Entreprises et particuliers se ruent vers le juteux business des « Apps ». Deux milliards de ces logiciels pour iPhone auront bientôt été téléchargés.
Connor Mulcahey est une star du Web. En tout cas pour Apple. En avril dernier, la firme à la pomme a couvert de cadeaux ce jeune américain de 13 ans pour en faire un symbole : celui du succès de l’Appstore, sa boutique en ligne pour iPhone. Fin avril, Connor a téléchargé la milliardième « App », ces petits logiciels qui permettent de faire tout et rien sur le téléphone d’Apple. Depuis, le succès de l’Appstore ne s’est pas démenti. En moins de trois mois, encore 500 millions d’applications ont été écoulées par Apple auprès des 40 millions d’utilisateurs d’iPhone et iPod touch dans le monde. Téléchargeables directement sur ces appareils, elles sont parfois gratuites et le plus souvent vendues une poignée d’euros.
« Sur l’iPhone, il y a une application pour tout », martèle Apple dans ses pubs télé. La promesse publicitaire prend corps chaque jour. Un an après le lancement du service, 65.000 logiciels sont désormais en libre service et l’imagination des développeurs du monde entier ne se tarit pas. Parmi les plus grosses ventes de l’histoire du joujou techno : un simulateur de… mare pour s’amuser avec les poissons, un GPS qui n’a rien à envier à celui de votre voiture, un logiciel qui reconnait la chanson qui passe à la radio et, bien sûr, la plus populaire de toutes, une application qui permet de gérer son compte Facebook.
E-briquet, E-alcool…
Les grands médias français (Le Monde, Le Parisien…), y compris LCI radio, ont succombé à la fièvre pour proposer leurs contenus mais pas seulement : toutes les grandes entreprises s’y mettent. Il y a deux ans, chacun devait avoir un site mobile et une île dans l’univers Second Life. Aujourd’hui, pour vivre avec son temps, il faut avoir une « page fan » sur Facebook et une application sur l’iPhone. Après la RATP ou les Pages Jaunes, les spécialistes de la communication 2.0 proposent aux banques, industriels, et même groupe pharmaceutiques de lancer leur « App » pour faire parler d’elles. Le plus souvent, ils la proposent gratuitement. Comme Zippo, qui a écoulé à des millions d’exemplaires son application briquet-virtuel pour ceux qui veulent brandir leur iPhone pendant les concerts, la BNP qui offre un logiciel pour faire ses comptes entre amis, ou la mutuelle MAAF qui apprend à bien gérer sa consommation d’alcool. Elle aura un allié de choix : iBeer, un des plus gros succès, permet de descendre une pinte de bière virtuelle qui apparait sur l’écran en mimant le geste avec son iPhone. Dernier à rejoindre le mouvement, Aéroports de Paris qui avec, My Airport, vous informe en direct sur vos vols.
Si l’iPhone peut s’avérer très utile, dans le métro, sous son bureau, ou dans les embouteillages, on y joue avant tout. Après quelques hésitations, Steve Jobs a aussi voulu faire du téléphone d’Apple une console de jeu pour venir concurrencer la PSP de Sony et la DS de Nintendo. Et la mayonnaise commence à prendre. Apple y a mis du sien en proposant un jeu de poker détonnant et, après avoir hésité, les géants du jeu vidéo ont investi l’Appstore en force. Electronic Arts vient d’y sortir le troisième opus des « Sims », le plus grand succès de l’histoire du jeu vidéo, et Lucas Arts commence à y recycler ses titres historiques, comme Monkey Island. La référence du secteur est pourtant un acteur français, Gameloft. Ce spécialiste du jeu sur mobile a su se faire une place de choix sur iPhone avec déjà trente titres écoulés pour un total de 3 millions de ventes : de la simulation de foot (Real football) aux titres pour toute la famille (Uno, Cerebal challenge) en passant par le jeu d’action sur fond mythologique (Hero of Sparta) ou la simulation de guitare (Guitar World Tour). « Le téléphone d’Apple représente désormais 15% de nos ventes, trois fois plus que l’an dernier », se félicite-t-on auprès de LCI.fr. Gameloft mobilise 500 développeurs sur les produits pour l’Appstore dont une bonne partie fignole Gangstar West Coast Hustle, un jeu à gros budget prévu pour la fin de l’été qui vous met dans la peau d’un gangster de Californie. Avec des prix de vente oscillant entre 1 et 7 euros, le téléphone d’Apple est déjà une vache à lait de plusieurs millions d’euros annuels. Ses utilisateurs sont les plus rentables : ils achètent dix fois plus de jeux que sur un téléphone lambda.
