“Je ne peux pas livrer 8 millions de dinars d’équipements sans aucune garantie de recevoir les 70% du montant”, affirme un fournisseur de matériels de nettoyage et de mécanique installé à Alger et connu pour avoir approvisionné l’essentiel des entreprises Ansej sur le territoire national.
Des milliers de jeunes entrepreneurs, qui ont créé des entreprises dans le cadre du dispositif de l’Ansej, n’arrivent plus à se faire délivrer des matériels et des équipements de production commandés chez leurs fournisseurs respectifs. Cette situation, qui embarrasse les jeunes entrepreneurs, est la résultante d’une instruction datée du 22 octobre 2011 qui instruit les directeurs de wilaya de ne plus délivrer les chèques de banque libellés au nom des fournisseurs représentant les 70% du reste de la commande jusqu’à la livraison de la totalité du matériel et équipement commandés.
Cette décision aurait été prise, selon une source de l’Ansej, pour éviter les transactions douteuses de certains fournisseurs qui “encaissent de l’argent et mettent plusieurs mois pour délivrer le matériel aux jeunes”. Seulement voilà, cette instruction qui, paradoxalement, ne concerne que les équipements de production, puisque le matériel roulant (véhicules, camions) est exempté, a carrément mis, ces derniers jours, un frein à une grande partie du dispositif comme elle a envenimé davantage les relations commerciales entre les jeunes investisseurs avec leurs fournisseurs. Et pour cause, les rares fournisseurs de certaines catégories de matériels et qui sont connus pour leur sérieux refusent de satisfaire la commande suivant cette nouvelle formule.
“Je ne peux pas livrer 8 millions de dinars d’équipements sans aucune garantie de recevoir les 70% du montant”, affirme un fournisseur installé à Alger et connu pour avoir alimenté l’essentiel des entreprises Ansej existantes sur le territoire national en matériels de nettoyage et de mécanique. Notre interlocuteur trouve “absurde cette décision qui ne s’applique qu’aux fournisseurs des équipements de production et qui est prise sans nous donner des garanties suffisantes pour le paiement de la totalité de notre marchandise”, précise-t-il. Même son de cloche chez un fournisseur de matériels de plomberie basée à El-Harrach et Constantine et qui refuse, lui aussi, de livrer les équipements aux jeunes avec cette nouvelle formule.
“Cette décision nous met mal à l’aise avec les jeunes entrepreneurs qui sont, par centaines, à avoir commandé du matériel auprès de nos succursales puisqu’on ne va pas leur livrer leurs équipements”, indique-t-il. Et d’ajouter : “Il n’existe aucune entreprise au monde qui accepte cela.” Un fournisseur spécialisé dans la vente du matériel de jardinage trouve, lui aussi, “anormale” cette décision. “On ne doit pas nous faire payer les erreurs des autres en mettant tout le monde dans le même sac”, dira-t-il, avant de souligner que ses magasins ouverts dans quatre wilayas du pays ont toujours satisfait les besoins des jeunes entrepreneurs de l’Ansej et de la Cnac. “On est prêt à délivrer des attestations garantissant la disponibilité du matériel et prêt à accueillir un huissier de justice dans nos magasins, mais il est hors de question de livrer le matériel sans aucune garantie bancaire”, dira-t-il.
Du côté des jeunes, c’est l’embarras le plus total. Saïd, un jeune entrepreneur de Réghaïa, qui a cru au dispositif, a mis deux années pour créer son entreprise. Mais il voit ses espoirs s’envoler après que trois de ses fournisseurs lui eurent signifié de ne pas lui délivrer ses équipements. “Ils ont encaissé le chèque de 30% lié à la commande, mais ils ont refusé de me délivrer le matériel et le bon de livraison jusqu’à paiement des 70% du montant”, dit-il. Saïd affirme aussi que ses fournisseurs lui ont proposé de lui fournir “une attestation de disponibilité du matériel et pas plus”. L’un d’eux lui a demandé “une attestation d’engagement de la banque” à payer les 70% représentant le montant de la facture pour pouvoir l’approvisionner. “Lorsque je me suis plaint aux responsables de l’Ansej, on m’a demandé de changer de fournisseurs, or deux de ses fournisseurs sont les seuls en Algérie à commercialiser ce genre d’équipements”, souligne-t-il. Une source proche de la direction de l’Ansej d’Alger admet ces difficultés et dit que les responsables réfléchissent pour trouver une solution avec les banques. “Une réunion avec les banques doit normalement intervenir incessamment pour permettre de trouver une solution de nature à protéger ces jeunes entrepreneurs et qui permet de donner des garanties aux fournisseurs.” Notre interlocuteur a justifié la décision du nouveau DG de l’Ansej par les multiples plaintes d’escroquerie émanant des jeunes entrepreneurs qui courent toujours derrière leurs équipements alors que leurs fournisseurs ont encaissé la totalité des chèques libellés à leur nom, dira-t-il.
Madjid T.