La question s’impose avec force aujourd’hui tant la tentation du Maroc et de ses alliés est grande pour confisquer définitivement les droits légitimes de ce peuple à l’autodétermination.
De plus, elle se justifie pour au moins trois raisons. Le 10 avril dernier, date de présentation de son rapport au Conseil de sécurité, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a menacé, pour la première fois, de remettre en question le cadre du processus de négociations placé, depuis 2007, en cas de persistance du statu quo et donc, en cas de non-progrès d’ici à avril 2015.
Dans le même rapport, Ban Ki-moon a annoncé la tenue, en octobre prochain, d’une réunion au Conseil de sécurité sur l’évaluation des négociations entre les deux parties au conflit, le Maroc et le Front Polisario. Un événement qui renvoie, à son tour, à l’idée de savoir si pendant les six mois qui nous séparent de cette échéance, l’envoyé personnel au Sahara occidental, Christopher Ross, parviendra à bousculer la balance et à faire entendre raison au Maroc, cette partie qui bloque encore le processus de décolonisation. La seconde raison a trait à la réalité d’impunité, qui se manifeste sur le terrain à travers l’occupation illégale du “territoire non autonome” du Sahara occidental, par le royaume chérifien ; laquelle occupation a généré de nombreuses violations des droits de l’Homme et le pillage des ressources naturelles de l’ancienne colonie espagnole, qui se poursuivent à ce jour, au vu et au su de tout le monde.
L’autre raison, toute aussi imposante, renvoie à la complaisance, voire la complicité de l’ONU, malgré les efforts fournis à des niveaux divers, au sein même de cette organisation, ainsi qu’aux tentatives multiples d’infliger le fait accompli colonial. On ne peut dissocier l’histoire du Sahara occidental de celle des autres pays africains. Devenu officiellement une des colonies d’Espagne, en 1884, à la conférence de Berlin consacrée au partage de l’Afrique entre les puissances occidentales, ce territoire devait connaître le même sort que ses voisins, après la grande vague des décolonisations ayant débuté dans les années 50. Seulement, la guerre froide, mais aussi les convoitises suscitées par ce territoire riche en son sol (phosphate, fer, titane, uranium, pétrole…) et possédant d’autres atouts, dont les ressources halieutiques des plus importantes au monde, en ont décidé autrement, exposant la population autochtone aux souffrances, aux privations et aux discriminations.
Le Maroc continue d’occuper et s’en tire bien…
En dépit de ses engagements internationaux d’organiser un référendum et malgré le recensement des Sahraouis de 1974, le 14 novembre de l’année suivante, Madrid a signé un accord secret tripartite, avec le Maroc et la Mauritanie, cédant ce territoire, qui relève pourtant de l’application de la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale de l’ONU (sur l’octroi de l’indépendance aux peuples et pays coloniaux), aux deux pays en contrepartie d’avantages et de privilèges. Pis, le Maroc a transgressé l’avis de la Cour internationale de justice, qui avait rejeté, le 16 octobre 1976, ses revendications territoriales et réaffirmé le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, en poursuivant l’occupation du Sahara occidental, même après le retrait de la Mauritanie, en 1979, le conflit fratricide, puis en érigeant le “mur de la honte”.
Plus tard, ni la France, soutien inconditionnel du Maroc, ni d’autres membres permanents du Conseil de sécurité, encore moins Rabat, n’ont pris apparemment très au sérieux l’avis du conseiller juridique de l’ONU, Hans Corell, qui avait établi, en 2002, que le royaume chérifien n’était pas “la puissance administrante” du territoire sahraoui, qu’il n’avait aucune souveraineté sur le Sahara occidental.
À partir de 1990, année de l’établissement du plan de règlement de l’ONU, le dossier du l’ex-colonie espagnole a enregistré des dysfonctionnements, voire des anomalies, impliquant un parti pris, sinon une préférence au choix marocain, de certains responsables de la Minurso qui, au passage, est la mission onusienne “pour un référendum au Sahara occidental” et la seule à être dépourvue d’un mandat de protection de la population civile sahraouie. Qu’en est-il de la situation aujourd’hui ? Comme l’a si bien exprimé l’ambassadeur Frank Ruddy, ancien vice-président de l’opération de maintien de la paix de la Minurso, devant la 4e commission (de décolonisation) de l’ONU, en octobre 2005 : “Le Maroc continue d’occuper, coloniser et terroriser le peuple du Sahara occidental sans craindre de sanctions internationales parce que, franchement, pour le comportement illégal du Maroc, il n’y a pas de sanction internationale… En cas de violations du droit international, certains pays, comme l’Iraq, envahissent et payent le prix. D’autres, comme le Maroc, envahissent et s’en tirent bien.”
H. A