Yazid Alilat
Une réprobation qui intervient alors que le Premier ministre et chef du RND fait l’objet d’une attaque frontale de son ministre de la Justice.
A Paris, samedi 11 novembre, le Premier ministre est intervenu, comme les autres chefs d’Etat et de gouvernement présents, pour un discours sur cet événement qui a fait des dizaines de millions de morts, dont des centaines de milliers de Maghrébins et d’Algériens, alors mobilisés comme tirailleurs par l’armée coloniale. Le reproche fait à Ahmed Ouyahia est qu’il a parlé de «morts» et non de «martyrs» dans son discours. Selon des sites d’information, dont «ALG24» appartenant au groupe Ennahar, sur les réseaux sociaux, «on reproche surtout à Ahmed Ouyahia d’avoir utilisé le mot «morts» au lieu de «martyrs».
Ahmed Ouyahia a-t-il été piégé par son discours ? Improbable, car, plus loin, il poursuit: «plus récemment, l’Algérie a affronté solitairement le terrorisme, avec comme conséquences des dizaines de milliers de victimes et des milliards de dollars de pertes. Elle a surmonté cette tragédie grâce au sacrifice de son peuple, mais aussi grâce à la politique lucide de paix et de réconciliation nationale promue par le président Abdelaziz Bouteflika et consacrée par la nation souveraine.
L’Algérie a également contribué au fil des décennies à travers ses médiations sollicitées au dénouement de conflits et de crises, au Liban, au Moyen-Orient, dans la Corne de l’Afrique entre l’Erythrée et l’Ethiopie, ainsi qu’au Sahel et notamment au Mali».
Ce qui est certain, c’est que le Premier ministre, avec sa casquette de chef de la seconde formation politique du pays, est en train de subir des attaques en règle, aussi bien sur son action au sein du gouvernement, que par rapport à sa position au sein de l’alliance présidentielle. La mise au point du Premier ministère sur le discours d’Ouyahia à Paris a encore compliqué sa position, puisqu’il a effectivement prononcé le mot qui fâche. Pour autant, l’irritation du Premier ministre, qui est allé jusqu’à demander une sorte de «mise au point» en faisant référence à une dépêche d’agence, se comprend par rapport à la conjoncture politique actuelle, où il est malgré lui au devant l’actualité après l’attaque de Tayeb Louh, ministre de la Justice et garde des Sceaux.
Ouyahia en voie d’être lâché ?
C’est lundi dernier que Tayeb Louh, qui animait un meeting devant les représentants de la société civile à Oran, tire la première salve contre son chef de gouvernement, lui rappelant les casseroles qu’il traîne, dont l’incarcération injuste dans les années 1990 de cadres de grandes entreprises, dont Sider, et les mesures impopulaires comme la hausse des droits de timbre pour les documents biométriques dans le PLFC2018, et que Bouteflika avait annulées. Le lendemain, le porte-parole du RND, et non pas le Premier ministère, la différence est importante à relever, dénonce les propos de Tayeb Louh dans un communiqué officiel. Quelques heures après, un mystérieux émissaire rencontre Ouyahia et lui explique que les propos de Tayeb Louh ne le visaient pas. Dimanche 11 novembre, en milieu d’après-midi, revirement de la situation après un communiqué du cabinet du ministre de la Justice, qui affirme que Louh n’a pas présenté d’excuses à son chef de gouvernement.
Début d’une guerre psychologique ou d’un conflit politique au sein même du gouvernement, et, au-delà, au sein de l’alliance présidentielle ? Veut-on court-circuiter Ouyahia dans le cas d’un plan B pour l’élection présidentielle d’avril prochain ? Pourquoi, soudain, Ahmed Ouyahia, proche d’entre les proches du président Bouteflika, dont il a été directeur de cabinet, est-il soudain devenu un pestiféré ?
A moins que les propos d’Abdelaziz Ziari, l’ex-président de l’APN, n’expliquent ce déchaînement contre Ouyahia. Jeudi dernier, dans un entretien à «TSA», il a affirmé qu’au sein du FLN, «aucune personnalité ne parait capable d’assumer la responsabilité de la présidence», avant d’ajouter qu’ «en dehors de mon parti, je ne vois personne, en dehors du leader actuel d’un autre parti de la majorité et qui est le Premier ministre, qui soit capable de venir remplir le fauteuil d’Abdelaziz Bouteflika». Pour l’ex-membre du BP du FLN, l’état de «délabrement» de son parti fait qu’«aucune tête ne peut en émerger». Levée de boucliers du FLN d’Ould Abbès, où on estime que «notre priorité, c’est la candidature du président du parti, Abdelaziz Bouteflika pour un nouveau mandat. Dans le cas où il déciderait de ne pas se représenter, c’est à lui de désigner celui qui devra lui succéder et sûrement pas Mr Ziari qui n’a jamais été un militant du parti, même s’il affirme le contraire».