Aucun régime arabe n’est tombé. Mais ce sont des présidents qui ont été déchus sur ordre des USA.» C’est l’analyse d’Anis Nakache, invité hier du Forum d’El Moudjahid, sur les derniers bouleversements qui ont été à l’origine de la chute de trois chefs d’Etat. «D’ailleurs, dit-il, au Yemen et à Bahrein, des milliers de citoyens crient depuis des mois au départ de leur dirigeant, mais en vain. Pour la simple raison que pour le moment, il n’y a pas de décision externe pour précipiter le départ des deux dirigeants tant décriés par les manifestants.»
C’est dire, selon l’invité du forum, que ce n’est pas la volonté des peuples qui est derrière les changements, mais quelque chose qui s’inscrit dans une stratégie bien étudiée qui vise l’exploitation des richesses de ces pays pour faire face à la crise qui secoue l’Occident depuis 2008. Anis Nakache estime que les médias qui ont fait de la désinformation leur credo ont joué un grand rôle dans ces transformations politiques. D’ailleurs, dit-il, la désinformation qui ouvre les voies à l’intervention militaire étrangère est pire que les frappes de l’OTAN. Comme c’est le cas en Syrie, où l’on parle d’une révolution virtuelle. Et certains veulent une intervention étrangère qui risque d’être à l’origine de l’explosion de la région considérée comme une poudrière. Et personne ne parle de dissensions ou de désertion dans les rangs de l’armée syrienne. L’Armée syrienne, tient-il à souligner, est fondée sur le nationalisme panarabe et le baâthisme. C’est le ciment même de cette institution. Et jusqu’à aujourd’hui, elle reste solidaire du Président syrien. En Libye, l’histoire dira un jour que le leader libyen n’a jamais utilisé des avions pour bombarder son peuple. Et que la Libye a fait l’objet d’une campagne médiatique féroce.
Le célèbre militant de la cause palestinienne et président du réseau des études stratégiques AMMAN, sollicité par notre journal pour animer une conférence sur l’avenir du monde arabe à la lumière des transformations politiques refuse de qualifier ce qui se passe dans certains pays arabes de “révolutions” ou encore de “printemps arabe”.
Car, dit-il, la définition exacte d’une révolution est loin de refléter les événements enregistrés depuis le début de l’année dans une grande partie du monde arabe. Et encore moins printemps ; surtout que l’appellation vient de l’Occident qui veut faire le parallèle avec ce qui s’est passé en 1968 à Prague. S’il faut un qualificatif juste et justifié à ces événements, Anis Nakache préfère parler de mutations orchestrées, sans plus. Pour le conférencier, nous sommes en pleine quatrième guerre mondiale. Et comme au lendemain des précédentes, une nouvelle carte se dessine, et les contours en sont l’œuvre de « laboratoires qui sont derrière les mouvements de contestation qui demandent la chute des régimes ».
Ils détruisent puis reviennent pour la reconstruction
Selon M. Nakache, la nouvelle configuration laisse place à l’islam politique ou ce que certains préfèrent appeler islam modéré, pour mieux discréditer notre religion et aussi affaiblir les islamistes, car il est très difficile de gérer un pays après des bouleversements ; et aussitôt ils seront dénoncés par les citoyens qui leur ont fait confiance. En plus, dit-il, ils seront obligés, pour plaire à l’Occident, de travailler selon sa vision. Ce qui est contraire à l’esprit même de cette idéologie. Et puis, il s’est interrogé sur les déclarations, qui sont réellement à méditer, de ceux qui viennent au nom de la démocratie au secours de « ces peuples opprimés » après avoir détruit un pays, puis reviennent pour sa « reconstruction ». Alors que c’est ce pays détruit qui aura à payer les frais de la guerre et de la reconstruction en cédant des parts bon marché aux « auveurs ».
A la question de savoir si l’Algérie est à l’abri de ce vent qui a soufflé sur ses voisins avec toutes les conséquences et les risques qui pèsent sur la région, Anis Nakache estime que notre pays a les moyens d’y faire face et qu’il est appelé à se mobiliser pour réussir à unir les pays arabes. Mais cela doit se faire en dehors de la Ligue arabe qui, selon M. Nakache, a montré qu’elle porte plus préjudice à ses membres et « qu’elle affaiblit plus que qu’elle ne représente un pôle de force ».
L’Algérie, dit-il, peut être une locomotive pour les pays de la région et constituer un pôle fort, comme c’est le cas de la Chine qui est en phase de mener l’Asie.
La force de l’Algérie réside également dans sa communauté établie à l’étranger, et notamment en Europe. Aussi, elle est appelée à établir une stratégie pour contrer la menace occidentale, ou plus exactement les visées hégémonistes pour éviter l’enlisement qui ne peut profiter qu’à l’Occident.
Nora Chergui