Annaba, Le Bombay de l’est algérien

Annaba, Le Bombay de l’est algérien

La Coquette n’est plus ce qu’elle était Lieu de toutes les insuffisances socioéconomiques, Annaba, depuis quelques années, est le théâtre de perturbations provoquées par un développement anarchique.

Annaba, la quatrième wilaya de l’Algérie, est hors connexion en matière de développement. Renvoyée aux calendes grecques, la politique du développement durable et la bonne gouvernance, deux concepts où les nouveaux mécanismes portant la promotion des conditions sociales et économiques, semblent avoir fait faux bond en matière de logement, emploi et cadre de vie surtout. Pour Annaba, ces principaux volets sont à l’origine des perturbations caractérisant constamment la wilaya et provoquant du coup la tension sociale.

Bouna ou la difficile équation du logement

L’habitat est la plaie puante de cette wilaya où les autorités semblent avoir du mal à y trouver solution. Avec une dizaine de bidonvilles implantés à travers le territoire des principales daïras, El Bouni, Berrahal, Sidi Amar, El Hadjar et le chef-lieu de la wilaya entre autres, le nombre croissant de la population a fait en sorte que la demande sur le logement a triplé durant les deux dernières années. Une situation générée, non pas par l’explosion démographique mais plus tôt par un exode rural et interwilayal motivé par l’essor du commerce dans ce secteur. L’activité du commerce des logements dans la wilaya de Annaba n’est un secret pour personne.

Des milliers de logements, toutes formules confondues, ont été construits depuis les années 1990 à Annaba dans le seul but de résoudre ce problème dans cette wilaya qui compte plus de 760.000 habitants.

Une population qui était de l’ordre de 550.000 en 1980/1990. Une époque où la satisfaction de la demande était déjà difficile de par le nombre réduit des programmes de réalisation.

Une période où seuls 25% des demandes de logements sont satisfaits. Le premier Plan quinquennal, portant réalisation d’un million de logements, engagé par le président de la République, a permis à la wilaya de Annaba d’avoir la part du lion, avec plus de 36.000 unités devant satisfaire les 22.000 demandes réparties entre résorption d’habitations précaires et nouveaux postulants.

La formule sociale est devenue une opportunité aussi bien pour les chasseurs de béton venus des wilayas limitrophes que pour les gestionnaires de ce secteur qui en ont fait un champ d’affaires des plus lucratifs à l’échelle nationale.

Ce mal s’est ancré surtout avec le deuxième programme quinquennal qui vise l’éradication des habitations précaires. A Annaba, c’est tout l’exemple d’une ville, totalement précaire, aussi bien dans le fond que dans la forme.

Annaba clochardisée

Un passé oublié et un présent perdu, Annaba sans fond et loin de la forme a perdu de son aura de ville moderne, encore moins de ville touristique. Clochardisée par la volonté des ruraux et les gestionnaires du secteur de l’immobilier. Les uns venus à la conquête d’une habitation destinée à être vendue, les autres ignorant l’existence d’une architecture de ville moderne.

Dans la forme, Annaba, autrefois la Coquette, est devenue un «douar» par excellence, de par l’aspect hideux de son esthétique urbanistique ressemblant le moins que l’on puisse dire au genre «rural». La prolifération des constructions illicites, implantées çà et là dans toute la wilaya, le chef-lieu de la commune notamment.

Sidi Harb 1, 2,3, Sidi Salem, Sidi Amar, Oued Ennil, El Sarouel, pour ne citer que ces exemples, car la liste est longue, rend plus longue celle des demandeurs de logements sociaux, que les pouvoirs publics s’attellent à satisfaire par le lancement de dizaines de projets de réalisation de logis toutes formules confondues. En donnant élan à des constructions tous azimuts, les autorités en charge de ce secteur semblent avoir négligé l’aspect esthétique de ces immeubles qui ne sont en réalité que des baraquements érigés en hauteur. Sans égard aucun aux normes d’urbanistiques. Les malfaçons sont les principales caractéristiques des habitations dans la wilaya de Annaba.

On citera, à ce tire, l’exemple des immeubles fraîchement construits, présentant des imperfections, à l’image des immeubles de Sidi Salem dans la daïra d’El Bouni, ou encore ceux de la cité El Ryme et Bouguentas, à Annaba-ville. Ces malfaçons, visibles à l’oeil nu, présagent une catastrophe. Cette dernière sera aussi provoquée par le cadre de vie déplorable de toute la wilaya, qui croule sous les ordures de tous genres.

SOS environnement épidémiologique

De mémoire de Annabis, jamais la ville de saint Augustin n’a connu un cadre de vie aussi déplorable.

