Après avoir échoué à suivre Kelkal nemouche, Merah et Kouachi, La faillite du renseignement français

Après avoir échoué à suivre Kelkal nemouche, Merah et Kouachi, La faillite du renseignement français

Cette nouvelle affaire risque de provoquer de nouvelles purges dans les services de renseignement français

Vingt-quatre heures après la fin des prises d’otages à Paris, les critiques sont nombreuses pour mettre en cause la faillite des services de renseignement surtout que le bilan des pertes de l’attentat contre le journal Charlie Hebdo et de la prise d’otages est lourd: 17 morts.

Dans un article publié aujourd’hui le Washington Post et rédigé par des spécialistes des affaires sécuritaires, Greg Miller et Adam Goldman, on s’interroge sur les capacités des services de renseignement français.

Selon le Washington Post, un haut responsable américain a indiqué que plus de 3000 citoyens européens, dont au moins 1000 venant de France, ont débarqué en Syrie, pour se battre aux côtés de l’État islamique et d’autres groupes armés islamistes.

Certains sont retournés en Europe et pourraient peut-être passer des années sans attirer l’attention (les frères Kouachi font partie de cette catégorie), ce qui constitue une menace. «Ils sont des bombes à retardement potentiels,» a déclaré l’officiel américain aux journalistes. Selon Lauren C. Anderson, l’un des agents du FBI, installé à Paris Chérif Kouachi et d’autres islamistes, ont été placés dans les bases de données de lutte contre le terrorisme des États-Unis peu de temps après son arrestation en 2005. «Il y avait des indices qui prédisaient qu’il était tenté d’aller en Syrie «a déclaré Anderson, qui a dirigé plus tard les opérations de contre-terrorisme du FBI à New York. «C’est comme ça qu’ils sont inscrits sur la liste d’interdiction de vol.» Cette liste aurait également incité la NSA et d’autres agences d’espionnage américaines à parcourir les bases de données de renseignement pour intercepter les communications de Chérif Kouachi avec des groupes terroristes.

Les responsables américains ont déclaré qu’ils cherchent également à savoir si les Kouachi avaient rencontré Awlaki, un chef de l’Aqmi en 2011. Pour les Américains, les frères Kouachi semblent avoir bénéficié d’une baisse du niveau de contrôle des services de sécurité français au cours des deux dernières années.

L’année dernière, un autre citoyen français Mehdi Nemouche, a tué quatre personnes dans une fusillade, dans un musée juif à Bruxelles, même si les autorités françaises savaient qu’il était allé se battre en Syrie et avaient été informées par les autorités allemandes qu’il était retourné en Europe.

En 2012, un autre ressortissant français, Mohamed Merah, a tué trois écoliers juifs, un rabbin et trois soldats français dans une série de fusillades dans le sud-ouest de la France. Il avait été mis sur une liste d’interdiction de vol des États-Unis depuis 2010, après avoir été arrêté en Afghanistan et renvoyé en France, où il avait un casier judiciaire et était connu pour ses opinions extrémistes. Comme après la tuerie de Toulouse, perpétrée par Mohammed Merah, les services français du renseignement intérieur seront dans le viseur. Ce sont eux qui étaient chargés de détecter et de suivre ces jeunes partis se radicaliser à l’étranger. 1200 Français seraient ainsi impliqués dans les filières djihadistes, un chiffre qui a doublé en un an.

Les services secrets, qui ont fait l’objet de réformes permanentes ces dernières années, sont-ils bien organisés, pour faire face à ces menaces croissantes? Cette nouvelle affaire risque de provoquer de nouvelles purges dans les services de renseignement français, résultat de leur échec dans le contrôle des djihadistes. C’est en 2008 qu’a eu lieu le principal changement, avec la création de la direction centrale du renseignement intérieur (Dcri), issue de la fusion de la direction de la surveillance du territoire (DST) et des renseignements généraux (RG). Les missions des RG dites en milieu «ouvert» (suivi des délinquants violents des cités, des conflits sociaux…) ont alors été externalisées au sein d’une sous-direction de la police, la Sdig.

A l’époque, l’idée de Nicolas Sarkozy était de simplifier le système en créant une sorte de «FBI à la française». Après avoir échoué à suivre Kelkal, Nemouche, Merah et Kouachi, c’est un échec cuisant pour les services de renseignement français qui étaient pourtant réputés pour leur efficacité. Pour pallier cette faille, la direction centrale du renseignement intérieur (Dcri), avait lancé un appel à candidatures pour recruter 432 analystes dans des secteurs variés.

Une attention particulière est portée sur les ingénieurs dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication et sur les linguistes. Ils seront plus spécialement chargés de la collecte de renseignements en milieu fermé, en direction de la contestation politique violente, de la radicalisation religieuse, et des dérives urbaines, à l’image de la lutte contre l’économie souterraine», avait expliqué, il y a quelques semaines, Philippe Bertrand, le chef de la Dcri.