Après la démission du Président et le rattachement du Renseignement à l’état-major de l’ANP : L’institution militaire, seule face à la crise

Après la démission du Président et le rattachement du Renseignement à l’état-major de l’ANP : L’institution militaire, seule face à la crise

Le rattachement de la direction du Département de surveillance et de sécurité (DSS) à l’état-major de l’Armée, annoncé vendredi après le limogeage du général-major Athmane Tartag de son poste de coordinateur, induit une nouveauté prépondérante sur la scène politico-sécuritaire algérienne.

Installé en 2015 comme coordinateur des services spéciaux, Tartag, qui a remplacé le général Toufik Mediène poussé à la retraite, dirigera les services avec ses trois directions durant l’ère Bouteflika. Après la démission du Président, le départ de Tartag devenait logique. Mais cette évolution à la tête de ces centres de décisions intervient alors que le pays est entré dans un tunnel dont la sortie n’est pas encore visible. La conjoncture délicate dans laquelle s’est engagée l’Algérie, depuis notamment le 22 février, a déjà ébranlé le système institutionnel, mettant le pays face à des choix difficiles. Avec un vide au niveau de la Présidence et la récupération des services par l’état-major, l’Armée se trouve aujourd’hui dans une situation inédite.

C’est probablement la première fois dans l’histoire du pays que l’institution militaire concentre quasi exclusivement entre ses mains les leviers de la décision. L’on a souvent tendance à croire que le pouvoir en Algérie est partagé en trois pôles, la Présidence, l’Armée et les services de renseignement. Aujourd’hui, force est de constater que cet « équilibre » n’est plus de mise, seul l’Armée est en mesure de prescrire une voie de sortie, voire imposer un tempo politique, pour pouvoir dépasser l’écueil actuel. Dans une situation politique particulièrement inquiétante, cette évolution de taille dans les rapports de force traditionnels au sommet de l’Etat devrait avoir des conséquences inévitables, notamment sur la gestion de la situation périlleuse qui se présente. Après la démission de Abdelaziz Bouteflika, suite à une mobilisation populaire inédite, l’Armée se trouve désormais seul maître du jeu. L’esquisse de sortie de crise ne pourrait désormais se faire en dehors du contrôle de l’Armée, obligée de constituer la matrice, voire forcée d’offrir des canaux de dialogue pour une solution politique qui préserverait l’Etat.

La concentration du pouvoir de décision en un seul pôle puissant pourrait bien constituer une garantie pour imposer une solution à d’autres acteurs qui n’arrivent toujours pas à se déterminer. Le rapport particulier entre les Algériens et l’Armée nationale populaire pourrait également jouer pour faire accepter à l’opinion une feuille de route qui pourrait garantir un minimum de stabilité durant la phase de transition. En revanche, cette situation pourrait également être particulièrement dangereuse pour le pays. Dans une situation où il n’y a pas de Président, où les institutions du pays sont fragilisées à l’extrême, où les Algériens manifestent en masse dans la rue, la responsabilité de l’Armée devient immense pour une institution dont le rôle est de protéger les frontières.

L’insistance du chef d’état-major Gaïd Salah, à rester absolument dans le cadre de la Constitution, provient visiblement d’une volonté manifeste à rester dans un légalisme qui ménagerait l’institution de toute accusation future. Toujours est-il, qu’aujourd’hui, tous les regards se tournent vers l’institution militaire. Et face à une classe politique particulièrement laminée, l’Armée se trouve plus que jamais seule face à la crise.