AOL pourrait disparaître

AOL pourrait disparaître

Le divorce entre Time Warner et AOL est engagé. Le groupe de médias américain Time Warner a déposé lundi auprès de l’autorité boursière, la Securities and Exchange Commission, le dossier de sa filiale internet.

Une première étape en vue de l’introduction en bourse d’AOL, qui se retrouve seul, et en perte de vitesse.

Ce qui n’empêche pas son nouveau PDG, Tim Armstrong, de vouloir faire du portail-fournisseur d’accès Internet, le premier fournisseur mondial de contenus.

Reste à savoir si le pionnier du web est capable de renouer avec sa grandeur passée.

Combien vaut AOL ?

AOL a en effet été longtemps la première entreprise mondiale d’Internet, valorisée à 165 milliards de dollars en 2001 au moment du rachat par Time Warner.

Une transaction réalisée, il est vrai, entièrement par échange d’actions au plus fort de la bulle internet.

En 2006, sa valeur théorique a pu être estimée à 20 milliards de dollars quand Google a déboursé 1 milliard pour une participation de 5%.

A cette même aune, elle s’élèverait désormais à 5,7 milliards de dollars puisque le moteur vient de revendre ses actions pour 283 millions.

Mais c’est encore au dessus de la réalité, selon le WSJ : car ce prix inclut d’autres paiements dus à Google.

De plus, on ignore encore le montant de la dette qu’AOL devra supporter.

Sa valeur comptable à la date du 31 mars, ne s’élève, elle, qu’à 3,58 milliards.

Selon Richard Greenfield, analyste chez Pali Capital, on serait plus près des 2 ou 3 milliards. Plus on creuse, plus la valeur d’AOL s’amoindrit…

De fait, le business model de l’ex-start-up est en crise. Son chiffre d’affaires prévu pour 2009 est de 3,2 milliards de dollars, soit 38% de moins qu’il y a deux ans.

Les deux sources de revenu du site, les abonnements Internet et la publicité, sont en chute libre.

Ayant opté trop tard pour le haut débit, son activité de fournisseur d’accès ne cesse de décliner, avec seulement 6 millions d’abonnés contre 30 millions au temps de sa splendeur.

Les clients restants « sont ceux qui ont été trop paresseux pour changer leur adresse mail aol.com,explique Saul Hansell dans le New York Times. Et environ 200 000 clients annulent leur abonnement chaque mois ».

Une désertion régulière qui a des répercussions sur le trafic du portail et sur ses ressources publicitaires : la grande majorité de l’audience reste composée d’abonnés à son service d’accès Internet.

Cela dit, selon le cabinet e-marketer, AOL se classait encore en février au cinquième rang des sites les plus fréquentés des Etats-Unis, en termes de visiteurs uniques, derrière Google, Yahoo!, MSN (Microsoft) et YouTube.

Mais la concurrence est d’autant plus rude que le marché publicitaire tourne au ralenti.

Au deuxième trimestre, les recettes publicitaires du portail ont encore chuté de 21%.

Le rêve d’Armstrong

Cela n’a pas l’air de décourager Tim Armstrong. Le président débauché en mars chez Google entretient en effet des rêves de grandeur pour la carrière solo du site.

« AOL est très bien placé pour être un acteur important dans l’avenir d’internet », affirme t-il lors d’une conférence à Pasadena.

Son objectif est clair : devenir le plus gros producteur de contenu premium et ainsi le plus gros vendeur de publicité en ligne. Reste à savoir comment il va y parvenir…

AOL peut d’une part compter sur un socle de 106,5 millions de visiteurs uniques en juin, selon Comscore.

Il entend par ailleurs profiter de l’information accumulée depuis 15 ans sur des millions de clients pour proposer de la publicité ciblée.

AOL se positionne ainsi pour le jour où le marché publicitaire aura surmonté la récession.

La stratégie: succéder à la presse magazine

Pour ce qui est du contenu, AOL « a moins de concurrence puisque le contenu coûte cher à produire », explique Saul Hansell.

Or l’éditeur de sites détient déjà plus de 70 blogs spécialisés comme Boombox, Wallet Pop et Paw Nation… Il s’agit de continuer de développer encore plus de rubriques.

« Pour chaque magazine spécialisé existant, AOL aura sa marque en ligne », prédit Michael Arrington du blog Techcrunch.

Le portail d’AOL ne sera pas forcément la voie d’accès privilégiée pour accéder à ces informations et ces contenus.

Armstrong reconnaît en effet la nature de plus en plus fragmentée de l’usage d’Internet.

« Certains iront chercher notre contenu sur twitter, d’autres directement sur nos sites », a t-il expliqué à Erick Schonfeld de Techcrunch.

Selon Michael Arrington, AOL veut prendre le relais d’une presse magasine agonisante : « Les recettes publicitaires de la presse écrite fondent et les coûts structurels sont élevés (salaires, impression…). Résultat : il y aura beaucoup de journalistes de qualité qui accepteront de travailler sur le web, même pour un salaire moindre ».Le temps de racheter ces sites et de recruter ces journalistes, « les revenus des abonnements internet permettront de rapporter 1 milliard de cash par an pendant deux ans, même si ce revenu sera amené à décroître par la suite. »