S’il n’y a pas de réponse de la part du gouvernement, “la grève reprendra”, avertit M. Hentour, qui confirme que son syndicat veille à l’intérêt général, au respect des lois de la République et garantit un service minimum.
La journée “sans pain” à laquelle a appelé le Comité national des boulangers (CNB) a été suivie hier, estiment ses initiateurs, à 80% à l’échelle nationale. Le taux a dépassé, selon eux, les 90% dans certaines wilayas telles que Béchar, Tizi Ouzou, Sétif, Constantine, Annaba… Le président du CNB, Maâmar Hentour, considère que la décision de la grève était l’ultime recours car le ministère du Commerce n’a pas daigné répondre à leurs doléances. Le CNB demande l’ouverture d’un dialogue avec le département de M. Benbada autour de leurs revendications qu’il juge “légitimes”. La principale : revoir le prix du pain resté inchangé depuis 1996. Les autres problèmes que les boulangers ont soulevés plusieurs années durant demeurent, selon
M. Hentour, irrésolus. “L’artisan-boulanger n’en peut plus”, lancera-t-il tout de go pour décrire la situation peu reluisante dans laquelle se débat cette catégorie de commerçants depuis dix-sept années. “Il est criblé de dettes. Il est incapable de les rembourser”, avoue-t-il. Ce débrayage se veut, souligne-t-il, un énième SOS en direction du gouvernement qui, à ce jour, n’a pas pris la moindre mesure afin de résoudre cette lancinante problématique. “À travers ce mouvement de protestation, nous n’avons aucunement l’intention d’importuner le citoyen ou de provoquer des perturbations sur le marché”, tient à préciser le président de cette organisation syndicale affiliée à l’Union générale des commerçants et artisans algériens (Ugcaa). “Que les citoyens nous comprennent, les conditions dans lesquelles nous exerçons notre métier sont entièrement défavorables”, s’adresse-t-il aux citoyens. Outre la pression au quotidien, ces artisans, regrette M. Hentour, font face à des contraintes multiples. L’étude qu’ils ont finalisée et qui a pris en considération toutes les charges et autres paramètres entrant dans la panification, avec la subvention actuelle de l’État et sans la marge bénéficiaire, affiche le prix de revient de la baguette, indique Maâmar Hentour, à 11,72 DA. Or, ils commercialisent le pain à 7,50 DA au sein de leurs boulangeries. “Nous travaillons à perte”, déplore-t-il en rappelant l’augmentation des charges liées à l’eau, l’électricité, le loyer, les salaires, les impôts…
Le prix de revient estimé à 11,72 DA
Cela étant, le pain algérien demeure, aux yeux de ce syndicaliste, le moins cher au monde ! Les boulangers vivent actuellement une période cruciale de leur vie professionnelle. “Ils ne peuvent même pas payer leurs cotisations à la Casnos”, atteste-t-il. Pis, certains parmi eux ont d’ores et déjà mis la clé sous le paillasson. Le premier dirigeant de ce comité affirme que des dossiers ont été déposés au ministère de tutelle à plusieurs reprises, mais en vain. “Voici notre étude. Ramenez vos experts pour l’analyser. Nous sommes prêts pour en débattre”, suggère-t-il au ministère.
Cependant, du 26 mars dernier, date du dépôt de dossier, le CNB n’a reçu, soutient-il, aucune réponse. Le président du CNB pense que la hausse de la marge bénéficiaire à 20% que son comité revendique est somme toute nécessaire afin que ces professionnels “puissent travailler dans des conditions acceptables”. Pour ce syndicaliste, la subvention de l’État sur les céréales ne profite pas à leur corporation. Les pouvoirs publics achètent les blés dur et tendre à quelque 7 000 DA le quintal sur le marché international pour le céder aux minoteries à 1 280 DA ! Cependant, abstraction faite de la farine dont le prix est subventionné, les autres ingrédients restent, d’après lui, excessivement chers. Ce sont, au contraire, ces transformateurs, entre meuneries et grandes sociétés utilisatrices de farine pour la biscuiterie qui en tirent profit, déclare-t-il. “Dans toute cette démarche, cette planification, on a oublié le boulanger”, relève M. Hentour, qui reconnaît toutefois que certains boulangers parmi les 15 000 en activité sur le territoire national recourent à la viennoiserie et la pâtisserie pour… arrondir leurs fins de mois. Par ailleurs, Maâmar Hentour tient à remettre les pendules à l’heure et déjouer les tentatives de déstabilisation entreprises par d’autres organisations syndicales les accusant d’être manipulées par des partis politiques. “Nos revendications sont purement professionnelles, syndicales et n’ont aucune connotation politique”, répond-il. Dans le cas où le comité ne reçoit pas de réponse de la part du gouvernement, “la grève reprendra”, avertit
M. Hentour qui confirme que son syndicat veille à l’intérêt général, au respect des lois de la République et garantit un service minimum. Néanmoins, “nous restons ouverts pour un dialogue sincère avec les autorités, les commerçants et les opérateurs économiques”, conclut-il. Reste à savoir si l’Exécutif consentira, cette fois-ci, à ouvrir ce dossier jugé très sensible, étant donné les répercussions socio-économiques qu’il risque d’engendrer…
B K