Vous l’aurez certainement remarqué, l’ex-attaquant de la JSK, Mohamed Amine Aoudia, a préféré observer le silence depuis qu’il a rejoint le club cairote du Zamalek. Mis à part quelques petites déclarations, le joueur n’a pas voulu accorder d’entretien à un média local, après les critiques qu’il a essuyées de la part de cette presse à l’issue de l’élimination de la JSK de la Ligue des champions africaine en demi-finale contre le TP Mazembe.
Aoudia a accepté, cette fois-ci, d’ouvrir son cœur à nos lecteurs en répondant à toutes nos questions. Aoudia revient sur les bons mais aussi les mauvais moments qu’il a vécus à la JSK, les raisons qui l’ont poussé à partir en Egypte, et comment il vit sa nouvelle aventure dans un pays qui connaît un énorme soulèvement populaire.
Tout d’abord, on vous remercie d’avoir accepté de nous accorder cet entretien…
Il n’y a pas de quoi, j’ai préféré observer le silence dernièrement, et la dernière fois où j’ai parlé à la presse c’était dans votre journal. Aujourd’hui, j’accepte de vous accorder un entretien pour répondre à votre demande d’un côté, et parce que je veux aussi m’exprimer.
Pour quelles raisons avez-vous opté pour le silence depuis votre départ de la JSK et refusé toute déclaration à la presse ?
Je serai franc avec vous. Tout le monde sait que je suis passé par des moments difficiles après l’élimination de la JSK de la Ligue des champions africaine. J’ai été la cible privilégiée de toutes les critiques, comme si j’étais le seul responsable de cette élimination. Certains ont même dépassé les limites en me touchant dans ma personnalité. Beaucoup d’encre a coulé et mon nom a été lié à cette élimination. J’ai préféré donc me retirer et observer le silence pour qu’on m’oublie, avant que je quitte le club.
Les critiques de la presse y étaient pour quelque chose donc dans votre départ de la JSK et cette décision de partir en Egypte ?
Celui qui connaît Aoudia et sa mentalité connaît les raisons.
Nous voulons savoir quelles sont les véritables raisons…
Il est vrai que les critiques que j’ai essuyées m’ont affecté, mais je ne peux pas nier que la JSK m’a donné une opportunité que je n’ai pas trouvée dans un autre club. La JSK m’a permis de découvrir la compétition africaine et le haut niveau. Elle m’a permis d’affronter les grosses cylindrées de l’Afrique et de côtoyer de grands joueurs dans le continent. De mon côté, je n’ai ménagé aucun effort pour honorer mon contrat, et je l’ai qualifiée en phase des poules l’année passée grâce à deux buts précieux. Demandez-le au président Hannachi, il vous donnera la même réponse.
Il n’y a pas de doute à cela, allez-y continuez…
J’ai passé des moments exceptionnels que je n’oublierai pas. On a réalisé de bons résultats en Ligue des champions, d’ailleurs tout le monde nous respecte en Egypte et respecte la JSK qui a éliminé de grands clubs. Au Zamalek par exemple, on nous respecte en reconnaissant le mérite de la JSK qui a atteint les demi-finales. Mais après notre élimination, c’est tout le monde qui s’est retourné contre nous, et j’ai été personnellement ciblé par des personnes pour je ne sais quel intérêt. J’ai été dégoûté, j’ai perdu ma concentration, une offre m’est parvenue du Zamalek, j’ai accepté et Hannachi n’y a pas trouvé d’inconvénient. J’ai rejoint le championnat égyptien avec conviction.
Justement, votre départ en Egypte a surpris plus d’un à cause de la détérioration des relations entre les deux pays en raison de ce qui s’est passé lors des éliminatoires de la Coupe du monde. N’avez-vous pas d’appréhensions de ce côté ?
Pour moi, les relations ont été, et sont toujours, bonnes entre l’Algérie et l’Egypte. Ce qui s’est passé n’était qu’un malentendu et une rivalité pour l’obtention du ticket qualificatif pour la Coupe du monde. Actuellement, tout le monde a oublié ce qui s’est passé, et croyez-moi, dans leur majorité, les Algériens résidant en Egypte entretiennent des relations plus que fraternelles avec les Egyptiens. C’est ce que j’ai constaté.
Pensez-vous avoir pris la bonne décision en optant pour le championnat égyptien dont le niveau est semblable au championnat algérien ?
