Cette mesure aura indubitablement une incidence directe sur le financement et le fonctionnement des institutions, des entreprises et sur l’emploi.
En dépit des garanties énoncées par le gouvernement, l’annulation de la loi de finances complémentaire (LFC) pour 2013 aura bel et bien des conséquences sur le plan socioéconomique du pays. Reporter toutes les mesures prévues dans la LFC 2013, notamment les dépenses exceptionnelles, pour la LF 2014, aura assurément une incidence directe sur le financement et le fonctionnement des institutions, les entreprises et sur l’emploi.
Le premier impact de cette suppression, qui frappe d’ailleurs l’esprit du commun des mortels, concernera les ressources complémentaires et nouvelles que le Premier ministre a promises d’allouer à diverses reprises lors de ses déplacements dans différentes wilayas du pays.
Ce sont autant de décisions prises à la hâte, conjoncture oblige, qui n’ont pas été inscrites dans la LF 2013. Or, toute nouvelle allocation de ressources doit être budgétisée, conformément à la réglementation en vigueur, dans une LF ou une LFC.

Par conséquent, les enveloppes financières additionnelles ou nouvelles promises par Abdelmalek Sellal à bon nombre de wilayas ne seront disponibles qu’à partir de l’exercice 2014.
Ce qui, par ricochet, va retarder la réalisation du programme d’investissements tracé par les collectivités locales. Le fonctionnement des administrations sera également affecté par ce report surtout pour la création de postes budgétaires nouveaux et le recrutement supplémentaire de personnels dont le besoin se fera vraisemblablement sentir. Une réponse favorable à une telle demande devrait être certifiée aussi par la LFC afin de garantir une meilleure couverture des dépenses additionnelles.
L’on évoque encore les commandes des wilayas auprès des petites entreprises du secteur du BTPH qui n’ont pas été insérées dans la LF 2013.
Ces dépenses seront, suivant la décision gouvernementale, prises en charge dans la LF 2014 qui ne sera votée que le mois de décembre prochain.
Et l’argent alloué aux divers secteurs et aux collectivités ne sera prêt qu’en mars ou avril 2014. Cette nouvelle donne ne sera pas sans conséquence sur ces PME. Celles-ci, disposent-elles d’un fonds de roulement suffisant pour poursuivre leurs activités et payer ainsi leurs effectifs ou attendront-elles jusqu’à la date à laquelle seront débloqués ces montants pour le faire ? En tout cas, de nombreuses entreprises se trouveront dans une impasse. Elles vont peut-être recourir au concours des banques pour contracter des crédits.
Le même constat est établi pour le budget d’équipement. “Il y aura un vrai problème pour les travaux additionnels non prévus par la loi de fiances 2013, où les montants ne pourront pas être débloqués avant les mois de mars ou avril 2014, à moins que des mesures exceptionnelles seront prises pour éviter des licenciements massifs et l’arrêt de certains chantiers”, affirme l’expert financier le Dr Abderrahmane Mebtoul.
Solution : utilisation des reliquats des budgets de wilayas et les crédits bancaires
L’autre répercussion de la mesure d’annulation a trait à la bonification des taux d’intérêt à 100% sur les crédits accordés aux projets Ansej et Cnac. La prise en charge de ces intérêts est assurée par un compte d’affectation spécial dénommé Fonds national de soutien à l’emploi de jeunes. “Pour exécuter les nouvelles bonifications, la structure des recettes du compte en question doit être révisée. Ce qui ne peut se faire sans une loi de finances, dans la mesure où celles-ci dépendent en partie des dotations sur le budget de l’État”, explique cet expert. Cela passe impérativement par la tenue d’un Conseil des ministres qui valide une LF. Devant pareille situation, l’utilisation des reliquats des budgets affectés aux wilayas, aux capacités d’absorption faibles et l’implication des banques en leur demandant d’accorder des prêts dont les intérêts seront à la charge de l’État constituent deux solutions possibles à même d’éliminer cet obstacle. La LFC 2013 devait, en outre, prévoir les nouvelles dépenses induites par l’organisation de la manifestation culturelle “Constantine capitale de la culture arabe” qui aura lieu en 2015. Résultat des courses : une accumulation négative de dépenses de deux exercices consécutifs dont les conséquences ne feront qu’envenimer la situation.
Pourtant, un communiqué de la Présidence avait, faut-il le rappeler, annoncé à l’issue de la visite qu’a rendue Abdelmalek Sellal au chef de l’État à Paris en compagnie du chef d’état-major, le général Ahmed Gaïd Salah, que Abdelaziz Bouteflika a instruit le Premier ministre de “finaliser le projet de loi de finances complémentaire 2013, ainsi que l’ensemble des autres projets de loi, examinés par le gouvernement afin qu’ils soient prêts pour leur adoption au prochain Conseil des ministres”.
Le Conseil des ministres n’a pas eu lieu et la LFC a été annulée. Et le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a clairement laissé entendre qu’il n’y aura pas dans un délai proche de Conseil des ministres. “La tenue d’une réunion du Conseil des ministres actuellement n’est pas nécessaire et les choses marchent comme il se doit”, a indiqué M. Sellal, ajoutant : “Un nombre important de projets de loi seront présentés en Conseil des ministres avant de les soumettre au Parlement”, sans préciser la date. Cet imbroglio traduit le manque de cohérence et de visibilité de la politique socioéconomique actuelle prônée par l’État.
D’autres avis accueillent, en revanche, la décision de l’Exécutif avec satisfaction même si elle provoque des inquiétudes légitimes au sujet du bon fonctionnement des institutions gouvernementales. Elle risque de s’avérer finalement une très bonne nouvelle pour la santé des finances publiques dont les dépenses ont atteint un seuil intolérable ces dernières années.
L’on peut citer l’exemple des dépenses de fonctionnement pour 2013, estimées à près de 60 milliards de dollars, soit environ 4 400 milliards de dinars, qui prennent en charge notamment la création de plus 52 000 nouveaux postes dans la Fonction publique.
De tels arguments mis en avant par des spécialistes et des observateurs constituent une réponse pour le Premier ministre et son ministre des Finances qui ont soutenu mordicus que l’annulation de la LFC 2013 n’aura aucune incidence ni sur la disponibilité des ressources ni sur le fonctionnement des institutions… Dont acte.
B K