Conscients des retards accumulés depuis des décennies, les pouvoirs publics sont impuissants à affronter les multiples défis qui se posent en termes d’infrastructures et de transport maritimes.
La Conférence nationale sur le commerce extérieur a fait couler beaucoup d’encre sur les thèmes de la relance des exportations hors hydrocarbures ainsi que sur celles des 350.000 importateurs qui grèvent, de façon souvent illégale, l’économie du pays, avec une dépense de 59,44 milliards de dollars en 2014. Mais le chemin est loin entre les ambitions les plus réfléchies et la réalité d’ un problème majeur qui hypothèque, du moins à court terme, la «relance» des exportations: celui du transport maritime de marchandises et plus exactement des capacités portuaires du pays. Depuis l’indépendance, les investissements ont été réservés aux seuls ports pétroliers tandis que les ports, autres que Arzew et Skikda, sont restés en l’état, avec des installations et des équipements vétustes, un tirant d’eau insignifiant et des modes de gestion et de travail archaïques. Une situation toujours actuelle, au détriment de l’économie du pays qui croule sous les surestaries depuis de nombreuses années et dépend à plus de 70% des armateurs étrangers…
Avec la mise en oeuvre du second plan 2009-2014, le ministère des Travaux publics, en charge de l’aménagement et de l’extension des capacités portuaires a bénéficié d’un budget de 3100 milliards de DA, concernant pour l’essentiel le réseau routier tandis qu’au domaine portuaire on consentait la modeste somme de 100 milliards de DA. Conscients des retards accumulés depuis des décennies, les pouvoirs publics sont impuissants à affronter les multiples défis qui se posent en termes d’infrastructures et de transport maritimes. La restructuration de la Cnan en 2005 a engendré une véritable catastrophe, au point que sur les 71 navires dont disposait auparavant le pavillon national, on n’en comptait plus qu’une dizaine, les autres ayant été largués ou bradés dans des conditions opaques et dramatiques.
Une commande de 27 autres navires dont 25 pour le transport de marchandises fut alors lancée, un des deux navires de transport de voyageurs devant être acquis en seconde main. A la faiblesse criarde des capacités physiques des ports algériens, où le manque de fiabilité le dispute à la modestie des performances, ce qui entraîne un coût beaucoup plus élevé par rapport aux ports des pays voisins (50% environ), se conjugue la multiplicité des contraintes administratives, avec ce constat de la présence de 195 sociétés de consignations, là où une quinzaine suffirait largement, compte tenu de la dimension réelle du trafic.
En outre, les investissements des trois sociétés qui contrôlent 70% du trafic de conteneurs (CMA-CGM, MSC Algérie et Maersk) grèvent davantage les mécanismes financiers et fonctionnels du trafic quand on les compare à leurs investissements réels dans les ports marocains et tunisiens, incomparablement plus élevés.
Les exigences d’une modernisation et, aussi, d’une privatisation sont devenues telles qu’en février 2009, la première expérience d’un partenariat a été lancée avec l’opérateur émirati DPWorld, 3e société mondiale dans le domaine de la gestion des terminaux à conteneurs. La création de gré à gré d’une JV (joint-venture) baptisée «Djazaïr Port World» a concerné, dans un premier temps, les ports d’Alger et de Djen Djen mais l’opération devait s’étendre aux ports d’Oran et de Annaba. Ainsi, l’ambition était, par exemple, de porter les capacités du port d’Oran à 1,5 – 2 millions de conteneurs contre à peine 500, actuellement.
C’est à la faveur du décret de 2006 introduisant une séparation de la mission de puissance publique de celle de la fonction strictement commerciale que cette évolution a commencé. Mais plus de cinq ans après son lancement, la question se pose de réfléchir aux résultats réellement obtenus. Car l’écart entre les objectifs théoriques et les réalisations effectives s’avère préoccupant. L’ambition d’une modernisation des ports nationaux, acteurs incontournables d’une politique objective de relance des exportations hors hydrocarbures, se révèle par trop modeste quand on pense qu’il en est espéré 18.000 emplois nouveaux à comparer avec les 145.000 emplois attendus dans le cadre du seul projet de Tanger Med II, il est vrai nourri par un investissement réel de 3 milliards d’euros. Comment, dans ce contexte, parvenir à faire de Djen Djen un hub international capable de concurrencer les autres ports en Méditerranée et, principalement, celui de Tanger?
L’enjeu est capital, si j’ose dire, et le gouvernement n’a pas d’autre choix que de réviser en profondeur sa copie. Les mesures pusillanimes ne sont plus de mise, la privatisation des infrastructures n’est qu’un aspect, somme toute secondaire, du problème car il faut également se soucier de l’organisation multimodale du transport maritime qui, à l’heure actuelle, patine cruellement.
Les objectifs de mise en place des bases logistiques et autres plates-formes de transit tardent eux aussi à se concrétiser alors qu’une politique de création de nombreux ports secs devait voir le jour dès les années 2010. Comment transcender le stade des voeux pieux, des fausses promesses et des projections dans un futur qui a tout de l’horizon, cette ligne imaginaire? Tels sont les vrais problèmes du commerce extérieur dont les conditions premières ne sont pas, malheureusement, abordées avec le pragmatisme requis. Discourir sur la relance des exportations hors hydrocarbures, avec l’émergence d’un secteur privé performant, exige en premier lieu la mise en place, dans tous les ports, des moyens de gestion, de contrôle et de distribution modernes auxquels l’Algérie est en droit de prétendre, ne serait-ce qu’en comparaison avec ses voisins immédiats.