Après la prise d’otages de Nairobi et l’attentat de Tripoli, Washington traque les terroristes en Somalie et en Libye

Après la prise d’otages de Nairobi et l’attentat de Tripoli, Washington traque les terroristes en Somalie et en Libye

Les forces spéciales américaines ont mené deux raids contre des chefs d’islamistes en Somalie et en Libye, dans le cadre d’une opération conjointe qui visait un responsable des shebab et Abou Anas al-Libi, leader d’Al-Qaïda à Tripoli et recherché par les États-Unis pour son rôle dans les attentats de 1998 contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya.

Il s’agit de la plus importante opération américaine menée depuis que des forces spéciales ont tué il y a quatre ans en Somalie, un chef des islamistes shebab, Saleh Ali Saleh Nabhan. Elle survient deux semaines après l’attaque, revendiquée par les shebab, du centre commercial Westgate à Nairobi, et qui a fait au moins 67 morts. Rien n’a filtré de cette double opération à part des communiqués laconiques annonçant la capture d’Abou Anas Al-Libi.

Sa tête était mise à prix : pas moins de 5 millions de dollars pour ce terroriste qui a créé le Groupe islamiste de combat libyen (Gicl) avant de rallier Al-Qaïda, dont il était devenu l’un des leaders.Actuellement “interrogé” dans un pays de la région, il devra être transféré aux États-Unis. Si en Libye, les forces américaines des Navy Seals, commandos d’élite de la marine, qui a à leur tableau de chasse Ben Laden, ont eu de la chance en mettant fin à une traque de plus de quinze ans, en Somalie, c’est le flou. L’islamiste shebab visé et dont l’identité n’a pas été révélée, très recherché également par les forces spéciales américaines, sa mort n’est pas confirmée.

à en croire un responsable américain, cité par le New York Times, il a probablement été tué, mais les forces américaines ont dû se retirer avant d’obtenir la confirmation de sa mort. Les shebab qui ont revendiqué l’attaque sanglante du centre commercial de Westgate, à Nairobi, qui a fait au moins 67 morts, ont de leur côté affirmé avoir été attaqués également ce 4 octobre par des forces spéciales britanniques et turques. Leur cible : une base importante dans le port de Barawe, au sud de la Somalie, toujours sous le contrôle des islamistes. Londres et Ankara ont démenti tout rôle dans cette opération. Fondés en 2006, les shebab proviennent de la branche la plus dure de l’Union (somalienne) des tribunaux islamiques. Ils sont issus d’une insurrection contre les troupes éthiopiennes, entrées en 2006 en Somalie, avec le soutien américain, pour renverser ce mouvement qui contrôlait alors Mogadiscio. Au nombre de 5000, ils se sont illustrés ces derniers mois avec deux opérations spectaculaires au cœur de la capitale somalienne, visant un tribunal et le principal complexe de l’ONU. Début septembre, ils ont en outre tendu une embuscade au convoi du président somalien Hassan Cheikh Mohamud, qui en est sorti indemne.

Ils restent très présents en Somalie malgré la division du mouvement entre les “nationalistes” et les tenants du djihad mondial. Les purges menées par le chef suprême des shebab, Ahmed Abdi Godane, n’ont pas empêché la poursuite des actions du mouvement. Et leur cible privilégiée reste le Kenya qui a envoyé ses troupes en Somalie fin 2011, pour poursuivre les shebab.

Ces derniers ont subi d’importants revers militaires dans le centre et le sud somaliens ces deux dernières années, infligés par l’armée éthiopienne et une force de l’Union africaine (Amisom) à laquelle participe le Kenya voisin. L’armée éthiopienne et l’Amisom interviennent pour soutenir les fragiles autorités de Mogadiscio.Plusieurs opérations de forces spéciales occidentales ont été menées en Somalie dans le passé, notamment pour tenter de libérer des otages aux mains des islamistes ou de groupes de pirates.

Tripoli dans la gêne !

Washington a mené ces opérations dans la plus totale discrétion comme le confirment les autorités libyennes, qui ont affirmé hier ne pas être au courant de la capture en Libye d’un leader présumé d’Al-Qaïda, par des forces américaines. Le gouvernement libyen se retrouve dans l’embarras, car cela pourrait lui attirer les foudres des islamistes extrémistes.

Le gouvernement de Ali Zeidan a finalement reconnu hier dans un communiqué ne pas être au courant de l’opération et ajoutant qu’il avait demandé des explications à Washington. Il a indiqué ainsi, qu’il “suit les informations sur l’enlèvement d’un des citoyens libyens recherché par les autorités des états-Unis (…) Dès qu’il a entendu l’information, (il) a contacté les autorités américaines pour leur demander des explications à ce sujet”. De son côté, le président de la commission de la sécurité nationale à l’Assemblée nationale a indiqué à l’AFP que lui aussi n’est pas au courant de l’opération. “Informées ou non informées, dans les deux cas, c’est une catastrophe pour les autorités et la souveraineté du pays”, note un analyste libyen sur sa page Facebook.

Cette opération américaine devrait fragiliser encore plus le gouvernement libyen de transition qui fait face à une montée de l’influence des islamistes extrémistes, en particulier dans l’est du pays en proie à l’anarchie.

D. Bouatta / T. Merzak