Cela fait plusieurs semaines que la question de l’officialisation de tamazight resurgit à différents niveaux politiques : de la voix du nouveau patron du FLN, Amar Saâdani, qui s’y est dit favorable, ainsi que de l’hémicycle de l’APW de Tizi Ouzou, réunie en session extraordinaire il y a quelques jours.
On peut aussi signaler le travail du Centre national pédagogique pour l’enseignement de tamazight (CNPET), en collaboration avec le ministère de l’Education nationale, qui vient d’organiser un colloque à Ghardaïa «pour la mise en place d’une institution académique de la langue amazighe.
Mais que signifie l’intensification des initiatives autour de cette question linguistique en cette conjoncture ?
CONSTITUTIONNELLEMENT…
Pas besoin de convoquer les ténors de la question identitaire pour faire le lien entre les annonces d’ouverture à l’endroit de langue ancestrale, constitutionnalisée par le président Bouteflika dans le contexte des tensions des événements du «printemps noir» en 2003, et les échéances politiques de l’heure.
En effet, c’est parallèlement au débat sur la révision de la Loi fondamentale que survient celui de la promotion de tamazight au rang de langue officielle.
Une convergence qui mobilise à la fois les politiques et les scientifiques comme pour préparer l’opinion publique à une évolution importante des cercles de décision et des instances démocratiques dans leur appréhension de la revendication identitaire portée par des millions d’Algériens.
Le pouvoir en place compterait-il profiter des amendements qu’il entendrait porter à la Constitution pour en finir avec ce vieux cheval de bataille d’une partie de la classe politique ?
TAMAZIGHT, CIMENT NATIONAL
Face aux de foyers de tensions à travers le pays que des parties veulent transformer en replis régionalistes avec tout ce que cela peut signifier comme mise en crise de l’unité nationale, il semblerait que les pouvoirs publics aient opté pour l’apaisement.
Pour l’anecdote, il est un quotidien national qui signalait qu’une vieille dame a demandé au Premier ministre Abdelmalek Sellal, en visite dans une wilaya du sud du pays, et s’attendant à une sollicitation matérielle ou sociale «que les plaques de signalisation soient transcrites en tamachek», la variante locale de tamazight. C’est dire combien la question de la reconnaissance pleine et entière des langues remonte régulièrement à la surface.
Or, la négation ou le manque de considération de la part des institutions peuvent alimenter le sentiment de frustration vécu comme un déni identitaire violent, explique un enseignant de linguistique de l’université d’Alger. «Aujourd’hui, le pouvoir semble avoir compris que tamazight peut davantage souder les Algériens que les diviser.
En plus de consolider l’unité nationale, l’officialisation de tamazight ne manquerait pas de réconcilier les gouvernés avec les gouvernants, au moins sur cette question à la veille de la présidentielle.
Un autre spécialiste en sciences du langage déplore toutefois «le bricolage politique» et les risques d’une officialisation sans contenu. «Il ne s’agit pas d’officialiser pour officialiser, il faut promouvoir tamazight de façon académique, dans l’enseignement, les médias…, et j’ai bien peur que les défenseurs politiques ne s’intéressent pas à ce travail de fond».
Le débat ne fait donc que recommencer mais il se pourrait bien que l’idée d’une officialisation de la langue ancestrale ait gagné le sommet de l’Etat. Qu’importent les motivations, c’est l’Algérie qui en sera grandie.