Après les magistrats, les P/APC et l’administration locale refusent de l’organiser / Présidentielle : l’improbable élection

Après les magistrats, les P/APC et l’administration locale refusent de l’organiser / Présidentielle : l’improbable élection

Houria Moula

Le rejet de l’élection présidentielle, fixée au 4 juillet, prend de l’ampleur et, de plus en plus, l’on assiste à une forme de désobéissance générale face à l’organisation de cette élection, que le chef de l’Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, s’est donné comme premier engagement. Un engagement qu’il ne pourrait tenir sans l’implication de l’administration locale, sous la tutelle des P/APC.

Et pour cause, la fronde au niveau local commence à s’organiser. Le ton a été donné par les partis de l’opposition, particulièrement le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), dont les élus ont, de façon collective, exprimé leur refus de l’organisation du scrutin en question. «Comme cela a été le cas lors du simulacre d’élection convoqué par Bouteflika pour le 18 avril, avant qu’il ne se retrouve hors circuit, le bureau national des élus progressistes du RCD renouvelle le refus collectif et catégorique de tous ses élus pour l’organisation et l’encadrement de ce nouveau simulacre d’élection, version Gaïd-Bensalah, projeté pour le 4 juillet 2019, et ce, sur l’ensemble des Assemblées populaires communales gérées par le RCD», avait indiqué dimanche le parti de Mohcine Belabbas dans un communiqué.

Les élus progressistes du RCD, qui se disent «conscients» de cette responsabilité historique et «déterminés à accompagner le mouvement populaire et à honorer le mandat communal», assurent qu’ils «continueront leur combat pour honorer la confiance de nos concitoyens». Le RCD gère, pour rappel 37 APC, notamment dans les wilayas de Tizi Ouzou, Béjaïa, Bouira, Boumerdès, Alger, Sétif, Tipasa et Ghardaïa. A Tizi Ouzou, les P/APC de Yakouren et de Souk El Tenine ont pour leur part annoncé leur boycott de la présidentielle du 4 juillet, dans des courriers adressés au wali pour le premier et au chef de daïra pour le second. «Suite à vos envois cités en référence, relatifs aux préparatifs de l’élection présidentielle prévue pour le 4 juillet 2019, nous avons l’honneur de porter à votre connaissance que nous ne procéderons pas à la révision ni à la préparation de l’élection suscitée, et cela par respect à la volonté du peuple algérien dont nous tenons notre légitimité, aussi par notre conviction personnelle et par respect aux magistrats qui ont exprimé leur décision de ne pas accompagner ce processus de la honte», a écrit le P/APC de Yakouren.

Concertation

Hier, le nouveau wali de Tizi Ouzou, qui devait tenir une réunion avec l’ensemble des P/APC, a été contraint de l’annuler. Boycottée par l’ensemble des P/APC FFS, au nombre de 22, et ceux du RCD (18), en plus d’autres P/APC indépendants, cette réunion est d’autant plus rejetée que le nouveau wali, Mohamed Djemaâ, est, selon certains P/APC, «illégitime». Dans la wilaya de Béjaïa, une réunion de concertation est prévue pour aujourd’hui avec l’ensemble des P/APC. Ceux de Sidi Aïch, Akfadou, Chemini, El-Flay, Tinebdar et Ouzellaguen ont déjà fait part de leur refus d’organiser la prochaine présidentielle, s’appuyant sur la volonté populaire et la position des magistrats.

De leur côté, les secrétaires généraux des communes de Seddouk, Beni Maouch, Bouhamza, Amalou, M’cisna, Beni Djellil et Feraoun ont annoncé leur alignement sur le mouvement populaire et décident de «s’abstenir d’organiser la révision exceptionnelle, l’opération de préparation et le déroulement de l’élection présidentielle du 4 juillet, largement refusée par le peuple algérien».

Ce rejet unanime intervient au moment où le pouvoir semble sourd à ce qui se passe sur le terrain. Le décret présidentiel portant convocation du corps électoral en vue de l’élection du président de la République, le 4 juillet, a d’ailleurs été publié au Journal Officiel.

Certes, il s’agit d’une procédure ordinaire, mais il n’en demeure pas moins qu’elle prouve combien les décideurs sont en décalage avec la réalité du terrain. Un terrain d’où sont «chassés» même les ministres du gouvernement de Noureddine Bedoui. Mohamed Arkab, ministre de l’Energie, en a été le dernier, lorsqu’il a été contraint de rebrousser chemin de Tébessa, où des citoyens

l’attendaient devant l’aéroport en scandant «Dégage ! Dégage ! ».

Entêtement inutile ?

Le refus des représentants du peuple au niveau local d’entamer les préparatifs liés à l’organisation de la présidentielle intervient après la sortie inattendue des magistrats, qui ont exprimé leur refus de superviser l’opération électorale par respect à la volonté du peuple qui a rejeté, lors des marches populaires, la feuille de route de Bensalah et l’a appelé à démissionner. Les magistrats, en se rangeant du côté du peuple, portent un coup dur à l’opération désormais compromise.

Bien que la «désobéissance» des P/APC soit, pour le moment, limitée aux wilayas de Kabylie, il faut s’attendre à ce que cet acte fasse tache d’huile, surtout que lors des marches les Algériens parlent d’une seule voix indépendamment des régions, des couleurs politiques et des idéologies. La division qui touche les directions des partis FLN et RND, qui détiennent le plus grand nombre d’APC, pourrait pousser certains P/APC qui leur sont affilés à se rebeller contre leur tutelle. Entre-temps, l’intervention du chef d’état-major de l’ANP Ahmed Gaïd Salah est attendue. Le général de corps d’armée, vice-ministre de la Défense nationale, en déplacement, depuis hier, dans la 4e Région militaire (Ouargla), est sous pression après les multiples interpellations de la rue lors des marches du 12 avril. Gaïd Salah écoutera-t-il les cris des Algériens ? Attendons…