Le président égyptien Hosni Moubarak a quitté ses fonctions et remis le pouvoir à l’armée, a annoncé hier, le vice-président Omar Souleimane. L’annonce de la démission du président Moubarak a été accueillie par une explosion de joie par des centaines de milliers de manifestants réunis place Tahrir au Caire, selon les images diffusés par des chaînes satellitaires. M. Moubarak est resté trente ans au pouvoir.
Le président égyptien Hosni Moubarak a quitté hier, après-midi la présidence après 30 ans de règne, et remis le pouvoir à l’armée, au 18e jour d’une révolte populaire sans précédent qui réclamait son départ immédiat.
« Compte tenu des conditions difficiles que traverse le pays, le président Mohammed Hosni Moubarak a décidé d’abandonner le poste de président de la République et chargé le conseil suprême des forces armées de gérer les affaires du pays », a déclaré le vice-président Omar Souleimane, dans une brève allocution télévisée.
Cette annonce a provoqué une explosion de joie parmi les centaines de milliers de manifestants qui réclamaient, depuis le 25 janvier dernier, notamment sur la place Tahrir dans le centre du Caire, la démission immédiate de Moubarak, au pouvoir depuis 1981.
Le départ du président égyptien est intervenu peu après l’annonce par le porte-parole du Parti national démocrate (PND, au pouvoir) Mohammed Abdellah que Hosni Moubarak avait quitté le Caire pour la station balnéaire de Charm el-Cheikh où il a une résidence secondaire.
Pour sa part, le secrétaire général du parti au pouvoir en Egypte, Hossam Badrawi, nommé il y a à peine quelques jours, s’apprête à démissionner, selon un de ses proches.
« Quand il a accepté le poste il y a quelques jours, il voulait assurer une transition pour une courte période, qui garantisse la réalisation des demandes du peuple », a indiqué à la presse un proche de M. Badrawi avant d’ajouter: « Maintenant que c’est fait, il va se retirer ».
La démission de Moubarak du poste de président de la République survient également après l’annonce dans la matinée par l’armée égyptienne qu’elle apportait son appui aux réformes annoncées par Hosni Moubarak dont la tenue d’élections « libres » et « transparentes », en appelant à un retour à la normale dans ce pays le plus peuplé du monde arabe (80 millions d’habitants).
Dans un communiqué publié vendredi matin, le Conseil suprême des forces armées égyptiennes a assuré qu’il garantira un scrutin « libre et transparent, à la lumière des amendements constitutionnels décidés » et « met en garde contre toute atteinte à la sécurité de la nation et des citoyens ».
Présidé par le ministre de la Défense Mohamed Hussein Tantaoui, le Conseil a annoncé des mesures « sur la base des derniers développements qui déterminent le destin du pays (…) et la décision de déléguer les prérogatives au vice-président ».
Le communiqué de l’armée est intervenu au lendemain de l’annonce par M. Moubarak, dans un discours d à la nation jeudi soir, le 4e depuis le début de la révolte, qu’il déléguait ses prérogatives à son vice-président.
« J’ai décidé de déléguer au vice-président les prérogatives du président de la République conformément à ce que prévoit la Constitution », avait déclaré M. Moubarak.
« Je suis conscient du danger que représente cette croisée des chemins et cela nous impose de faire passer d’abord les intérêts supérieurs de la nation. La transition du pouvoir va d’aujourd’hui à septembre », avait ajouté M. Moubarak (82 ans), en référence à la présidentielle à laquelle il a promis de ne pas se présenter.
L’ancien chef de l’Etat égyptien avait aussi annoncé, dans son discours, l’amendement de cinq articles controversés de la Constitution liés à la présidentielle.
Pour rappel, le mouvement de protestations anti-Moubarak aurait fait, depuis son déclenchement, au moins 300 morts à travers le pays, selon les estimations de l’ONU.