Conte de fées et jackpot…
L’intérêt de l’iPhone, c’est aussi que chacun peut y développer son propre logiciel et le proposer dans le monde entier. Il suffit pour cela de télécharger un kit de développement et de s’acquitter d’une licence de 79 euros si l’on souhaite commercialiser son application maison. S’il est utile d’avoir des notions élémentaires de programmation, pas besoin d’être un pro, des briques de programme sont fournis par Apple pour utiliser toutes les fonctions du téléphone dans une application. Ce système a entretenu le succès du téléphone d’Apple qui voit ses concurrent RIM (Blackberry) et Google (Androïd) s’engouffrer dans la brèche avec leurs propres e-boutiques. Mais Apple conserve une longueur d’avance : des passionnés d’équitation, de mythologie, d’interprétation des rêves ou de médecine y ont créé des logiciels qui n’existent nulle par ailleurs.
Frédéric Descamps est de ceux-là. Physicien le jour, passionné d’astronomie quand tombe la nuit, il a créé tout seul Starmap, « l’App » de référence pour observer les étoiles sur iPhone. Tendez votre téléphone vers le ciel étoilé et l’application nomme comme par magie les points lumineux que vous observez. Son histoire ressemble à un compte de fées. L’an dernier, pendant trois mois, il passe ses soirées à programmer en préparation du lancement de l’Appstore : Starmap est prête pour le jour J. « Quelque jours après le lancement, Apple m’a envoyé un mail pour me dire que j’étais dans le Top 3 mondial. La deuxième surprise, c’était de découvrir que j’avais reçu plus de mille mails d’encouragement », confie Frédéric Descamps à LCI.fr. Une Sud-africaine qui traverse chaque soir une réserve animalière y rapporte que, grâce à lui, elle découvre chaque jour de nouvelles étoiles. Un divorcé aux Etats-Unis lui raconte comment il a renoué avec son fils de 6 ans en se mettant à l’astronomie…
C’est aussi un jackpot. En un an, Starmap – vendu 10 euros dans sa version de base et 15 dans une autre édition « pro » – s’écoule à 80.000 exemplaires dans le monde. Le calcul est vite fait : cela lui rapporte des centaines de milliers d’euros. « C’est vrai que j’ai gagné un petit pactole mais ce n’était pas le but », explique Frédéric Descamps. « Sur chaque application après la part d’Apple et les impôts, il me reste trois ou quatre euros ».
Bikini et cannabis
« Les développeurs fixent eux-mêmes le prix de leurs applications et conservent 70 % des recettes des ventes », reconnait le groupe californien. « Apple prend en charge tous les frais de système de paiement par carte bancaire, d’hébergement sur le Web et d’infrastructure », pointe-t-il pour justifier sa confortable marge de 30% qui fait tiquer certains éditeurs. Qu’ils ne se plaignent pas trop fort : s’ils sont libres d’en fixer le prix, c’est Apple qui a le dernier mot lorsqu’il s’agit de commercialiser ou non une application. « Les Apps sont vérifiées pour éviter tout obscénité, comportement déplacé, et même problèmes de fonctionnement » confirme Apple qui pointe que « 96% des logiciels qui lui sont soumis sont validés ».
« Les développeurs fixent eux-mêmes le prix de leurs applications et conservent 70 % des recettes des ventes », reconnait le groupe californien. « Apple prend en charge tous les frais de système de paiement par carte bancaire, d’hébergement sur le Web et d’infrastructure », pointe-t-il pour justifier sa confortable marge de 30% qui fait tiquer certains éditeurs. Qu’ils ne se plaignent pas trop fort : s’ils sont libres d’en fixer le prix, c’est Apple qui a le dernier mot lorsqu’il s’agit de commercialiser ou non une application. « Les Apps sont vérifiées pour éviter tout obscénité, comportement déplacé, et même problèmes de fonctionnement » confirme Apple qui pointe que « 96% des logiciels qui lui sont soumis sont validés ».
Après quelques ratés qui l’ont vu se faire taxer de censeur sans pitié, Apple serait d’ailleurs en train d’assouplir ses règles. Les applications sexy fleurissent sur le service. Présentatrices météos en bikini ou jeunes éphèbes brésiliens à la plage, il y en a pour tout le monde. Apple vient aussi de valider « Cannabis » qui indique aux américains – grâce au GPS intégré à l’iPhone – l’endroit le plus proche où ils pourront se procurer de la marijuana dans un cadre médical, pour les Etats qui l’autorisent. Et pour ceux qui se sont fait pincer sans une autorisation de leur médecin, l’application vous renvoie vers les meilleurs avocats…