De nombreux dossiers d’industriels sont bloqués dans les banques. Ces opérateurs éprouvent désormais toutes les peines du monde à financer les importations de leurs matières premières indispensables au fonctionnement de leurs unités de production.
L’instruction de la Banque d’Algérie n°02-15 du 22 juillet 2015 fixant le niveau des engagements extérieurs des banques et faisant partie de la série de mesures décidées par les pouvoirs publics pour réduire les importations, un volet important du plan anticrise décidé en décembre 2014, pose des problème d’application. Il pénalise les producteurs, assurent des banquiers qui ont tenu à contacter Liberté.
“Nos producteurs et investisseurs sont lourdement pénalisés par une nouvelle instruction de la Banque d’Algérie qui porte gravement préjudice à leurs intérêts. En effet, depuis son entrée en vigueur, l’instruction n°02-15 du 22 juillet 2015 fixant le niveau des engagements extérieurs des banques et établissements financiers” a bloqué les dossiers de nombreux producteurs au niveau des banques algériennes. Ces derniers éprouvent, désormais, toutes les peines du monde à financer les importations de leurs matières premières indispensables au fonctionnement de leurs usines et unités de production.
Depuis le mois d’août dernier, date à laquelle cette instruction a été imposée aux banques algériennes, les outils productifs des investisseurs nationaux sont, du coup, quasi paralysés, les banques étant dans l’incapacité de procéder au paiement des importations en matières premières via les crédits documentaires sollicités. En réalité, cette nouvelle instruction de la Banque d’Algérie oblige les banques à limiter drastiquement le niveau de leurs engagements extérieurs.
Depuis le 1er août dernier, les financements des crédits documentaires par les banques algériennes “ne doit, à aucun moment, dépasser une fois leurs fonds propres réglementaires tels que définis par la réglementation prudentielle en vigueur”.
Cela signifie clairement qu’une banque n’a plus le droit de financer des opérations d’importations dépassant une fois ses fonds propres, à savoir son capital social et résultat en instance d’affectation et toutes ses réserves. “Or, malheureusement, cette nouvelle instruction, dont les intentions louables sont de limiter la facture salée de nos importations et de prévenir tout incident de paiement lié aux tensions de liquidité constaté sur la place encore une fois, ne distingue aucunement entre l’importateur qui verse uniquement dans l’import-import et le producteur national qui doit importer de la matière première ou des équipements industriels pour faire fonctionner des activités créatrices de richesses et d’emplois”, dénoncent-ils.
Dans ce contexte, ajoutent-ils, pour financer des importations de matières premières à 5 millions d’euros par exemple, le producteur algérien doit lui-même se présenter à la banque pour verser l’équivalent de cette somme en contre-valeur en dinars algériens afin de bénéficier d’un crédit documentaire.
L’investisseur est donc contraint à mobiliser des fonds en urgence s’il veut éviter des retards de réception de matières premières importées.“Or, mobiliser des sommes considérables nécessite un immense effort financier qui peut avoir un impact négatif sur la trésorerie de l’entreprise.
Un producteur fonctionne avec un cycle d’exploitation assez long (stockage de la matière première puis du produit fini, aussi il doit payer des salaires, des charges sociales, des frais de fonctionnement et de maintenance). Et aujourd’hui, on lui demande de trouver tout seul l’argent nécessaire pour financer l’importation de sa matière première. C’est simplement suicidaire”, dénoncent-ils. Contacté par Liberté, Mohamed Kessel, spécialiste financier, abonde dans le sens des banquiers.
“Cette instruction ne réduit nullement de manière efficace nos importations puisque les importateurs bloqués dans les crédits documentaires peuvent recourir à la remise documentaire couverte par des assureurs exports qui seront prises par les fournisseurs et importer leurs marchandises.
Un importateur revendeur en l’état récupère plus facilement son argent et dispose des liquidités nécessaires pour financer ses importations. Un producteur investit et doit se développer à moyen et long termes. La rentabilité n’est pas au rendez-vous dans les plus brefs délais. C’est un investissement auquel il consent des sacrifices financiers.
L’empêcher de bénéficier d’un crédit documentaire, c’est lui porter un grave préjudice. Devant une telle rareté de ressources, en réaction naturelle les banques vont chercher leur rentabilité et donc se positionner sur les secteurs à court cycle d’exploitation donc import-import…Voilà comment on crée une réalité en inadéquation avec l’objectif économique du pays”.
À défaut, et si une révision de l’instruction 02-15 n’est pas effectuée rapidement, avertit-il, les impacts de cette instruction seront encore une fois très négatifs et vont encore encourager l’import/import. En d’autres termes, s’il n’est pas mis fin promptement à cette situation absurde, nous allons vers une pénurie de produits de large consommation sur le marché national et une hausse importante de la facture importations.