Annaba: Intempéries, l’heure des bilans… et de la colère

Annaba: Intempéries, l’heure des bilans… et de la colère
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Des étendues d’eau à perte de vue dans la plaine bônoise. Oued Seybouse qui menace de sortir de son lit à son embouchure. Des quartiers d’Annaba inondés. Les pluies qui se sont abattues ces derniers jours ont fait de nombreux dégâts, dont certains mettront du temps à être réparés.

« Elle est par endroits impraticable ! », entend-on du côté de Berrahal. Il s’agit de la RN44, voie express reliant Annaba à Constantine. Les fortes pluies qui sont tombées la semaine écoulée ont mis au jour la vétusté de certaines infrastructures, dont la non moins stratégique RN44. Une bonne partie de cette dernière a été littéralement envahie par les eaux du côté des cités Kherraza et Chabbia, relevant de la daïra d’El Bouni. « Je me suis mis à appréhender le trajet, avoue un chauffeur de taxi assurant la liaison Berrahal-Annaba. J’ai à parcourir habituellement 30 kilomètres en une vingtaine de minutes à peine. Avec les inondations que l’on rencontre sur la route, il m’en faut pratiquement une heure pour me retrouver à Annaba-centre ! » Tout le long de la RN44, ce sont des étendues d’eau qui, en temps normal, n’existent pas. Situé entre El Bouni et Berrahal, oued Zied a vu son lit déborder, sans toutefois causer de dégâts aux habitations. Il faut dire qu’il a plu cinq jours sans discontinuer dans la wilaya d’Annaba. Et c’est la plaine bônoise qui en a le plus souffert, en particulier les localités de Cheurfa, Medjez Rassoul, toutes deux situées non loin d’Aïn Berda, et Hadjar Ediss, relevant de la commune de Sidi Amar. Nombreuses sont les routes secondaires (chemins communaux et de wilaya), dont l’état laissait jusqu’à présent à désirer, à être devenues par endroits des mares géantes.

AVALOIRS OBSOLÈTES

« Regardez la forêt d’eucalyptus à côté, fait remarquer un habitant de Medjez Rassoul. Elle fait penser à certaines forêts tropicales complètement entourées d’eau. Il est impossible d’y accéder à pied maintenant. » Un autre a certifié que dans cette forêt, le niveau des eaux a atteint jusqu’à 30 centimètres. « La wilaya d’Annaba doit être classée en état de catastrophe naturelle causée par la bêtise humaine », a-t-il ajouté. Le chef-lieu de wilaya non plus n’a pas échappé aux fortes pluies, qui, irrémédiablement, ont entraîné d’importantes inondations. « Cet hiver aura été riche en précipitations pour Annaba, mais en même temps, aura démontré la vétusté de certaines infrastructures dans ce qui est pourtant considéré comme la quatrième ville du pays, observe un habitant de la Plaine Ouest (cité appelée communément les Allemands). Les avaloirs sont obsolètes, ils ne servent à rien. Certaines zones de la cité sont complètement inondées jusqu’aux contreforts de l’Edough. Il va falloir revoir tout de fond en comble ! » Le constat est identique dans les cités Rym, Bougantas ou Boukhadra (ex-Bouhamra). Dans cette dernière, les eaux ont envahi jusqu’à la voie ferrée reliant Annaba à Sidi-Amar et le canal a littéralement débordé. Et ce sont tout de même 87 familles qui ont été évacuées par la Protection civile.

LG Algérie

MONT SAINT-MICHEL

Un retraité fin connaisseur de la France a constaté que les eaux avaient envahi le secteur de la Tabacoop (non loin de la gare routière de Sidi Brahim), ainsi que le musée d’Hippone. «Si d’autres pluies de ce genre s’abattent sur Annaba, Lalla Bouna (colline sur laquelle a été construite la basilique Saint-Augustin, ndlr) ressemblera au mont Saint-Michel (île située non loin des côtes normandes régulièrement cernée par les eaux, ndlr) », fait-il remarquer. La rue Emir-Abdelkader (ex-rue Gambetta) a eu, en une seule journée, l’équivalent d’un mois entier de pluie. A tel point que l’eau commençait à s’infiltrer jusque dans certaines boutiques. L’entrée sud de la ville longe le port et la voie ferrée jusqu’à la gare SNTF, et l’entrée du cours de la Révolution a été submergée par les eaux, en particulier sur les deux voies de droite (côté port) de la voie express, entraînant des embouteillages depuis le nouveau pont Y jusqu’à Annaba-Port et Annaba-Centre. « Chaque fois qu’il pleut, c’est toujours la même chose, s’énerve cette automobiliste habitant à El Bouni et se rendant chaque matin à Annaba-centre pour travailler. La route est inondée et nous sommes obligés de ralentir. Du coup, je patiente, au risque d’arriver en retard à mon travail. Mais, tôt ou tard, il va falloir penser à régler ce problème qui empoisonne la vie des citoyens à l’entrée d’Annaba. »

NIDS-DE-POULE

Retour sur la RN44, cette fois-ci, dans le sens Annaba-aéroport. Là aussi, les pluies ont causé d’importants dégâts, en particulier du côté de Gharbi-Aïssa et des Salines, sans toutefois que la circulation n’en soit perturbée, sauf pendant quelques heures, non loin de Sidi Salem, obligeant les usagers de la route à emprunter des voies secondaires, comme la route reliant Sidi Salem à Echatt, dans la wilaya d’El Tarf, pourtant dans un très mauvais état. « Emprunter cette route n’est pas un cadeau, explique un chauffeur de taxi assurant la liaison Annaba-El Kala. D’un côté une mer déchaînée, de l’autre des étendues d’eau débordant sur la route par endroits. Il faut dire que cette route est parsemée de nids-de-poule qui nous obligent à slalomer parfois à nos risques et périls, avec, en plus, l’insécurité qui caractérise cet axe routier secondaire. » Visiblement, la wilaya d’Annaba a particulièrement souffert des intempéries de ces derniers jours, ce qui aura suscité la colère d’une partie de la population. « Une fois de plus, nous sommes victimes de hogra, explique un jeune habitant la cité Kherraza. Ça ne peut plus continuer comme ça. A l’heure où on nous parle d’autoroutes, ici à Annaba, les routes nationales deviennent impraticables par temps de pluie. » D’ailleurs, la colère est montée d’un cran ces derniers jours avec la fermeture, par des jeunes en furie, de la RN44, en particulier au niveau de Chabbia et de Kherraza, causant d’importants désagréments aux usagers. Certains ont dû rebrousser chemin ou emprunter d’autres axes, en passant par Cheurfa ou Aïn Berda.

BARRAGES SAUVAGES

La colère était aussi exprimée au niveau de Hadjar Ediss, non loin de l’entrée du complexe sidérurgique d’El Hadjar. Il était même devenu dangereux pour certains automobilistes d’emprunter les axes concernés. « J’ai dû repartir à Sidi Amar, explique l’un d’eux. Les jeunes de Hadjar Ediss étaient en colère et certains n’hésitaient pas à molester des conducteurs, sous l’œil complice de leurs parents ! » Les forces de l’ordre ont dû intervenir pour faire cesser ces barrages routiers que beaucoup à Annaba ont qualifiés de « sauvages ». Mais la tension n’est pas retombée pour autant, malgré le retour du soleil. Le seul point positif de ces précipitations aura été la remontée du niveau du lac Fetzara, situé sur la plaine bônoise, le long de la RN44, un soulagement pour les espèces animales qui aiment s’y retrouver à cette période de l’année.