J’ai pris la bonne décision, et sans exagération aucune, le niveau ici est relevé. C’est pour cela que j’ai quitté notre championnat. Au Zamalek, j’ai plus d’opportunités pour me faire un nom, c’est l’un des géants d’Afrique, son histoire et son palmarès parlent pour lui.
Comment ça se passe pour vous en Egypte, vous êtes-vous habitué à leur mode de vie ?
Je passe des journées ordinaires, dans de bonnes conditions. Après l’entraînement, je reviens dans mon appartement pour me reposer et récupérer. Des fois, je me connecte avec des amis en Algérie via internet. Je tue le temps des fois en jouant à la PlayStation. Lors des journées de repos, je sors avec des amis pour visiter Le Caire. Hier (entretien réalisé mercredi, ndlr), Mido et Chicabala m’ont fait découvrir de nouveaux endroits en Egypte. On a passé de bons moments.
Ils sont devenus vos amis apparemment ?
Oui, ils sont devenus proches, même si tout le monde est ami avec moi au Zamalek. Je vais d’ailleurs vous révéler un secret qu’on ignore en Algérie.
Allez-y…
Contrairement à ce que l’on pense, Mido aime beaucoup l’Algérie, notre relation est la meilleure preuve. Il garde des photos de l’Algérie et des Algériens dans son téléphone portable.
De belles photos ?
Oui, très belles, Chicabala aussi nous aime, et a été content lorsque j’ai signé au Zamalek. Aujourd’hui, ils sont en train de se distraire dans le but d’oublier ce qui se passe actuellement en Egypte.
Comment vivez-vous justement cette révolution de la population qui réclame la tête du Président Moubarak ?
Franchement, je n’ai rien à voir avec la politique, je suis footballeur et ce qui se passe ne me concerne pas. Après l’entraînement, je rentre chez moi pour me reposer.
Et pourquoi n’êtes-vous pas rentré au pays lors de la trêve, pour rester loin de ce qui se passe en Egypte ?
Je suis un footballeur professionnel, je ne suis pas concerné par la politique et j’ai préféré rester ici pour me reposer et me préparer convenablement pour la reprise du championnat. La direction du club et le staff technique m’ont mis dans de bonnes conditions. Ce qui se passe ici ne peut pas influer sur moi.
Comment ça ?
J’habite au Zamalek, une région calme et qui est loin du centre des événements.
C’est une bonne nouvelle, puisque tout le monde avait peur pour vous lors du déclenchement de ces événements…
Je les remercie de s’inquiéter pour moi, je les rassure, je me porte bien et rien ne me manque.
Revenons maintenant à votre départ de la JSK. Etait-il facile de quitter un club qui vous a offert l’opportunité de vous illustrer plus que les autres clubs où vous aviez déjà joué ?
C’était une décision difficile, la JSK m’a ouvert toutes les portes de la réussite. La JSK est un club qui truste les titres en Algérie, ses supporters n’acceptent pas les défaites. Pour eux, la JSK doit rester toujours parmi les géants de l’Afrique et jouer pour les titres, que ce soit en Algérie ou à l’échelle continentale. De mon côté, je n’ai ménagé aucun effort. J’ai marqué des buts importants qui ont fait plaisir aux supporters. Croyez-moi, c’était une décision difficile que j’ai prise, la plus difficile dans toute ma carrière.
Certains en Algérie pensent que du fait d’avoir opté pour l’Egypte, Aoudia est en train de perdre uniquement son temps, qu’en pensez-vous ?
Le joueur, quel qu’il soit, ne doit pas bruler les étapes dans sa carrière. Je me suis illustré en Algérie, et j’ai rejoint le championnat égyptien dont le niveau est plus relevé. Si je m’illustre aussi dans ce championnat en donnant ce qui est attendu de moi, je peux passer une autre étape qui est celle de décrocher un contrat en Europe. Je dois seulement avoir confiance en mes capacités.
Comment a été l’accueil à votre arrivée en Egypte ?
J’ai eu droit à un accueil chaleureux, ils m’ont mis dans les meilleures conditions en me donnant l’impression que je suis des leurs. Et je profite de l’occasion pour les remercier de ce qu’ils ont fait pour moi depuis mon arrivée en Egypte à ce jour.
Comment a été la première rencontre avec les jumeaux Houssam et Brahim Hassen, et quelle relation entretenez-vous aujourd’hui avec eux ?
