Après le premier tour de la présidentielle Aghanistan : vers une transition historique

Après le premier tour de la présidentielle Aghanistan : vers une transition historique

L’élection présidentielle, dont le premier tour s’est déroulé le 5 avril dernier, reste cruciale pour la stabilité de l’Afghanistan. Le scrutin intervient dans un moment charnière de l’histoire du pays. Les troupes de l’Otan sont officiellement dans un processus de retrait (le désengagement devrait en principe s’achever fin 2014) et leurs missions de sécurité devraient être transférées aux forces afghanes. En attendant les résultats de cette présidentielle, qui ne devraient pas être connus avant le 24 avril, les spéculations vont bon train.

Le scrutin présidentiel du 5 avril en Afghanistan, qui devait décider du successeur du président sortant Hamid Karzaï, chef d’Etat depuis 2002, a déjoué les pronostics les plus sombres. Non seulement aucun incident grave n’est venu troubler la consultation, mais la participation a été à la hauteur des espérances, notamment dans la capitale Kaboul véritable baromètre du pays. Un fait non négligeable suscite l’inquiétude : 20,5 millions de cartes d’électeur auraient été émises alors que le corps électoral ne compte que 13 millions de personnes. Un calcul vite fait ressortir que 7,5 millions de documents falsifiés circulent toujours dans la nature. Mais le fait marquant reste d’un autre ordre. Les menaces proférées par les talibans n’ont finalement pas dissuadé les Afghans de prendre le chemin des urnes. L’élection présidentielle cruciale pour la stabilité de l’Afghanistan intervient particulièrement dans un moment charnière de son histoire.

Les troupes de l’Otan sont officiellement dans un processus de retrait (le désengagement s’achèvera fin 2014) et leurs missions de sécurité devraient être transférées aux forces afghanes. Les résultats de ce premier tour de la présidentielle ne devraient pas être connus avant le 24 avril. Le second tour éventuel pourrait avoir lieu autour du 28 mai prochain. Le calendrier sera principalement conditionné par d’éventuels contentieux et des «accords» entre candidats. Il faut dire que le scrutin constitue surtout un précédent dans ce pays d’Asie. Il pourrait constituer vraisemblablement l’ébauche de la première transition démocratique dans l’histoire de l’Afghanistan. Depuis la fin de la monarchie, en 1973, l’histoire de ce pays a été rythmée par des prises de pouvoir par la force. Coup d’Etat communiste en 1978 préludant à l’intervention soviétique en 1979. Conquête militaire de Kaboul par les moudjahidine engagés dans le djihad anti-russe en 1992. Conquête militaire de Kaboul par le mouvement taliban en 1996, puis renversement du régime du mollah Omar par l’invasion militaire occidentale après les attentats du 11 septembre 2001.

Aujourd’hui le président sortant et homme fort du pays, Hamid Karzaï, devrait remettre constitutionnellement les clés du palais présidentiel à son successeur élu. L’événement est évidemment d’envergure dans un pays considéré comme un des plus difficiles à gérer dans la région. Cette transition politique inédite s’annonce déjà très complexe au premier tour du scrutin présidentiel. La question talibane reste évidemment parmi les grandes interrogations qui sous tendent les présidentielles et l’avenir de l’Afghanistan.

Dans l’ombre de Karzaï

Menées par les Etats-Unis ou, secrètement, par le président sortant Hamid Karzaï, toutes les tentatives de négociations avec les talibans ont vraisemblablement échoué. Parrainés indirectement par une partie de l’Etat pakistanais, les talibans entendent participer au pouvoir en Afghanistan mais sans donner aucune garantie préalable, politique ou militaire. Les talibans s’opposent, notamment, à la conclusion entre Kaboul et les Etats-Unis d’un accord sur le maintien d’une force américaine résiduelle de quelque 10 000 hommes afin d’encadrer l’armée afghane. Et l’échec des négociations a conduit les talibans à annoncer leur rejet du scrutin et à promettre de le saborder. Leur objectif affiché est d’empêcher que le régime soit à nouveau légitimé par les urnes. Les talibans ont lancé une série d’assassinats pour terroriser les fonctionnaires chargés du vote. Les militants des candidats en lice, les ONG, de même que les journalistes, afghans et étrangers, subissent une pression qui va en grandissant. Mais l’enjeu est tellement important que la mutation est inéluctable, il s’agit de l’avenir de l’Afghanistan après treize années de guerre particulièrement épuisantes. Et une personnalité singulière demeure centrale dans le jeu politique.

En poste depuis la chute du régime taliban en 2001, le président sortant, Karzaï, voudrait bien peser sur le scrutin. Se plaçant dans une posture anti-américaine particulièrement productive, il dénonce, à juste titre, les bombardements de l’Otan qui font toujours des victimes civiles parmi la population. Un activisme en fin de mandat qui fait douter d’un possible retrait politique de Hamid Karzaï. Si le président sortant s’apprête à quitter formellement le pouvoir, son intention de continuer à exercer une influence déterminante sur le pouvoir est un secret de polichinelle. Et les regards se braquent aujourd’hui vers un candidat bien particulier. Le prétendant à la présidence dont il est le plus proche n’est autre que Zalmaï Rassoul, fidèle parmi les fidèles lors de son accession au pouvoir en 2001. Durant la campagne, la mobilisation de certains appareils de l’Etat en faveur de ce candidat a confirmé son statut de favori du président sortant. Les résultats de ce premier tour de la présidentielle ne devraient pas être connus avant le 24 avril. Et un second tour éventuel est prévu autour du 28 mai. En attendant l’Afghanistan retient son souffle.

M. B.