Aouel Moharram, c’est demain

Aouel Moharram, c’est demain

La communauté musulmane célébrera demain Awal Mouharram 1432 avec la ferveur et la piété qui conviennent à cet événement. Nous publions à cette occasion un article de feu le Pr Bendali Amor qui explique le sens véritable de la hijra et le rôle joué par le Prophète Mohamed (QSSSL), pour l’avènement de l’Islam.

Au moment où Mohamed, âgé de quarante ans, fut envoyé comme Messager de Dieu pour sortir l’humanité des ténèbres vers la lumière, la presqu’île arabique était plongée dans la “djahilia”, c’est-à-dire dans l’obscurantisme. Les populations arabes étaient alors désunies : les tribus s’entretuaient dans des guerres fratricides ; elles entretenaient le culte des idoles ; les bourgeois parmi elles exploitaient, sans vergogne, les classes laborieuses, l’esclavage battait son plein. Aucun droit n’était reconnu aux femmes. Souvent les filles étaient assassinées dès leur naissance en toute impunité.

Cependant, la chose parfaite en ces temps lointains, c’était la langue arabe, la langue pure des “mouâllaqats” ou poèmes très élevés, affichés dans les concours littéraires de la foire de “Okad” à La Mecque, et toujours étudiés dans les enseignements secondaire et supérieur. Quel est l’arabisant qui ne connaît pas Imrou’El-Kaïs, Nabigha Dhoubiani, Tarafa…?

Et c’est précisément dans cette langue admirable, riche et toujours vivante, que fut révélé le Coran, la lecture sacrée par excellence qui, par son style élevé, son contenu juste et équitable et sa valeur dans tous les domaines, n’a jamais cessé d’étonner le monde.

Au commencement de sa noble mission et durant plus de dix ans, notre Prophète rencontra dans la région mecquoise où il séjournait, de nombreux ennemis acharnés parmi lesquels notamment des membres de la tribu des Qoraïchites. Tous les opposants à sa tâche voyaient en lui le destructeur de leurs privilèges et de leurs néfastes coutumes.

De nombreux complots furent vainement ourdis contre lui.

Les premiers musulmans, ses compagnons, ainsi que leurs familles ne furent nullement épargnés.

En raison de leur islamisation, ils furent maltraités, torturés et dépouillés de leurs biens. C’est à la suite de ces conditions difficiles que Mohamed reçut du Ciel l’ordre d’émigrer vers Médine l’illuminée après avoir invité ses compagnons à le précéder.

L’hégire

Accompagné de son fidèle compagnon Abou Bekr Es-Seddiq, l’Envoyé de Dieu quitta La Mecque pour Médine, le vendredi 16 juillet de l’an 622 après J.-C. et ce, d’après l’opinion la plus accréditée.

C’est ce qu’on appelle en arabe la “Hidjra” qui a donné naissance au mot français hégire.

Certains orientalistes malintentionnés ou induits en erreur, traduisent la “Hidjra” par le mot français fuite. C’est une simple inexactitude. Certes, il y avait en Arabie au début de l’Islam, ainsi qu’il a déjà été exposé plus haut, de nombreux sévères contradicteurs à notre Prophète : tout le monde n’avait pas encore saisi le sens du devoir dont il était chargé, mais de là à insinuer qu’il s’était enfui devant ses détracteurs, c’est vraiment vouloir porter atteinte à sa grande valeur, à sa haute dignité et à sa mission envers le Créateur et les hommes.

En réalité, le mot hégire signifie en français émigration. En la circonstance, c’est un recul stratégique pour mieux réussir dans la tâche de diffusion de l’Islam entreprise, un déplacement que commandait la religion, ainsi qu’il sera signalé plus loin. Non ! L’hégire n’est pas une fuite, tout simplement parce que ce dernier mot se traduit en arabe par “firar”.

Durant leur périple sur une distance de plus de 500 km, Mohamed et son compagnon sus-nommé rencontrèrent de multiples obstacles tendus par la nature du pays ou par des assassins à gage, à la solde d’ennemis mecquois. Ils les franchirent courageusement avec l’aide et la protection de Dieu. A Médine, ils furent reçus triomphalement par une foule considérable d”’Ançars” ou soutiens ; les femmes exprimèrent leur allégresse par des youyou stridents; les filles et les garçons chantaient des poèmes religieux. Partout on entendait un hymne dont le début est interprété ainsi qu’il suit :

“Un astre scintillant apparaît sur nos têtes des collines d’adieu entourant Médine ; Notre devoir est d’exprimer notre gratitude tant que priera Dieu un prieur ; O Envoyé parmi nous ! Tu es porteur d’un ordre à suivre…”.

L’après-hégire

C’est à Médine, à la tête des premiers musulmans, c’est-à-dire ses “Çahabas” ou compagnons et ses “Ançars” ou soutiens, et d’accord avec eux, que l’Envoyé de Dieu élabora minutieusement un programme considérable d’où allait jaillir l’essor prodigieux : l’Islam.

Tantôt par la persuasion qu’il préférait, tantôt par la guerre souvent défensive, Mohamed mena le combat contre les adversaires de la nouvelle religion. Dans son action sage et clairvoyante, il s’appuya sur le Livre sacré qui fut naturellement son principal miracle et sa force. Ses efforts inlassables dans l’intérêt de la religion furent couronnés de succès. En effet, il remporta des victoires éclatantes.