Sans exagération, je dirais que j’ai trouvé deux symboles, deux pyramides du football égyptien. Houssam et Brahim m’attendaient la veille de la rencontre entre Al Ahly et Zamalek, et m’ont réservé un accueil chaleureux que vous ne pouvez imaginer.
On attendait le contraire de la part de deux personnes qui ont montré à plusieurs reprises leur animosité envers l’Algérie…
Non pas du tout, il faut être ici pour vous assurer que ce que je vous raconte est vrai. Houssam et Brahim, ce sont eux qui ont cru en moi, ils étaient les plus heureux de mon arrivée en Egypte.
Mais on a des doutes à cause de leurs sensibilités envers l’Algérie…
Non, il n’y a pas de souci de ce côté. Après avoir suivi notre parcours et ce que j’ai montré avec la JSK en Ligue des champions, ils ont demandé à la direction du club de me recruter au plus vite. Houssam leur a dit : «Ce Aoudia, ramenez-le moi !». Je le remercie pour la confiance qu’il a placée en moi. Je lui reconnais qu’il est un grand joueur qui connaît le football mieux que vous et moi.
Avec Houssam ou Brahim, Mido, Chicabala ou un autre Egyptien, avez-vous évoqué la crise entre l’Algérie et l’Egypte ?
Oui, on en a beaucoup parlé, mais tout le monde a oublié ce qui s’est passé. Il s’agissait d’une rivalité entre deux pays pour un ticket qualificatif à la Coupe du monde, c’est tout. On a oublié ces différends, car il faut mettre un pas en avant et oublier le passé. Il n’y a aucun intérêt à évoquer le passé. Personnellement, je ne me focalise pas sur ce problème et je préfère me concentrer sur ce qui m’attend sur le terrain afin d’honorer mon contrat avec le Zamalek.
Et quelle relation entretenez-vous avec les supporters du Zamalek ?
Ils m’ont adopté dès le premier match, au point où ils scandent mon nom des tribunes à chaque occasion.
A ce point ?
Bien que je n’aie rien montré pour le moment, ils me portent déjà dans leur cœur. J’entretiens de bonnes relations avec eux et je crois qu’ils me connaissaient avant mon arrivée en m’ayant sans doute vu à la JSK lors de la Ligue des champions.
Quelle est votre relation avec les Egyptiens dans la rue, avez-vous déjà eu un problème avec quelqu’un ?
J’ai d’excellents rapports également avec les gens dans la rue, je n’ai jamais eu de problème, bien au contraire, je suis bien accueilli là ou je mets les pieds. Il y a un respect mutuel entre nous. J’ai senti que les gens ici sont prêts à se réconcilier avec l’Algérie et œuvrer pour que les relations redeviennent telles qu’elles étaient avant. C’est ce que je souhaite, on est des frères avant tout.
Ne pensez-vous pas que cet amour du public du Zamalek est dû à votre illustration contre le rival Al Ahly, en Ligue des champions ?
C’est possible, ils ont gardé une bonne image de moi et de mes capacités en suivant mon parcours en Ligue des champions, notamment les deux matches contre Al Ahly du Caire. C’est pour cela qu’ils misent beaucoup sur moi, et de mon côté, je ne ménagerai aucun effort pour leur donner de la joie. Les supporters du Zamalek et tous les Egyptiens ont une bonne estime pour les joueurs algériens. Ils m’ont dit qu’on est des joueurs hargneux, au point où ils m’ont qualifié de monstre.
Monstre ?
Oui, Aoudia le monstre. Ils m’ont dit que je me bats avec courage sur le terrain : «Vous êtes un véritable monstre !»
Vous avez joué deux matches sous vos nouvelles couleurs, le premier en championnat et le second en coupe d’Afrique contre le représentant kenyan où vous avez marqué un but. Que pensent-ils de votre rendement ?
Je crois qu’ils étaient satisfaits de mon match en championnat bien que je n’ai pas marqué, et ils étaient plus contents pour le but que j’ai marqué en Ligue des champions au Kenya, et j’espère que je serai encore meilleur lors du troisième match.
Quelle a été la réaction de vos camarades après le votre but face aux Kenyans ?
Ils étaient tous contents, ils sont venus vers moi pour me congratuler pour ce premier but sous les couleurs du Zamalek. C’est une preuve qu’ils veulent que je réussisse et que je m’illustre avec eux. Ils m’ont d’ailleurs facilité la tâche sur le terrain autant que mon adaptation dans l’équipe. Je les remercie pour cela.
Et qu’en est-il de Houssam Hassen ?
