Après la nomination de Tarek Krour président de l’ONPLC – Anticorruption : défaut de bilan en attendant les actions

Après la nomination de Tarek Krour président de l’ONPLC – Anticorruption : défaut de bilan en attendant les actions

KHALED REMOUCHE

La nomination de Tarek Krour président de l’Organe national de prévention et de lutte contre la corruption (Onplc) pose plusieurs interrogations, en particulier la question de l’évaluation des actions menées par les différentes institutions de l’Etat chargées de la lutte contre la corruption. En termes simples, ces structures devraient rendre des comptes aux citoyens des résultats de leurs activités en matière de lutte contre la corruption. Le communiqué laconique de la Présidence au sujet de la nomination du premier responsable de cette instance élude cet aspect non négligeable dans les efforts tendant à réduire le phénomène. Ce fait nous rappelle que les différentes structures de l’Etat, chargées de la lutte contre la corruption, n’ont rendu jusqu’ici aucun bilan de leurs activités.

Il faut savoir que la loi sur la lutte contre la corruption de 2006 a prévu la mise en place de deux institutions chargées de prévenir et de combattre ce fléau qui a pris de l’ampleur en Algérie, l’Office national de prévention et de lutte contre la corruption (Onplc) et l’Organe national de prévention et de lutte contre la corruption (Onplc). La première opérationnelle depuis 2008 est rattachée à la Présidence. La seconde présidée par M. Sayah, ancien procureur à la Cour d’Alger, puis par M. Sebaibi, fonctionne depuis 2011, et est sous la tutelle du ministère de la Justice. «La première structure n’a rendu public aucun bilan. Ses activités ont été gelées suivant un ordre non écrit émanant du pouvoir en place. Elle n’a de ce fait traité véritablement aucun dossier de corruption. La seconde, par contre, a travaillé sur quelques dossiers, en particulier celui relatif au détournement des fonds de la solidarité et celui inhérent à l’argent du Programme national de développement agricole (Pnda) qui mettent en cause Djamel Ould Abbès, ex-ministre de la Solidarité, et Ammar Saâdani, l’ex-secrétaire général du FLN», rapporte une source sûre proche de la justice.

On voit bien que ces deux structures n’ont pas, ou peu, fonctionné durant plusieurs années. La raison est simple, le manque de volonté politique au plus haut niveau de l’Etat. Plus grave, des «dossiers dénonçant des faits de corruption ont été déposés chez l’une de ces structures avec accusé de réception. Ces témoignages n’ont donné lieu à aucune suite», confie la même source. A cela, s’ajoute le rôle passif de la Cour des comptes. Bien que les magistrats aient travaillé sur de nombreux dossiers, leurs efforts ont buté sur cette mauvaise volonté politique, dont l’effet le plus visible a été la non-publication publique des rapports annuels de cette institution pendant plusieurs années. L’opinion publique a été ainsi dans l’ignorance du degré de dilapidation des deniers publics pendant deux décennies !

Tout cela explique pourquoi l’Algérie est considérée comme l’un des pays les plus corrompus au monde. Le dernier rapport de Transparençy International sur la corruption classe l’Algérie à la 105e place sur 180 pays. Cette ONG note, qu’entre 2003 et 2013, il n’y a eu aucune amélioration en matière de lutte contre la corruption. Même situation aujourd’hui. Elle est classée au même rang qu’en 2012. Cette situation montre pourquoi, aujourd’hui, notre pays se retrouve avec un cumul de dossiers «étouffés» auparavant et mis en lumière actuellement sous l’effet des pressions du mouvement citoyen. Mais les premiers dossiers ouverts ne rendent nullement compte de l’ampleur du phénomène. Les plus lourds ne sont pas encore traités : autoroute Est-Ouest, exportations illégales de déchets ferreux et non ferreux, dossiers CKD-SKD… Ce qui semble faire croire que les investigations actuelles de la justice sont orientées, ciblant certaines personnalités et hommes d’affaires et épargnant d’autres figures du monde politique et du business, soupçonnées de pratiques illégales.

Mais attendons pour voir s’il y aura des progrès en matière de lutte contre la corruption. En attendant que cette aspiration légitime des citoyens devienne réalité, le phénomène non seulement dissuade les investisseurs étrangers, mais freine la croissance des richesses du pays et prive l’Algérie de centaines de milliards de dollars transférés illicitement à l’étranger ou dilapidés à la faveur des surfacturations, de l’attribution illégale de marchés et de foncier économique.