Renommée au plan industriel et touristique, Annaba n’est plus aujourd’hui qu’un ghetto où cohabitent la dégradation du cadre de vie, l’incivisme de la population et l’absence quasi totale des services en charge de l’environnement. Rues et ruelles regorgent de déchets, eaux usées enjambées par les piétons privés de trottoirs squattés par les commerçants informels, mendiants et malades mentaux. Cette situation dramatique est à l’origine de moult inconvénients, provoquant des désagréments aussi bien pour les usagers des espaces piétons que routiers. C’est dire que la wilaya de Annaba s’est transformée en «Bombay» de l’Algérie où l’anarchie règne en maîtresse des lieux et où la santé publique est quelque peu menacée. En effet, l’été 2011, fut celui de l’alerte maximale. Plusieurs cas de fièvre typhoïde ont été enregistrés dans plusieurs cités dont El Ryme, El Saf-Saf et autres localités comme Hadjer Eddis, occasionnant, outre la panique chez les habitants le décès de nombreuses personnes. C’est ainsi que Annaba est remontée dans le temps avec la réapparition de ces maladies des années trente. Au moment où les habitants de Bouna croulent sous le poids d’une mauvaise gestion des nouveaux mécanismes du développement durable et la bonne gouvernance, les gestionnaires de cette wilaya, n’ont même pas daigné montrer un semblant de volonté pour une vie meilleure. Pendant que l’environnement continuait sa descente aux enfers, les responsables, eux, stagnaient sur un discours plutôt politique que social. Ce qui n’a pas été du goût de la population, dont la grogne s’est accentuée au fil des jours. Cette tension est provoquée, rappelons-le, par la revendication du cadre de vie, la forte demande des logements et le travail.

L’emploi de toutes les discordes

Bien qu’une crise économique secoue le monde depuis plus de deux ans, il semblerait que l’Algérie n’est pas concernée, du moins à travers ce que les hautes sphères de l’Etat ont laissé entendre.

Une donnée qui ne reflète pas la réalité sociale de la Coquette puisque le chômage est un des facteurs d’instabilité sociale dans la wilaya de Annaba, dont la rétrospective de 2010 en témoigne. Bien qu’à vocation industrielle de par l’implantation de nombreuses entreprises publiques et privées, dont le complexe sidérurgique d’El Hadjar, sur son territoire, et l’existence de 4 zones industrielles, Annaba compte 65% de chômeurs. Un fait à l’origine de plusieurs mouvements de revendications, débouchant parfois sur des dérapages et affrontements entre les manifestants et les services sécuritaires.

Les différents mécanismes, engagés par l’Etat, en l’occurrence Cnac, Ansej, pour la résorption du chômage, devraient permettre aux jeunes porteurs de projets de monter leurs propres entreprises. Il n’en demeure pas moins que la crise de l’emploi perdure, et ce en dépit du nombre croissant des dossiers de projets déposés au niveau de la Cnac, qui est de l’ordre de près de150 dossiers/j. Quant à l’Ansej, le dispositif est moins convoité par les jeunes chômeurs au vu du facteur âge, imposé par cet organisme d’emploi.

Dans le même sillage, ces formes de résorption du chômage sont renforcées par les formules de l’insertion, par voie de contrats de différents types, le Daip entre autres.

Le hic dans tout cela est que le phénomène affiche sa flèche à la hausse, en raison non seulement du nombre des nouveaux débouchés de l’université, mais surtout à cause des tours de passe-passe et le favoritisme gangrenant le secteur de l’emploi et de l’habitat, ainsi que tous les secteurs sensibles au niveau de la wilaya de Annaba.

La dégradation des conditions socioéconomiques de la population annabie a provoqué une explosion sociale se traduisant par des scènes de revendications et de protestations devant les sièges des institutions de la wilaya, à l’image de ceux de la wilaya et de la daïra où des milliers de personnes jeunes et moins jeunes, y pointent pour demander un logement pour les uns et du travail pour les autres. Les premiers, sont des centaines de familles, vivant des années durant dans l’étroitesse et la précarité, notamment les familles nombreuses des quartiers populaires de la ville de Annaba, la cité Ausas et la colonne, entre autres. Pour les autres, des jeunes âgés entre 19 et 40 ans, rongés par le chômage et l’oisiveté, ils ont investi la rue dans l’espoir de décrocher un emploi, au sein des centaines d’entreprises publiques et privées que compte cette wilaya dont la première vocation est d’ordre industriel.

La situation dramatique qu’avait vécue la capitale de l’acier en 2010/2011 secouée quelque peu par les pouvoirs publics, conduisit le premier responsable de la wilaya, en l’occurrence Mohamed El Ghazi, à intervenir en tenant des séances de travail avec les industriels et les directions des deux principales entreprises implantées à Annaba, à savoir ArcelorMittal et Asmidal pour décrocher quelque 2700 contrats.

L’opération continue toujours, mais cela demeure encore en deçà des espoirs escomptés par les jeunes chômeurs dont le nombre est en constante augmentation.

C’est dire que Annaba, quatrième wilaya de l’Algérie, est non seulement hors connexion en matière de développement mais est devenue le fief de toutes les insuffisances socioéconomiques. Une wilaya où les concepts du développement durable et de la bonne gouvernance, portant promotion des conditions sociales et économiques de la région, ont été renvoyés aux calendes grecques.