Après avoir été projeté dans un conflit avec le DRS, Amar Saâdani sacrifié par les siens

Après avoir été projeté dans un conflit avec le DRS, Amar Saâdani sacrifié par les siens

La sortie fracassante de Amar Saâdani, qui s’en prenait violemment au Département du renseignement et de la sécurité (DRS) et son patron, le général de corps d’armée, Mohamed Mediène dit Toufik, aura provoqué un lâchage en chaîne du turbulent patron du FLN. Y compris par ceux qui sont censés être ses alliés politiques au sein même du premier cercle présidentiel !

Hier mercredi, deux partis siégeant au gouvernement se sont officiellement démarqués du SG du FLN, exprimant à l’occasion leur appui total à l’institution militaire. D’abord, la matinée, c’est le patron du RND, et néanmoins président du Sénat, Abdelkader Bensalah qui, à sa manière, rappellera à l’ordre «l’insolent» Saâdani au cours d’un discours prononcé à l’occasion d’une réunion interne au parti. Puis, dans l’après midi, c’est au Mouvement populaire algérien, le MPA du ministre du Développement industriel et de la Promotion de l’investissement Amara Benyounès qui tire à boulets rouges sur le même Saâdani.

«Le secrétaire général du FLN, Amar Saâdani, s’est illustré ces derniers jours par des propos mensongers pour le moins surprenants et dangereux, voire gravissimes», lit-on d’emblée d’un communiqué sanctionnant une réunion de son bureau national. Dénonçant fortement «ces déclarations et ces propos qui attentent gravement à l’honneur de l’une des principales et des plus nobles institutions de notre pays, l’ANP», le MPA notera que «même les partisans du «qui-tu-qui ?» et au plus fort de leur offensive contre l’Algérie, n’ont jamais osé aller aussi loin dans la calomnie».

Le parti de Amara Benyounès estimera par ailleurs que «le contexte régional et international ajoute à la gravité de ces agissements». Benyounès, tout comme Bensalah ne manqueront pas, chacun de leur côté, de rappeler leur soutien à un quatrième mandat pour Bouteflika. Exactement ce que réclame également Saâdani ! Autrement dit, et en attendant une fort probable sortie similaire de l’autre partenaire politique, Amar Ghoul, il va de soi, désormais, Amar Saâdani est décrété persona non grata. Cela sonne en tout cas comme une vraie «fin de mission» pour l’actuel secrétaire général du FLN.

Imposé par Bouteflika l’été dernier à la tête du parti majoritaire, en dépit de l’opposition quasi unanime de tous les courants au sein du vieux parti, Saâdani avait pour principale mission de faire la promotion d’un quatrième mandat pour Bouteflika mais pas seulement. Il s’adonnait à une permanente offensive médiatique contre les services de renseignement. D’abord par touches allusives, puis claires et, depuis lundi dernier, carrément vulgaires ! Il accable le patron même du service avec de très graves accusations, refaisant, en la travestissant toute l’histoire du pays depuis deux décennies.

A se fier aux déclarations de Saâdani, le terrorisme n’a jamais existé en Algérie ! Comme tous les mercenaires engagés par la propagande islamiste du FIS et de ses alliés, ce serait ainsi l’armée algérienne, à travers sa colonne vertébrale, les services de sécurité, qui aurait mis l’Algérie à feu et à sang ! Il lancera même un appel pathétique et scandaleux en direction de l’étranger en suggérant que même l’assassinat des moines de Tibhirine serait l’oeuvre du patron des services ! Ceux qui avaient actionné Saâdani, pour opérer quelques «frappes chirurgicales » sur une cible bien determinée, se seraient-ils finalement rendus compte que leur «kamikaze» risquait de tout ravager sur son passage ?

K. A.

Pourquoi Saâdani risque la prison

Au-delà des répliques politiques éventuelles, la bravade d’Amar Saâdani est-elle sans conséquences juridiques ? La loi portant charte pour la paix et la réconciliation nationale a justement anticipé sur ce cas de figure, prévoyant des sanctions pénales pour les auteurs attentant, par leurs déclarations, à l’honorabilité des agents qui ont servi la nation durant les années de braises. La loi portant Charte pour la paix et la réconciliation nationale prévoit une saisine automatique du ministère public au cas où une personne se rendrait coupable d’atteinte, à travers ses déclarations, «à l’honorabilité des agents» qui ont servi les institutions de la République.

C’est, en somme , l’article 46 de la loi qui l’y prévoit : «Est puni d’un emprisonnement de trois ans à cinq ans et d’une amende de 250 000 à 500 000 dinars, quiconque qui, par ses déclarations , écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République, fragiliser l’Etat, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servi, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international.» Il va sans dire que les déclarations de Saâdani, à travers lesquelles il vilipende le patron du DRS, le général Toufik, tombent sous le coup de cette loi. Logiquement, le parquet devrait s’en saisir de manière diligente et engager des poursuites judiciaires à l’encontre de Saâdani.

Autrement dit, nul besoin que la personne ou l’institution visée par de telles déclarations enclenchent ellesmêmes la procédure judiciaire. Mais il se trouve que trois jours après la sortie de Saâdani, la machine judiciaire ne s’est pas mise en branle. Ce qui, à l’observation, dément les accusations de Saâdani qui a affirmé que la justice est instrumentalisée par le DRS. La logique aurait voulu, à prendre l’assertion de Saâdani comme une thèse vraie, que la justice réagisse promptement, d’autant que la loi l’y autorise, sinon l’y oblige en pareille situation. Or, cela n’a pas eu lieu. L’autosaisine, qui a prévalu dans des affaires moins graves, ne s’est pas produite. On comprend que l’affaire est délicate pour la justice. Elle met aux prises, au-delà des personnes, deux institutions qui, chacune selon son rôle et son poids, ont pignon sur la vitrine politique nationale.

C’est de là peut-être qu’est venue l’hésitation du ministère public à s’autosaisir. Ce qui, à en croire la presse, a poussé le DRS à prendre sur lui d’intenter une action en justice. Faut-il rappeler que dans l’affaire de l’autoroute Est-Ouest, dans laquelle était impliqué le colonel Khaled du DRS, le département du renseignement ne s’est pas mis en travers de la justice mais s’est rendu à la décision de radier de ses rangs le colonel incriminé.

S. A. I.