L’ex-complexe sidérurgique d’El Hadjar, ArcelorMittal-Annaba, ne dispose pas de fonds localement qui lui permettent de rembourser dans les délais un crédit arrivé à terme le 3 janvier dernier.
C’est du moins cette situation que mettent en avant les responsables de l’entreprise, qui, comme annoncé, ont tenu à informer, officiellement, hier, le tribunal d’El Hadjar de la situation financière que traverse le complexe.
Il aura fallu près d’une heure au staff du directeur général, M.Vincent Legouic, pour expliquer au magistrat chargé de la section commerciale près le tribunal d’El Hadjar, la situation de cessation de paiement, générée selon les responsables du complexe, «par des garanties supplémentaires demandées à la société par la banque».
La saisine du tribunal, explique-t-on du côté de la direction, intervient conformément aux dispositions légales faisant obligation à tout manager d’entreprise dans l’incapacité d’honorer ses engagements, faute de fonds, d’en informer l’instance judiciaire. La di- rection d’Arcelor a tenu à l’occasion à préciser que l’entreprise, «contrairement à ce qui a été annoncé dans les journaux ces derniers jours, n’est pas en situation de dépôt de bilan.
Le Groupe ArcelorMittal travaille avec ses partenaires pour mettre en place les garanties nécessaires de façon à résoudre dans les meilleurs délais le problème de financement de la société et assurer le retour rapide à un fonctionnement normal.
En attendant, les opérations se poursuivent normalement et aucun impact immédiat n’est attendu sur l’activité ».
Le syndicat qui a exprimé les inquiétudes des travailleurs sou-cieux de l’avenir de l’outil de production et du devenir du pro-gramme d’investissement dont la mise en œuvre est prévue sur une durée de cinq années, a réagi favorablement aux déclarations de M. Ahmed Ouyahia qui s’exprimait à l’issue du conseil national de son parti, le RND, mettant en exergue la détermination de l’Etat algérien à préserver la pérennité du comple-xe tout en «refusant de céder aux pressions exercées par le parte-naire indien ArcelorMittal». M. Smail Kouadria, président du CP, s’est dit réconforté par le message de Ahmed Ouyahia, d’ailleurs, souligne-t-il, «reçu cinq sur cinq». «Nous adhérons à toute initia-tive qui participe de la préser- vation de l’activité sidérurgique et partant de l’emploi pour des mil-liers de travailleurs et autant de familles», a affirmé le syndicaliste avant la tenue de la réunion du conseil syndical élargi, appelé à trancher les mesures à prendre «devant ce répondant favorable des pouvoirs publics».
Comment la situation à Arcelor Mittal en est-elle arrivée là alors que le projet de mise en œuvre de nouveaux investis-sements devait ouvrir des pers- pectives prometteuses pour l’acti-vité sidérurgique ?
C’est justement le retard mis dans la mobilisation des moyens de financement du plan d’inves-tissementqui a suscité les ap- préhensions des travailleurs et du syndicat. Il est utile de rappeler que les pourparlers avec la BEA pour trouver la meilleure solution de financement possible sont quelque peu ralentis par «une demande inattendue de garanties supplé-mentaires et un problème régle- mentaire de mise en place de cette garantie, en l’occurrence l’hypo-thèque du terrain sur lequel l’entreprise ArcelorMittal Anna-ba est établie. Cela outre les garanties sur le nantissement des installations».
Le plan d’investissement en question étalé sur une période de cinq ans pour un coût de 500 millions d’euros permettra de porter les capacités de production du complexe à hauteur de 2 millions de tonnes/an et de créer des postes de travail nouveaux.
Cette situation assimilée à un blocage est à l’origine du branle- bas de combat syndical. Le conseil syndical qui s’est engagé dans un mouvement de protestation avait opté pour des actions de protes-tation contre «les lourdeurs bu- reaucratiques et administratives auxquelles est confronté le com-plexe depuis mars 2011».
Tout porte à croire que le problème fondamental réside dans la faiblesse des garanties suggé-ées durant les négociations portant sur une demande de prêt de 14 milliards de dinars auprès de la- dite banque. A l’heure où nous mettons sous presse, l’on ignore encore si le conseil syndical élargi en réunion campe sur ses positions en maintenant les actions de protestation décidées le week-end dernier.
S. Lamari
Selon une source proche du dossier
Le groupe veut faire monter la pression
ArcelorMittal (Annaba), engagé dans un bras de fer avec la BEA sur un financement de 14 milliards de DA, veut faire monter la pression sur le gouvernement algérien en déposant hier sa déclaration de cessation de paiement auprès du Tribunal d’El Hadjar, a affirmé à l’APS une source proche du dossier. Selon les précisions de cette source, le dépôt de la déclaration de cessation de paiement auprès d’un tribunal est une «étape préliminaire» au dépôt de bilan. Mais, a-t-on relevé, ArcelorMittal «ne se trouve pas, du moins actuellement, en situation de cessation de paiement», car la banque Société Générale, qui lui a accordé un crédit de 9 milliards de DA en contrepartie d’une garantie internationale de 120 millions de dollars, ne lui a pas encore réclamé le remboursement de sa dette. La filiale algérienne du groupe bancaire français continue, en effet, à percevoir le paiement des intérêts sur ce crédit d’une année, arrivé à échéance fin décembre 2011, ajoute-t-on de même source. «La banque française est rassurée pour son crédit jusqu’à ce qu’il y ait réellement cessation de paiement, c’est à ce moment-là qu’elle va décider de mettre en jeu la garantie internationale». «Pour le moment il n’y a pas eu de la part de Société Générale d’injonction à payer le crédit», assure-t-on.
