théoriquement très courte — une quarantaine de jours tout au plus — puisque l’actuel gouvernement est appelé à changer au lendemain de l’élection législative du 10 mai. Reste une autre solution : Bouteflika peut nommer un membre de l’exécutif, voire même le Premier ministre ou le vice-Premier ministre en qualité de ministre de la Justice par intérim. Mais il est aujourd’hui utile de s’interroger sur le timing choisi par Abdelaziz Bouteflika pour procéder au remplacement de Boualem Bessaïeh. En fait, celui-ci est sans nul doute lié directement à l’élection législative du 10 mai. A quelques semaines de cette échéance, le chef de l’Etat ne pouvait se permettre de courir le risque de faire planer le doute sur la légitimité de la future Assemblée populaire nationale. Car le risque était réel. En effet, il est important de rappeler que le Conseil constitutionnel joue un rôle central dans l’organisation et le contrôle de la régularité des opérations électorales. Son président est d’ailleurs chargé de proclamer officiellement les résultats des élections. En septembre 2005, Bouteflika avait agi dans l’urgence en nommant Bessaïeh à tout juste 48 heures de la tenue du référendum sur la «paix et la réconciliation ». La décision prise, jeudi dernier, par le président de la République confirme, de facto, que le mandat de Boualem Bessaïeh était largement dépassé. Cette question avait été évoquée à plusieurs reprises ces derniers mois. L’argument avancé «officieusement » pour contrer cette réalité consistait à dire que Bessaïeh «consommait» le mandat inachevé de son prédécesseur, Mohamed Bédjaoui. Mais dernièrement, une faille est apparue. Le 4 mars 2012, un décret présidentiel portant nomination de deux nouveaux membres du Conseil constitutionnel était publié au Journal officiel. Dans ce texte auraient dû figurer les noms de l’ensemble des membres siégeant dans cette institution, y compris le nom de son président, comme l’exige l’article 3 du décret présidentiel du 7 août 1989 relatif aux règles se rapportant à l’organisation du Conseil constitutionnel et au statut de certains de ses personnels. Ce ne fut pas le cas. Seuls les noms des deux nouveaux membres figuraient dans le décret du 4 mars dernier. Y a-t-il eu volonté de ne plus associer le président sortant au Conseil ? C’est fort probable. Mais si un jour l’illégitimité de Boualem Bessaïeh à la tête du Conseil constitutionnel venait à être prouvée, cela reviendrait à déclarer l’anti-constitutionnalité de l’ensemble des décisions prises depuis le 27 septembre 2011. A commencer par l’ensemble des lois adoptées par le Parlement dans le cadre des réformes politiques initiées par Abdelaziz Bouteflika…
T. H.