Aphrodisiaque, le sport-roi!

Aphrodisiaque, le sport-roi!

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Frustrés d’en être absents à cause d’une gestion chaotique et d’ambitions égocentriques qui font fi de l’intérêt supérieur du pays, le Mondial de football n’en est pas moins suivi par les Algériens avec une attention où l’enthousiasme est sans doute moindre, mais étroitement lié aux affects empreints d’une certaine conscience politique. Le sport-roi représente une occasion quadriennale dont la dimension philosophique est telle que les Algériens, jeunes et vieux, femmes et hommes, pauvres et riches, se réconcilient avec chaleur et volubilité, passant outre les sujets de rupture, pourtant générateurs de graves dérives et même d’une décennie de violences inouïes. Car le football met au rancart les zélotes du Caire autant que les muftis saoudiens et autres, balayant les prétendus référents scolastiques de l’islam utilisé à des fins politiques. Le temps de trois semaines, les ouléma d’ici et d’ailleurs sont renvoyés à leurs chères études et les différends d’essence religieuse semblent proprement balayés, de sorte qu’il n’y a guère d’étonnement à avoir, en observant dans les cafés où se tissent des amitiés incongrues et des discussions inimaginables quelque temps auparavant entre de jeunes barbus, militants entêtés d’une doctrine en apparence désuète, mais seulement en apparence, à vrai dire, et des papys, qui en ont vu d’autres, en des temps plus cléments.

Oublié alors le fanatisme qui disloque une société dont les valeurs ont été emportées par une bourrasque nourrie aux recommandations des «écoles» moyen-orientales qui viennent pourtant de prouver, voici peu, qu’elles savent appliquer à merveille l’adage consistant à «faire ce qu’elles disent et ne pas se préoccuper de ce qu’elles font»! C’est ainsi que les footballeurs saoudiens, leurs accompagnateurs et leurs supporters ont «bénéficié» d’une fetwa propice les dispensant de respecter scrupuleusement le jeûne durant le Mondial de Russie, un arrêt culturel impensable s’il avait concerné des footballeurs maghrébins, par exemple! Je n’en dirai pas plus, mais il est facile d’imaginer le tollé que ce genre de «disposition» aurait engendré sous nos cieux.

Mais l’élixir footballistique a ceci d’attachant qu’il déclenche, le temps d’un match, d’une épreuve ou d’une conquête de haute lutte comme c’est le cas pour le Mondial dont les temples font oublier, à force de ferveur sans commune mesure et de passion incontrôlée, les mosquées, les églises et les synagogues, un amour presque physique pour ces gladiateurs des temps modernes qui «défendent» les couleurs de leur pays au point d’entraîner l’engagement de leurs dirigeants en faveur du combat, pour une exploitation politique opportune.

Et pour cause! Le temps d’un Mondial, les populations oublient carrément leur quotidien quel qu’il soit, les fanatismes se dissolvent dans une mystique plus réconciliatrice, et ces problèmes du quotidien deviennent presque insignifiants par rapport aux espoirs, aux attentes et aux élans de joie libres de toute restriction. Bref, le sport-roi est le meilleur garant et le meilleur moyen d’acheter la paix sociale, pourvu que les résultats soient à la hauteur de l’investissement, et réciproquement. Cela, beaucoup de pays l’ont compris et ne lésinent guère aussi bien sur les moyens que sur la mobilisation des compétences avérées. Il semble, malheureusement, que nous n’en sommes pas encore là même si, quatre ans plus tôt, les évènements nous ont permis de croire en une embellie durable et fructueuse