—————————-
La BEA accuse ArcelorMittal de vouloir faire endosser à la banque ses propres contraintes financières
Le PDG de la BEA, M. Mohamed Loukal, a accusé hier le groupe ArcelorMittal, le partenaire de l’Algérie dans le complexe sidérurgique d’El Hadjar (Annaba), de vouloir faire endosser à la banque ses propres contraintes financières. M. Loukal a expliqué dans un entretien accordé à l’APS que la filiale du groupe indien «avait utilisé comme parade durant tout le processus de négociations (avec la BEA pour l’octroi d’un crédit de 14 milliards de DA), des propositions de garanties de prêt qui n’ont pas de valeur».
«Dans ce dossier, il y a lieu de ne pas se tromper de cible et de vouloir incriminer la BEA à tout prix», a ajouté M. Loukal, qui a tenu à souligner que sa banque «n’a pas pour habitude, au plan de l’éthique, de commenter ses relations avec sa clientèle, quels que soient les aléas qui pourraient les caractériser». Jugeant utile d’apporter certaines précisions pour permettre de situer la problématique de ce dossier dans son véritable contexte, M. Loukal a expliqué que depuis la mise en œuvre du partenariat «Ispat-Sider», devenu par la suite ArcelorMittal-Sider, il a été constaté une réorientation de la relation bancaire au profit de banques privées, en dépit du fait que la BEA soit la banque du complexe El Hadjar depuis sa création. La BEA s’est trouvée ainsi «confinée à assurer les remontées de trésorerie vers ces banques (privées) et la paie des travailleurs du complexe», ajoute-t-il.
La banque algérienne est intervenue plusieurs fois auprès des responsables de l’entreprise pour les convaincre de normaliser cette relation bancaire. Mais, suite à la persistance de cette relation, elle avait même étudié un plan de délocalisation de son agence implantée au sein du site industriel, devenue vulnérable sur le plan de la rentabilité, précise encore M. Loukal. ArcelorMittal avait repris langue avec la BEA en septembre 2011 pour l’obtention d’un crédit d’exploitation classique destiné au financement du cycle de production du complexe d’El Hadjar d’un montant de 5 milliards de DA et aussi pour le rachat d’une dette de 9 milliards de DA (environ 120 millions de dollars), contractée antérieurement auprès de «Société Générale Algérie», filiale algérienne du groupe bancaire français.
Le crédit de 9 milliards de DA d’une validité d’une année, arrivant à échéance fin 2011, a été contracté par ArcelorMittal auprès de Société Générale Algérie en contrepartie d’une garantie bancaire inter- nationale d’ordre de maison-mère, payable à première demande, selon les précisions du dirigeant de la BEA. M. Loukal a tenu à préciser qu’ «à ce stade, le programme d’investissement du complexe d’El Hadjar n’a été ni abordé, ni fait l’objet de présentation, ni de discussions avec le partenaire indien», contrairement à ce qui avait été annoncé par certains médias.
Après plusieurs discussions avec son client, la BEA avait accepté d’accorder le crédit de 5 milliards de DA pour le financement de l’activité du complexe et a aussi approuvé le rachat de la dette de 9 milliards de DA auprès de son confrère privé à travers un crédit relais d’une durée de 6 années, toujours selon les clarifications de M. Loukal.
Compte tenu de la fragilité financière et des déséquilibres qui caractérisent ArcelorMittal Algérie, la banque algérienne avait exigé des garanties sous forme de nantissements des équipements pour le crédit d’exploitation de 5 mds de DA et le transfert à son profit de la garantie internationale souscrite au profit de Société Générale pour le rachat du prêt de 9 mds de DA.
La BEA avait même pris l’initiative de proposer une «alternative innovante» à la partie indienne en lui suggérant de transformer la garantie internationale de 120 millions de dollars, dès qu’elle serait transférée à son profit, en tranches d’augmentation de capital, prévue dans le plan de développement adopté par les organes sociaux d’ArcelorMittal.
La BEA visait par cette proposition à «renforcer progressivement les capacités financières de l’entreprise, lui permettant de recouvrer les critères de bancabilité, meilleur gage de la stabilité financière», a-t-il dit. De plus, la BEA s’est dite disposée à accorder, sans formalité aucune, juste après le nantissement des équipements, un montant d’un milliard de DA pour les besoins urgents du complexe.
«Les propositions de financement formulées par la BEA ont été concrètes et constructives, liées à une démarche d’accompagnement financier à laquelle ArcelorMittal avait formellement adhéré, à l’origine, sur tous les plans, y compris sur les garanties hypothécaires exigées par la BEA» avant de faire volte-face, en changeant complètement son attitude, a noté à ce propos le dirigeant de la première banque d’Algérie.
A ce titre, il a estimé «anormal» qu’ArcelorMittal «se refuse de réserver à la BEA le même traitement que celui administré au con- frère privé, en contrepartie de l’effort considérable en matière de financement que cette entreprise cherche à arracher». Il souligne aussi que sa banque qui «est un acteur possible dans le financement de l’exploitation du complexe, ne peut l’être dans le rachat d’une dette sans garantie».
Il a également affirmé qu’ArcelorMittal qui se retrouve dans une situation de défaut de remboursement de sa dette contractée auprès de Société Générale, cherche en vérité à «se délier de la garantie internationale adossée à ce crédit sous prétexte de crise internationale».
Les précisions du PDG de la BEA interviennent au lendemain de la déclaration du secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), M. Ahmed Ouyahia, qui a affirmé que l’Etat algérien va intervenir pour empêcher une éventuelle fermeture du complexe El Hadjar.
M. Ouyahia a expliqué que le dépôt de bilan, brandi comme une menace par Arcelor Mittal, pour obtenir un crédit bancaire sans garanties, ne vas pas infléchir la position des autorités algériennes sur ce dossier.