L’attitude de Ould Abdelaziz accentue une impression dominante, celle qui veut que l’UMA soit plus un moyen de pression qu’un outil d’union entre les cinq pays.
La réunion des ministres de l’Intérieur de l’Union du Maghreb arabe a été un non-événement. Sous-représentée, l’Algérie n’en attendait pas grand-chose.
La rencontre s’est tenue dans une Mauritanie curieusement remontée contre l’Algérie, au point d’aller provoquer un incident diplomatique, non sans mettre en avant «l’excellence» des relations maroco-mauritaniennes. Il y a dans ce genre d’attitudes une volonté de défier un pays souverain et brandir la menace de la division dans une région qui n’en a pas besoin. Il faut dire qu’entre l’expulsion du diplomate algérien et la réunion des ministres de l’Intérieur de l’UMA à Nouakchott, il s’est écoulé juste assez de temps pour donner à la saute d’humeur du président mauritanien un écho maghrébin en provoquant un arrêt net de toute idée d’édification de l’Union du Maghreb arabe.
En fait, les principales victimes de ce nouveau feuilleton algéro-mauritanien, ne sont autres que les peuples de la région qui voient s’envoler tout espoir de voir les cinq pays du Maghreb poursuivre le processus arrêté par le roi Hassan II, lequel en fermant les frontières entre son pays et l’Algérie, avait condamné l’UMA à une errance sans fin.
Aujourd’hui, plus de 21 ans après la «trahison» marocaine et malgré les tentatives de relance initiées par l’Algérie dès 1999 et reprises par le président tunisien Moncef Marzouki en 2012, et le réveil timide de quelques instances maghrébines et quelques accords sectoriels signés, rien de bien sérieux n’a été entrepris au plan politico-diplomatique.
Il faut dire que l’attitude du président de la Mauritanie accentue une impression dominante, celle qui veut que l’UMA est plus un moyen de pression qu’un outil d’union entre les cinq pays qui composent l’espace maghrébin. Il y a lieu de préciser que ce même espace est unique au monde au sens où c’est le seul de la planète à n’être pas organisé en communauté de destin entre pays. En effet, sur les cinq continents toutes les nations ont initié des unions régionales et disposent d’institutions transnationales et travaillent sur des politiques d’intégration économique. Le Maghreb, dont l’idée d’union est née en 1928 avec la création de l’Etoile nord-africaine, est actuellement la seule de la planète à vivre une situation de désunion aussi criarde.
Le tableau qu’offre le Maghreb est assez peu reluisant, faut-il le souligner. Avec une Libye déstructurée, un Maroc coincé sur la question du Sahara occidental et aujourd’hui, une Mauritanie grincheuse et visiblement sous influence de Rabat, les seuls pays encore proches de l’idéal de l’UMA se résume en l’Algérie et la Tunisie.
La région vit une véritable régression historique qui n’est pas sans laisser de traces dans le corps politique et social de toute la région. La saute d’humeur mauritanienne a, en effet, ceci d’implacable: elle étouffe dans l’oeuf toute velléité de faire avancer le dossier de l’UMA dans un sens ou dans l’autre.
Le froid annoncé par le président Ould Abdelaziz aura des conséquences au-delà des strictes relations diplomatiques entre Alger et Nouakchott et fait entrer tout le Maghreb dans une nouvelle «ère glaciaire». De fait, et en l’absence d’une stratégie d’intégration économique entre les pays du Maghreb, la région perd beaucoup de son influence géostratégique. Ceci affaiblit chaque pays de l’UMA dans ses rapports avec l’Europe et même avec l’Afrique.
En un mot, la Mauritanie et le Maroc font perdre au Maghreb une opportunité historique d’offrir aux peuples de la région la possibilité de vivre dans un espace économique développé.
Cette image déplorable du Maghreb ne prête pas à beaucoup d’optimisme, à moins que le duo Algérie-Tunisie, actuellement sur une trajectoire de partenariat tous azimuts, puisse donner un signal fort aux autres pays et construire une autre UMA, plus solidaire et moins encline aux petits.