Après le Qatar, qui a appelé à une intervention militaire internationale en Syrie pour renverser Bachar El Assad, c’est l’Arabie Saoudite qui se distingue dans cette nouvelle forme d’ingérence dans les affaires d’un pays arabe, même si le régime en place à Damas est coupable de plusieurs griefs, dont celui d’assassiner ses propres citoyens.
Selon le quotidien britannique ‘’The Guardian’’, l’Arabie Saoudite est prête à payer les salaires de l’Armée syrienne libre (ASL) afin d’encourager les défections de membres de l’armée régulière et d’accroître la pression sur le régime de Damas. Cette décision de Ryadh aurait été prise après des discussions entre représentants saoudiens, américains et «du monde arabe».
Le soutien financier direct de l’Arabie Saoudite à l’opposition armée syrienne a été décidé, selon le Gardian qui cite des sources ‘’arabes’’, en mai, au moment où des armes commençaient de passer en Syrie par la frontière turque, destinées à l’Armée Syrienne Libre (ASL). Toujours selon le quotidien britannique, un centre de commandement de 22 personnes, pour la plupart des Syriens, a été mis en place à Istanbul pour coordonner les livraisons d’armes avec les dirigeants de l’ASL en Syrie.
Le journal dit avoir été témoin d’un transfert d’armes au début du mois en Syrie près de la frontière turque. «Cinq hommes habillés comme dans les pays du Golfe « et porteurs de fortes sommes d’argent auraient réceptionné 50 boîtes de fusils et de munitions ainsi que des médicaments provenant de la ville turque de Reyhanli.
Sur ce registre, la Turquie a démenti vendredi l’envoi d’armes aux rebelles syriens, après des informations du New York Times jeudi, selon lesquelles des agents de la CIA surveillaient en Turquie les livraisons d’armes aux rebelles syriens pour s’assurer qu’elles ne tombent pas entre les mains de membres d’Al-Qaida.
Le soutien direct de l’Arabie Saoudite et des monarchies du Golfe à l’opposition armée syrienne s’explique sur plusieurs registres, et pas seulement celui confessionnel, et qui oppose les sunnites, proches des pays arabes, au chiites du pouvoir Baath à Damas.
Le fait est que si ces informations étaient confirmées, l’Arabie Saoudite et d’autres pays arabes du Golfe créeraient un précédent dangereux dans la crise syrienne, et outrepasseraient délibérément les protocoles en vigueur au sein de la Ligue arabe, même si celle-ci n’a pas été très présente dans la crise syrienne.
A Damas, le pouvoir a annoncé par ailleurs samedi la formation d’un nouveau gouvernement, un peu plus d’un mois après des élections législatives boycottées par l’opposition qui les a qualifiées de ‘’mascarade’’.
UN NOUVEAU GOUVERNEMENT
Le nouveau gouvernement est composé de 34 ministres, dont sept ministres d’Etat et dirigé par l’ancien ministre de l’Agriculture Riad Hijab.
Dans ce nouveau cabinet, trois anciens ministres conservent leur poste: les ministres des Affaires étrangères Walid Mouallem, de l’Intérieur Mohammad Ibrahim al-Chaar, et le ministre de la Défense Daoud Rajha, nommé en août 2011 en pleine révolte. Une nouveauté pourtant : le président Bachar El Assad a décidé de créer le portefeuille de ministre d’Etat pour les «Affaires de la réconciliation nationale» et confié à Ali Haïdar, un membre de l’opposition tolérée par le régime.
Un autre opposant, ancien communiste, Qadri Jamil, est devenu vice-Premier ministre pour les Affaires économiques et ministre du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs. MM. Haïdar et Jamil sont coprésidents du «Front populaire pour le changement et la libération» créé en juillet 2011 et qui, tout en soutenant la contestation pacifique, n’appelle pas expressément au départ du régime et refuse toute intervention étrangère.
Ces deux opposants basés à Damas ne sont pas membres du Conseil national syrien (CNS), principale formation de l’opposition basée à l’étranger, qui réclame avant tout le départ du régime de M. Assad. Pourtant, les massacres continuent Sur le terrain, au moins cinq civils ont été tués samedi par les troupes gouvernementales, dont trois dans la région de Homs (centre), au lendemain de manifestations anti-régime qui ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes à travers le pays.
Bilan : 96 personnes ont péri durant ces manifestations réprimées par le régime, dont 50 civils, 15 soldats et 26 partisans du régime dans une embuscade dans la province d’Alep (nord), selon un nouveau bilan de l’OSDH publié dans la nuit de vendredi à samedi.
De son côté, le représentant du SG de l’ONU Kofi Annan a appelé la communauté internationale à augmenter la pression sur les parties et souhaité que l’Iran participe à une prochaine réunion sur la crise. M. Annan a fait le point à Genève avec le chef de la mission des observateurs de l’ONU en Syrie, Robert Mood, sur l’avenir de la mission des observateurs, dont le mandat expire le 20 juillet mais dont les opérations sont suspendues depuis une semaine.
M. Mood s’est dit «loin d’être convaincu» qu’un plus grand nombre d’observateurs ou qu’une décision d’armer les observateurs modifient la situation. A Moscou, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a affirmé avoir signifié à son homologue syrien Walid Mouallem que Damas devait faire «beaucoup plus» d’efforts pour mettre en oeuvre le plan Annan.
Yazid Alilat