A la bataille de Badr — point d’eau entre La Mecque et Médine — à la tête de quelque trois cents “Moudjahidine”, il sortit vainqueur d’une armée mecquoise de plus de mille soldats bien équipés. Il fit preuve à cette occasion d’une tactique militaire inconnue auparavant et suivie par la suite par de célèbres généraux.

Par la suite le Messager de Dieu revint à La Mecque avec une armée de plus de dix mille hommes, montrant ainsi la force pour n’avoir pas à s’en servir.

Il occupa, en effet, cette capitale religieuse sans coup férir et sans aucun esprit de vengeance. Au contraire, il tendit la main à ceux qui l’avaient combattu et qui sans aucune contrainte embrassèrent l’Islam.

En ce qui concerne la vie civile de sa nation, Mohamed procéda à de nombreuses réformes dans tous les domaines.

Les deux pouvoirs, spirituel et temporel, qu’il détenait, lui ont permis d’appliquer facilement le Coran dont il fut le premier exégète. En un mot, il a administré avec justice et équité. Sa riche “Sunna” en est la preuve irréfutable. Et c’est ainsi que l’Envoyé de Dieu réussit à faire l’union des Arabes autour de lui et donner un cinglant démenti à l’adage bien connu : “Nul n’est prophète en son pays”.

Cette action bienfaisante, ainsi résumée, est due à la “Hidjra En-Nabawia”

Elle est mise en évidence par le Coran lui-même dans la sourate Al-Imrane :

“O Croyants ! Craignez Dieu de sa vraie crainte, et ne mourez pas autrement soumis à Lui. Attachez-vous à la Grâce que Dieu tend vers vous ; ne vous divisez pas ; souvenez-vous de la Grâce de Dieu qu’Il fit descendre vers vous lorsqu’Il fit l’union entre vos cœurs alors que vous étiez ennemis ; un beau matin, vous étiez des frères par Sa Grâce… »

Un grand tournant qui changea le cours de l’histoire

Mouharram, c’est le mois de l’année dans le système de réglementation du calendrier mis sur pied par les musulmans depuis, notamment, la khilafa de Omar Ibn El Khattab (Que Dieu soit satisfait de lui). Le calendrier en question a commencé en effet à partir de l’Hégire (Migration).

De l’Hégire, reconnu par les historiens pour être le grand tournant qui changea le cours de l’histoire de l’homme, les musulmans retiennent plusieurs faits relatifs au mouvement et au redéploiement du Prophète Mohamed (QSSSL). Certains se remémorent en exploits divins lors de cette mutation (El Mou’djizate) comme celles de la grotte et l’araignée. D’autres méditent encore surtout des nombreux événements qui se sont produits entre la période allant de la Hidjra de Mohamed (QSSSL) et ses compagnons vers Taïf et ensuite vers la ville cosmopolite Médine.

Cette période est riche, au point que, en fin de compte, il s’est agit d’une évolution qui devait provoquer des changements radicaux aussi bien dans la mission du Prophète (QSSSL) que dans les rapports de force entre musulmans d’une part et les tenants de l’ordre établi de l’époque, notamment les grands dignitaires de Qoraïch ainsi que leurs alliés parmi les autres tribus, d’autre part. Ainsi de cette évolution quantitative et qualitative dans l’histoire de l’islam a été fondé l’Etat musulman et, bien après la khilafa, doté de structures de fonctionnement, notamment le pouvoir législatif, l’exécutif, le judiciaire ainsi que les fondements politiques, diplomatiques et théologiques de la Oumma islamya.

L’Hégire, un terme qui signifie résignation du tout petit groupe de compagnons (Omar, Abderrahmane Ibn Aouf, Othmane Ibn Affane, Oubaïda Ibn El-Djarah et les autres) devant le terrible diktat des Qoraïchite, voire leur arrogance à l’égard du Très-Haut, la torture et l’humiliation constituait aussi une permission de Dieu pour s’exiler. Pour certains, et tel que donné littéralement à travers un verset coranique, ce fut plutôt un ordre. Le terme Oudhina signifie, en effet, ordre et permission. En tout état de cause, ce sublime verset demeure un des plus solennels dans l’histoire de Mohamed (QSSSL) et de ses Compagnons.

Ainsi, il a été écrit : “Il a été donné Sa permission à ceux qui sont combattus et qui subissent l’injustice, Allah est certes capable de leur assurer la victoire. Ceux qui ont été déportés de leur terre sans nulle autre raison qu’ils avaient dit Allah est notre Seigneur.” Les musulmans, aujourd’hui, en percevant davantage l’importance et la portée de ce jour, devraient, en ces temps de crise, méditer autour des grands signaux adressés par Mohamed (QSSSL) et notamment celui qu’il donna à travers l’historique pacte de fraternité entre les partisans et les émigrés (El Mouhadjiroun oual Ansar).

C’est pendant l’Hégire que Mohamed (QSSSL) ayant senti la nécessité de renforcer les liens entre les fidèles, avait institué un pacte de fraternité entre les émigrés et les partisans. “Soyez, dit-il, l’un pour l’autre confrères dans la foi.” N’était-ce pas ce jour-là que Hamza le noble, l’oncle du Prophète (QSSSL), le “Lion de Dieu” devenait un frère à l’esclave affranchi Zaïd Ibn Harith ? N’est-ce pas là un véritable symbole de fraternité, étrangère à la différence des classes et des rangs ?

M. Z.