L’Algérie a connu cette année une vague de froid inhabituelle entre pluies torrentielles et températures en perpétuelle chute. A partir de 18 h, les gens se précipitent chez eux et les rues sont quasi désertes.
Néanmoins, des centaines de personnes subsistent dehors, vivants dans des conditions atroces voire inhumaines. Ces sans abris, plus connus sous le nom de « SDF » (hommes, femmes et enfants) , errent tous les soirs, à la recherche d’un abribus, d’une cage d’escalier ou tout simplement d’un carton pour passer la nuit. Manger est devenu un luxe pour eux et leur sécurité n’est plus qu’un lointain souvenir. Agressions verbales et physiques et viols sont devenus leur quotidien …
Abattues, anéanties et désespérées, ces personnes tentent fréquemment de se suicider, voulant à tout prix quitter un monde où toute la société les rejette et les traite comme de vulgaires objets.
Mais que font les services sociaux ? Quel rôle joue l’état afin de subvenir aux besoins de ces malheureux ? Où sont les responsables des associations dites humanitaires que l’on ne voit que lors des événements purement médiatisés et pourquoi ont-ils réellement fondé ses organisations ?
Nous avons décidé de mener notre enquête à Annaba, une ville que les maliens et les syriens ont pris pour refuge en plus de ses sans abris locaux.
Une seule organisation s’est démarquée : « Annaba Khir B Ness El Khir » . Une organisation dite à but non lucratif constituée de jeunes bénévoles engagés envers la cause humanitaire.
Nous nous sommes rapprochés de l’un de leurs plus anciens membres, Anis MANSEUR , jeune diplômé en droit de l’entreprise qui a bien voulu répondre à nos questions.
Entretien réalisé par Yasmine BOURAS (Pour la Rédaction Numérique de « Liberté »
Pouvez-vous, en quelques mots, nous en dire plus à propos de « Annaba Khir B Ness El Khir » ? Qui sont ses fondateurs ? Et quelle est sa mission principale ?
« Annaba Khir B Ness El Khir » est un groupe ou plutôt une organisation de jeunes bénévoles bônois qui travaille sur deux axes : humanitaire et écologique.
La fondation « Ness El Khir » a été créée en 2010 par des internautes algérois qui ont débuté leur combat par la fameuse action humanitaire : Haja Rahma. Annaba était la 3ème wilaya à intégrer le concept, et ce en décembre 2010.
Nous avons tout d’abord commencé par nettoyer les plages, ainsi que l’organisation des journées symboliques de sensibilisation des citoyens à l’importance de l’environnement. Mais voyant que les gens mourraient de faim et de froid, nous nous sommes plus axés sur le volet humanitaire.
Où se situe exactement votre QG ? Et comment vous organisez vous afin de récolter les fonds pour financer vos activités ?
Vous allez probablement vous en étonner, mais par pur choix, nous avons décidé de ne pas acquérir de local. Nous comptons énormément sur la générosité de nos sympathisants.
Notre organisation est une plateforme d’échanges où toute suggestion ou critique est bonne à prendre. Notre leitmotiv étant d’œuvrer dans une transparence et une confiance totale, nous avons décidé de ne pas accepter de dons financiers mais uniquement des dons en nature selon nos besoins, entre autres : des denrées alimentaires, des vêtements, des matelas et des couvertures mais aussi des locaux pour stocker les dons et organiser nos différentes actions.
En parlant d’actions, quelles sont vos principales activités ?
Nous avons deux types d’actions, celles dites repères et qui se répètent chaque année. Je citerai en premier lieu, « Chahroukoum » et « Box El Khir » qui ont lieu chaque année au mois de Ramadhan. Les denrées sont récoltées et les bénévoles se réunissent afin de préparer différents mets aux SDF et aux familles démunies, ces plats sont ensuite distribués via plusieurs circuits afin de n’oublier personne après une journée entière de jeûne. Les Box sont quant à elles offertes aux niveaux des gares, aéroports, barrages et hôpitaux …
En second lieu, il y a « Couvrez Nous » : chaque vendredi, une équipe de bénévoles munie de vêtements, chaussures, matelas, couvertures et repas fait la tournée des rues d’Annaba à la recherche d’éventuels sans abris. Nous essayons également de faire attention à leur hygiène en leur nettoyant chaque semaine l’endroit où ils couchent ainsi que leurs habits. Cette année encore, un homme a été trouvé mort de froid dans les ruines romaines de Annaba, nous ne voulons en aucun cas que cela se reproduise … Nous en faisons une affaire personnelle.
D’autre part, nous avons également d’autres actions telles que l’assistance médicale aux handicapés, l’assistance scolaire aux enfants et les sorties en compagnie des personnes âgées hélas bien trop négligées … Certains restaurants collaborent également avec nous en offrant leurs locaux ainsi que des repas aux orphelins et aux jeunes trisomiques.
Pour finir je voudrai vous parler d’un projet qui me tient particulièrement à cœur et qui a pour nom « Fil Rouge ». En 2012, soit 2 ans après la création de Annaba Khir B Ness El Khir , nous ne voulions plus nous limiter à distribuer des repas chauds aux SDF et essayer de les parer au froid, nous voulions créer un pont entre eux et le reste du monde et espérions secrètement pouvoir les réintégrer au sein de la société qui les avait rejetés auparavant. Nous nous sommes mis ainsi à leur parler, essayer de comprendre leur situation, découvrir leur passé, comprendre leurs besoins et déceler leur éventuel potentiel. Nous avons pu ainsi réinsérer quatre familles en leur offrant du matériel pour démarrer un petit projet.
Comment arriver vous à gérer tous ces sans abris ?
Nous travaillons depuis peu sur la mise en place d’une base de donnée afin de recenser tous les sans-abris de Annaba , une cellule a été spécialement mise en place afin de recueillir toutes les informations pouvant nous être utiles ( nom et prénom du SDF, âge , taille de vêtements et chaussures , maladies , besoins réels … ) . Nous voulons de ce fait améliorer leur prise en charge.
Qu’est-ce qui vous pousse réellement à venir en aide aux SDF ?
Nous voulons éradiquer ce fléau qui touche de plus en plus de personnes, jour après jour.
Certains oublient que les sans-abris sont des êtres humains tout comme nous, qu’ils aiment discuter, oublier leur misère ne serait-ce que pour un laps de temps. Ils aspirent à une vie meilleure malgré ce qu’ils vivent au quotidien. Et c’est ce pourquoi nous faisons tout cela, leur apporter un peu de réconfort et pourquoi pas les aider à se construire une nouvelle vie.
Chaque jour est synonyme de nouveaux challenges, et la satisfaction d’aider son prochain n’a pas d’égal.
En conclusion, nous devons, tous, sacrifier ne serait-ce qu’un peu de notre temps et notre énergie pour la survie de ces sans abris. N’oublions pas que ce sont des personnes à part entière, qui ont le droit de vivre dignement et non pas affalés en pleine rue, au vu et au su de tous sans qu’aucun d’entre nous ne daigne lever le petit doigt. C’est notre responsabilité à tous !