Après plus d’une semaine d’émeutes et de confrontations entre manifestants et services de sécurité,Akbou sur un brasier

Après plus d’une semaine d’émeutes et de confrontations entre manifestants et services de sécurité,Akbou sur un brasier
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Six jours durant, la ville d’Akbou, 80 km à l’ouest de Béjaïa, a vécu au rythme des émeutes, des saccages et de violentes manifestations. Les émeutes, d’après les habitants de la ville, ont éclaté spontanément. Chaque jour, en effet, une centaine de jeunes émeutiers prennent d’assaut le siège de la sûreté de daïra et coupent à la circulation les artères principales de la ville.

Leurs revendications sont d’ordre social : emploi et amélioration du cadre de vie. Point de revendications politiques. Pourtant, la région d’Akbou est connue pour être le bastion des luttes démocratiques et revendications politiques en Kabylie.

Les événements ont pris une autre tournure et plus d’ampleur mardi, lorsque les services de sécurité ont décidé de déloger de force les squatters des logements LSP, au niveau du quartier La caserne, sur les hauteurs de la ville, afin de les restituer à leurs véritables bénéficiaires.

Plus de 500 logements ont été occupés illégalement au début du mois de janvier. Deux autres immeubles de la nouvelle ville de Sid Ali devaient être aussi évacués le même jour. Cette décision n’a fait qu’attiser le feu. Les jeunes de la ville ont eu une réaction volcanique et des confrontations d’une rare violence ont éclaté avec les services de sécurité pour se propager à d’autres quartiers de la ville. Les manifestants, dans leur furie, ont saccagé tout ce qu’ils ont trouvés sur leur passage.

Résultat : plus de 70 personnes ont été blessées et des édifices publics ont été saccagés et incendiés. Il s’agit du siège de l’Anem, du tribunal de la ville. On parle même de la mort d’un émeutier du village Guendouza qui a succombé à ses blessures. L’information est démentie aux urgences de l’hôpital de la ville. «Nous avons soigné plus de 80 blessés entre émeutiers et services de sécurité. Mais aucun cas grave à signaler», nous précisa un infirmier.

Pour les personnes arrêtées au cours de cette semaine de protestation, elle ont été toutes libérées sans aucune poursuite judiciaire. Leur arrestation n’a duré que quelques heures, le temps de calmer les esprits, signale-t-on. «Les services de sécurité jouent la carte de l’apaisement. Ils ne veulent guère de conflit», rapporte un élu de la ville d’Akbou, sans vouloir commenter ni donner son avis sur cette vague de protestation qui a secoué la ville. Une source sécuritaire, en outre, nous a affirmé que certains émeutiers ont été arrêtés et relâchés plusieurs fois par les services de sécurité. La plupart ne sont pas originaires de la région ni de la wilaya de Béjaïa.

Les habitants rejettent la violence

«On vient de sortir d’un cauchemar.» C’est ainsi qu’un vieux de la ville a commenté, mardi, les événements de la veille. Chacun va de sa petite explication pour commenter ces événements. Même si les avis des habitants d’Akbou convergent et divergent sur ces malheureux événements, une bonne partie les a vigoureusement condamnés.

Ils regrettent les énormes dégâts engendrés. Un commerçant du boulevard principale de la ville, Si El Haouas, nous a montré fièrement les documents et dossiers du bureau de l’Anem qu’il a cachés juste avant l’incendie de ce bureau. Ils s’agit d’importants documents administratifs et de matériel informatique. «Je connais personnellement ceux qui sont derrière le saccage de ce bureau.

Ce sont des jeunes qui ne veulent plus travailler et qui imposent leur diktat dans la ville. Je vous signale que d’autres habitants de la ville ont aussi caché chez eux des documents et du matériel d’autres administrations de la ville afin de les épargner des incendies et des pillages des manifestants», nous dira le commerçant, avec un air empreint de tristesse.

Un responsable de l’Anem nous précisa que le taux de chômage n’est pas vraiment élevé à Akbou, comparativement à d’autres régions de la wilaya. Akbou compte l’une des zones d’activité les plus actives dans toute la Kabylie. Il dira qu’environ 200 postes d’emplois sont créés chaque mois à la commune d’Akbou, soit une moyenne de 2400 postes d’emplois par année.

D’ailleurs, des employés et fonctionnaires de cette zone d’activité de Taharracht ont empêché à maintes reprises les tentatives d’incendie de certaines entreprises privées, nous témoigna un patron d’une petite entreprise agro-alimentaire privée. «Comment réclamer de l’emploi lorsqu’on veut saccager une zone d’activité ?», s’est interrogé un jeune, qui dit être outré par ce qui s’est passé la semaine dernière à Akbou.

Par ailleurs, hier, un calme précaire régnait sur toute la ville, mais les échauffourées peuvent reprendre à n’importe quel moment, disent certains citoyens. L’atmosphère demeure toujours tendue. Au centre-ville, par contre, qui grouillait de monde en cette journée de la fête du Mawlid ennabaoui, ensoleillée, chacun vaquait à ses occupations et la vie commence à reprendre son cours.

Tout le monde espérait que ce sera un mauvais souvenir et que les émeutes cesseront. De leur côté, les commerçants et les industriels de la ville comptent se réunir prochainement. Ils estiment que les pertes et le manque à gagner engendrés par les émeutes sont énormes.

Par A. Igoudjil