Après des combats entre armée et islamistes dans le nord du liban : Tripoli panse ses plaies

Après des combats entre armée et islamistes dans le nord du liban : Tripoli panse ses plaies

L’armée libanaise a repris hier, après trois jours de violents combats, le contrôle d’un fief islamiste à Tripoli, deuxième ville du Liban minée par les répercussions du conflit dans la Syrie voisine.

Des milliers d’habitants ont fui la grande ville du nord, où les affrontements ont causé d’immenses dégâts aux anciens souks et à certains quartiers, selon l’AFP. Ces combats, qui avaient atteint pour la première fois le centre historique, ont fait 16 morts dont 11 soldats. L’armée est parvenue à pénétrer hier pour la première fois depuis une décennie dans le secteur de Bab al-Tebbané, considéré comme un fief de mouvements islamistes.

Des hommes armés, des Libanais sunnites soupçonnés de liens avec le Front Al-Nosra – branche syrienne d’Al Qaîda – s’étaient retranchés dans ce quartier pauvre aux rues étroites après avoir été délogés du centre-ville par les soldats. Témoin de la violence inédite des combats au cours desquels l’armée a utilisé massivement son artillerie, une habitante de Bab al-Tébanné de 72 ans a affirmé, citée par l’AFP, n’avoir «jamais quitté Bab al-Tebbané, même au temps de la guerre civile», qui avait ravagé le Liban entre 1975 et 1990. «Mais cette fois-ci, j’ai dû quitter la maison avec mes cinq petits-enfants», a témoigné Oum Mohammad Jaabouri, portant une chemise de nuit bleue et un voile blanc.

Car, raconte-t-elle, les combats ont été «d’une violence inouïe». «J’ai vu les hommes armés se déplacer parmi les maisons, sur les toits des immeubles et tirer sur l’armée qui ripostait en lançant des obus», se souvient-elle. «Un immeuble en face de chez nous a été dévoré par les flammes et la fumée a atteint notre maison». Oum Mohammad Jaabouri fait partie des milliers de civils qui ont fui le quartier où vivent 100.000 personnes, se réfugiant chez des proches ou dans des écoles, et qui ne sont toujours pas rentrés chez eux.

Selon l’AFP, des scènes chaotiques ont eut lieu dimanche soir avec la fuite de femmes en pyjama et en pleurs, d’hommes portant des enfants mais aussi de personnes âgées. Les écoles et les universités à Tripoli sont restées fermées hier. Des voitures calcinées étaient visibles à l’entrée de Bab al-Tebbané, dont l’accès était interdit à la presse par l’armée qui continue de mener des perquisitions et de neutraliser des mines dans le quartier.

«L’armée contrôle Bab al-Tebbané», a indiqué un porte-parole militaire, en précisant que 162 hommes armés avaient été arrêtés lors des perquisitions. Si l’armée désigne uniquement par «terroristes» les groupes qui l’ont attaquée vendredi, provoquant les combats, des responsables locaux affirment que les meneurs sont des sympathisants d’Al-Nosra, le groupe jihadiste qui combat le régime de Bachar al-Assad aux côté des rebelles en Syrie. Le conflit syrien divise profondément depuis 2011 le Liban. Il a exacerbé les tensions déjà latentes entre sunnites et chiites, les premiers étant sympathisants des rebelles tandis que les seconds, menés par le puissant Hezbollah, appuient le pouvoir à Damas.

La participation du Hezbollah aux combats aux côtés de l’armée syrienne a provoqué l’ire des sunnites, notamment dans les milieux islamistes. Quant à l’armée libanaise, elle est accusée par ces islamistes d’être sous la coupe du parti chiite. En août, l’armée a affronté dans l’est pendant cinq jours des combattants d’Al-Nosra et du groupe extrémiste Etat islamique (EI), qui retiennent en otage depuis 27 soldats et policiers. Al-Nosra a d’ailleurs menacé d’exécuter hier à l’aube, en représailles aux combats à Tripoli, l’un de ces soldats, sans apparemment passer à l’acte.

Tripoli connaît régulièrement des affrontements sanglants entre des sunnites basés à Bab al-Tebbané et des alaouites sympathisants de Bachar al-Assad dans le quartier de Jabal Mohsen. «Nous payons toujours le prix», affirme Khaled Breiss, déplacé et père de trois enfants. «Je fais partie des gens qui ont accueilli une famille syrienne réfugiée. Est-il possible que je sois réfugiés dans mon propre pays?», s’indigne-t-il.