Chronologie des événements
Rappel des événements en Egypte, théâtre depuis le 25 janvier d’une révolte contre le régime du président Hosni Moubarak, qui a quitté ses fonctions hier, et remis le pouvoir à l’armée. Les violences ont fait environ 300 morts depuis le début du mouvement (ONU et Human Rights Watch).
JANVIER 2011
– 25: Début des manifestations qui mobilisent des milliers de personnes.
Elles ont été précédées de plusieurs cas d’immolation, gestes rappelant celui d’un Tunisien qui avait déclenché la révolte ayant conduit à la chute de Zine El Abidine Ben Ali.
– 26: Des milliers de manifestants dans les rues malgré l’interdiction des autorités. La police fait usage de gaz lacrymogènes, de matraques et même de pierres. Les protestataires jettent des pierres sur les forces anti-émeutes.
– 27: Au moins un millier de personnes arrêtées (officiel). L’opposant Mohamed ElBaradei revient au Caire et se dit prêt à mener la transition.
– 28: Des manifestations massives dégénèrent en émeutes: au moins 62 morts dans des heurts manifestants/policiers. M. Moubarak demande à l’armée de faire respecter la sécurité et d’appliquer le couvre-feu au Caire, Alexandrie et Suez.
Incendies au siège du parti au pouvoir et dans de nombreux commissariats. Nuit marquée par des pillages.
– 29: Au moins 33 morts dans des heurts. A Rafah et Ismaïliya, les sièges de la Sûreté de l’Etat attaqués, émeutes dans des prisons.
M. Moubarak nomme un nouveau Premier ministre, le général Ahmad Chafic, et crée un poste de vice-président, octroyé au chef des Renseignements, le général Omar Souleimane.
– 30: Des milliers de manifestants au Caire. L’armée boucle le centre-ville avec des chars d’assaut, des avions de chasse survolent la capitale à basse altitude.
– 31: M. Moubarak forme un nouveau gouvernement. Au ministère de l’Intérieur, Habib el-Adli est remplacé par Mahmoud Wagdi.
L’armée s’engage à ne pas faire usage de la force, jugeant les revendications du peuple « légitimes ».
FEVRIER
– 1er: Plus d’un million de manifestants dans le pays. Marée humaine place Tahrir, dans le centre du Caire, occupée par les contestataires.
M. Moubarak annonce qu’il ne sera pas candidat à la présidentielle. Les manifestants exigent son départ immédiat.
– 2-3: Des heurts sanglants éclatent place Tahrir, lorsque des partisans de M. Moubarak font irruption. Les manifestants antigouvernementaux repoussent leurs assaillants. Onze morts et 915 blessés.
– 4: Des centaines de milliers d’Egyptiens dans les rues, à l’occasion d’une mobilisation baptisée « vendredi du départ ».
– 5: Démission du bureau exécutif du Parti national démocrate (PND), dont fait partie le fils de Moubarak, Gamal.
– 6: Les Frères musulmans se joignent à un dialogue politique national, avec d’autres groupes d’opposition, mais dénoncent l’insuffisance des réformes proposées.
– 7: M. Moubarak promet une hausse des salaires et décide d’une commission d’enquête sur les violences.
– 8: Des centaines de milliers de personnes défilent au Caire et en province, manifestations les plus importantes depuis le début du mouvement. M. Moubarak forme une commission pour amender la Constitution.
– 9: Des violences sanglantes touchent le Sud reculé. Des centaines de manifestants encerclent le Parlement et le siège du gouvernement au Caire. Le pouvoir avertit que l’armée interviendra « en cas de chaos pour reprendre les choses en main ».
– 10: M. Moubarak annonce qu’il délègue ses prérogatives au vice-président tout en s’accrochant au pouvoir, déclenchant la fureur des manifestants. Le président américain Barack Obama juge que ce transfert de pouvoirs n’est pas « suffisant ».
– 11: Plus d’un million de manifestants dans toute l’Egypte. Le président Moubarak quitte ses fonctions et remet le pouvoir à l’armée, provoquant une explosion de joie dans le pays.
Agences