Lui aussi était satisfait. Je vous l’ai dit, il croit en mes capacités et en ma personne. Il était naturellement content pour moi.
On a dit que le montant de votre transfert en Egypte est important. La JSK ainsi que vous-même, auraient trouvé votre compte. Peut-on connaître le chiffre exact ?
Désolé, je ne peux pas révéler le montant de la transaction à la presse, ce sont des secrets qui restent entre la direction de la JSK, celle du Zamalek et moi-même. Cela dit, le montant était à la hauteur de mon niveau et celui de la JSK. Mais ce n’est pas pour l’argent uniquement que je suis parti, je voulais relever un nouveau défi, découvrir un autre monde et un nouveau championnat pour progresser. J’avais la possibilité de gagner aussi de l’argent à la JSK, mais j’ai préféré une autre aventure et fuir également les problèmes dont je souffrais.
Les problèmes ont commencé avec vos absences répétées aux entraînements et cela après l’élimination de la JSK de la Ligue des champions. Pourquoi ces absences ?
J’ai tout supporté à l’époque, les rumeurs et les méchancetés gratuites envers ma personne. Allez demander au président Hannachi, il vous donnera la même réponse. Je reconnais que je n’aurais pas du m’absenter, mais je suis passé par des moments difficiles. J’ai été affecté au point où je ne pouvais plus m’entraîner.
Une certaine ambiguïté entoure votre départ de la JSK, voulez-vous nous éclairer davantage ?
J’ai un tempérament de gagneur, comme les supporters de la JSK d’ailleurs. Je n’aime pas perdre même en amical, alors que dire d’un match officiel ! A cette période d’engouement que traversait la JSK, tout le monde voulait être titulaire, et les problèmes ont commencé à surgir, mais je n’ai pas songé à partir jusqu’à ce qu’on me pousse à le faire.
Et quand avez-vous décidé de partir exactement ?
J’ai marqué trois buts décisifs qu’on a minimisés en disant que j’ai eu de la chance, c’est tout. Les mêmes personnes ont pris attache avec les anciens joueurs de la JSK pour me dénigrer à mon insu. Malgré cela, je leur ai pardonné parce que je connais mes capacités. J’ai été poussé à quitter le club à l’issue de notre élimination de la Ligue des champions. Je suis parti et je leur ai prouvé que je me porte bien.
(On le coupe) Allez-y doucement, on ne veut pas que vous fassiez des déclarations dans un état de colère…
Non, je veux parler de ce point, car on a fait couler beaucoup d’encre me concernant et cela à tort. Que Dieu leur pardonne, car moi je leur ai pardonné, mais ils doivent prendre conscience que Aoudia reste toujours debout. Aoudia est aujourd’hui titulaire au Zamalek, joue régulièrement, marque des buts et côtoie les grands joueurs. Si vous les comparez à ma situation, y a pas photo ! Ils m’ont touché dans ma dignité et ma personnalité et m’ont fait beaucoup de mal. Savez-vous ce qu’a dit ma mère à cette époque ?
Quoi ?
Elle m’avait dit : «Pourquoi toute cette campagne contre ta personne, alors que tu as tout donné à la JSK ?» Elle m’avait dit aussi : «Ils ont utilisé tous les moyens pour te combattre à tort et à travers». Et elle m’a conseillé de changer d’air en m’encourageant à aller en Egypte lorsque j’ai reçu l’offre du Zamalek. J’ai réussi en suivant ses conseils. Même certains journaux, pendant trois mois, ne cessaient de titrer : «Aoudia en abandon de poste, Aoudia a fait ceci ou cela, Aoudia a raté, Aoudia n’a pas marqué, Aoudia est un mauvais attaquant, Aoudia marque par chance, Aoudia rate plus qu’il ne marque» et je ne sais quoi encore comme critiques non fondées.
Ne pensez-vous pas qu’il y avait une main derrière cette campagne médiatique juste pour vous pousser vers la porte de sortie ?
Je ne sais pas, heureusement que Hannachi a confiance en moi, il était et reste parmi les rares personnes qui reconnaissent ce que j’ai donné au club. Je vous fais savoir à l’occasion que Hannachi demande de mes nouvelles jusqu’à maintenant et s’inquiète toujours si je ne manque de rien, comme un véritable père. Je le remercie d’ailleurs. Ceux qui ont essayé de me briser et ternir mon image, je leur pardonne malgré tout le mal qu’ils m’ont fait et dit de moi.