Annaba : L’armateur du thonier algérien s’explique

Annaba : L’armateur du thonier algérien s’explique

C’est ce que nous a écrit Maâmar Sadoune, armateur à Tipaza, dont le bateau, un thonier, a été arraisonné par les gardes-côtes au large de Annaba le 13 juin dernier.

L’embarcation et son armement ont été saisis et son propriétaire inculpé par le juge d’instruction de Annaba.

Maâmar Sadoune maintient mordicus qu’il y avait à bord 210 tonnes de thon, comme il l’a déclaré aux gardes-côtes, aux douaniers et au juge d’instruction.

Le fait est qu’il n’y a pas de trace de ces 210 tonnes que les membres de la commission d’enquête n’ont pas retrouvé dans les cages flottantes turques.

« J’ai été autorisé par le secrétaire général du ministère à pêcher et transférer le thon sur n’importe quel bateau étranger. J’ai tous les documents qui le prouvent. Des autorisations dont les gardes-côtes de Annaba n’ont pas voulu tenir compte. On m’a fait embarquer un contrôleur du ministère et installer le VMS pour pouvoir suivre et contrôler à distance. Mais alors, où est l’infraction ou délit ? En fait, j’ai été arnaqué par les responsables du ministère. Ils m’ont autorisé puis l’un des deux m’a dénoncé aux gardes-côtes », affirme le patron de pêche, qui dit avoir 25 ans d’expérience dans la pêche au thon.

M. Sadoune nous apprend encore que les navires turcs n’ont pas été inquiétés par les gardes-côtes lorsqu’ils ont jeté l’ancre pendant trois semaines, en avril, dans la baie d’Alger, à 100 mètres de l’amirauté ni à Annaba du 7 au 9 juin dernier.

C’est, semble-t-il nous dire, seulement lorsque l’opération de transfert a démarré qu’ils ont fait mouvement, comme s’ils avaient reçu un ordre.

Pour lui, ce serait une affaire montée de toutes pièces. Nous savons pour notre part que les armateurs turcs ont tenté d’obtenir une autorisation qui leur a été refusée de la direction de la marine marchande du ministère des Transports, c’est ce qui explique leur venue à Alger.

Mais à ce moment-là, le mot d’ordre du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques était toujours « pas d’assistance étrangère pour le thon » et ce, jusqu’au 18 mai, jour où le secrétaire général du ministère, Boudamous Fateh, a reçu l’ambassadeur de Turquie à qui il fait une concession.

« Pourquoi moi ? », s’interroge encore l’armateur algérien. « Il y a d’autres bateaux dans le même cas que moi et qui n’ont pas été inquiétés ! » M. Sadoune ajoute : « C’est tout à fait vrai que les Algériens ne peuvent pas pêcher le thon, parce qu’ils n’en ont pas les moyens et que ce ne sont pas des pêcheurs… »

Une lettre du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques adressée à la rédaction, où après l’avoir nié plusieurs années de suite, on admet enfin que le trafic en mer existe bel et bien, fait effectivement référence à une action commandée du ministère pour « déjouer les tentatives de trafic impliquant les bateaux algériens et étrangers ».

Cette affaire du thon n’a pas livré tous ses secrets. Cependant, on commence à admettre ce qui a toujours été dénoncé dans nos colonnes : d’une part que l’Algérie ne disposait pas de thoniers pour pêcher le quota algérien alors que le ministère de la Pêche présentait chaque année à l’ICCAT une liste de bateaux pour bénéficier du quota national ; d’autre part qu’il y a bien des pratiques frauduleuses pour s’approprier ce quota.

Les questions essentielles qui restent à résoudre sont de savoir à combien de tonnes de thon rouge s’élèvent les quotas nationaux octroyés depuis 1996, date d’adhésion à l’ICCAT, et ce qu’elles sont devenues.

Le ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques n’a jamais voulu répondre à ces questions.

Motif invoqué : le ministère de la Pêche ne délivre aucun document statistique à cause précisément des complicités entre armateurs algériens et étrangers.

Nous demandons ces informations depuis trois ans, alors que le ministère de la Pêche ne reconnaît les trafics que depuis l’affaire de Annaba. Curieux…

Slim Sadki