Un appel pour le moins sournois, celui que vient de lancer aujourd’hui Ryad aux pays producteurs pour augmenter leurs capacités de production de 5 millions de barils par jour.
Au moment où il y’a surstock de pétrole de près de 3 milliards de barils, une offre excédentaire de 2 millions B/J et une demande mondiale au ralentit, l’Arabie Saoudite joue à l’apprenti sorcier en inondant davantage le marché et ce, à moins de quelques semaines de la réunion de l’Opep. Un appel intervenu à 48 h de la décision de l’Iran, de relever sa production sans demander l’avis de personne.
L’argument saoudien de venir en aide à l’économie mondiale ne tient pas la route face aux prévisions de l’Agence Internationale de l’Energie qui prévoit un recul de la consommation en 2016. Le surplus est confirmé par ailleurs par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui se réfère aux productions tant des distillats comme le fioul et le gazole développé aux Etats-Unis avec l’essor des hydrocarbures de schiste et aussi la zone Ocde et Chine. A cela, s’ajoute la prévision d’un hiver doux, ce qui va compliquer la donne du prix du baril qui, a déjà perdu 60% de sa valeur.
L’Agence Internationale de l’Energie évaluait la production mondiale à 97 millions de barils par jour soit 2 mbj de plus en un an. Quant à la consommation, elle sera située autour de 94,6 mbj en 2015 et 95,8 mbj en 2016.

Arabie Saoudite-Iran : du tic au tac
L’Iran, deuxième puissance au sein de l’organisation des pays exportateurs va au front en affirmant qu’il ne demandera pas l’autorisation de l’Opep pour augmenter sa production. La levée des sanctions, suite aux accords sur le nucléaire à compter de l’année prochaine lui donne des ailes : « Nous ne négocierons pas avec l’Opep pour augmenter notre production. Nous les en informerons seulement pour qu’ils s’adaptent », a déclaré M. Zanganeh lors d’une conférence de presse il y’a deux jours.
Une offensive, donc que va mener l’Iran pour redresser ses parts de marché, perdues à cause des sanctions surtout que ce rival de l’Arabie Saoudite se dit non inquiété par les débouchés de son pétrole. « Nous ne devons pas être inquiets sur les prix, ceux qui ont profité de l’absence de l’Iran pour augmenter leur production et en ont tiré profit doivent eux s’inquiéter ». Le message semble avoir été reçu par l’Arabie Saoudite qui, sous l’argument fallacieux de répondre aux besoins de l’économie mondiale, décide d’augmenter sa production et tente d’attirer les autres producteurs dans son sillage pour maintenir sa position sur l’échiquier énergétique avec comme seul gage de bonne volonté, « coopérer avec les membres de l’Opep et les producteurs non membres de l’organisation pour stabiliser le marché et les prix », déclarait aujourd’hui le ministre saoudien du Pétrole, Ali al-Nouaïmi.
L’Arabie Saoudite a produit l’année dernière 11, 505 millions de barils/jour soit, une évolution de 0,9%, c’est dire que les calculs sont ailleurs. Après le coup de force opéré au sein de l’Opep pour maintenir le plafond inchangé, Ryad a essuyé des dégâts dans ses finances. La nouvelle stratégie de Ryad est de jouer sur les deux tableaux : renforcer sa domination au sein du cartel, maintenant que les Etats Unis ont récupéré leur dominance de premier producteur mondial et pallier au déficit interne enregistré, suite à l’effondrement des cours.
Il est prévu un déficit budgétaire cette année de 38 milliards de dollars, une situation inédite pour le royaume qui, tend à protéger ses parts de marché tout en jouant sur le volume de l’or noir mis sur le marché.
Le rapport du Fonds monétaire international de la semaine dernière, portant sur les perspectives économiques pour les pays du Proche-Orient note que la « chute des prix de l’or noir conduirait à une très importante diminution de leur rente pétrolière, d’un montant de 360 milliards de dollars seulement pour l’année 2015. L’Arabie Saoudite en est le premier concerné. Si l’Iran, pour maintenir ses équilibres internes, a besoin d’un baril à 72 dollars et les Emirats arabes unis à 73 dollars, le royaume wahhabite, lui a besoin d’un prix de 107 dollars pour se maintenir.
L’appel de Ryad d’augmenter la production mondiale de 5 millions B/J sied bien à cette logique d’élargir la fourchette pour juguler le prix bas du baril, en attendant que s’exprime le bras de fer entre Ryad et Téhéran.