Le premier responsable du centre de préparation de Clairefontaine André Mérelle a beaucoup d’amis algériens. Il fut très content après la qualification de l’Algérie et de la France en coupe du Monde. Et il souhaite voir un France-Algérie au prochain Mondial en demi-finale ou en finale. En sa qualité de directeur, André a vu grandir Meghni. Entretien.
M. Mérelle, dites-nous comment vous avez vécu la qualification de l’Algérie et de la France en coupe du Monde ?
Ce fut une double joie. Les Bleus ont souffert pour se qualifier devant une équipe coriace d’Irlande, et j’imagine qu’elle l’était plus pour vous devant les Egyptiens. Au final, on est s’est qualifiés, et tout le monde est content. On serait à moitié heureux si l’Algérie n’était pas qualifiée, même chose pour vous je pense.
Oui, bien sûr, surtout après le soutien de la presse française après l’incident du bus qui transportait nos joueurs au Caire…
Nos journalistes n’ont fait que leur travail qui se constituait à informer les gens. Pour ce qui est de l’incident, j’estime que l’Algérie s’est vengée sur le terrain de la plus belle manière.
Vous êtes le directeur de Clairefontaine depuis longtemps, donc vous connaissez Meghni et Yebda ?
Yebda je ne le connais pas bien, parce qu’il a été formé à l’AJ Auxerre, par contre, Mourad, je le connais très bien. Je l’ai vu grandir.
Qu’avez-vous à dire sur Meghni ?
C’est un grand joueur. Il est resté trois ans au centre de formation de Clairefontaine, entre 13 et 16 ans. Et je peux vous assurer qu’il s’est fait remarquer dès la première année. A 13 ans, il avait une technique d’un garçon de 18 ans. Sa maîtrise de balle fut exceptionnelle, il faisait des tours de passe-passe que seul lui avait le secret…
Pensez-vous qu’il a réussi sa carrière?
– Meghni est l’un des joueurs qui n’ont pas su gérer leur carrière. Vous savez comment on le surnommait ? «Petit Zizou», et croyez-moi, ce n’est pas pour rien qu’on l’appelait ainsi.
Pourquoi vous dites qu’il n’a pas su gérer sa carrière ?
– Je pense qu’il a quitté le centre beaucoup trop tôt. C’est mon avis, et c’est l’avis de tout le monde d’ailleurs. Les responsables du football français n’ont pas aimé ça et je les comprends.
La fédération française de football a payé ses études et sa formation, et le voir partir jouer dans un autre championnat que le nôtre les a un peu contrariés. Pour revenir à votre question, je dirai que Mourad avait encore des choses à apprendre au centre. Il fallait aussi qu’il joue au moins deux ou trois ans en France avant de partir en Italie.
Henry est passé par ce centre, il a joué à Monaco avant de partir à la Juve, puis Arsenal et maintenant à Barcelone. Meghni aurait dû suivre cet exemple au lieu d’aller en Italie à l’âge de 16 ans. Il a brûlé plusieurs étapes, et je lui en veux pour ça.
Donc, vous pensez que ce joueur pouvait faire mieux que ce qu’il fait maintenant ?
– Bien sûr ! Je vous dis qu’il était au-dessus de tout le monde techniquement, son erreur était de partir en Italie, alors que sa formation n’était pas encore finie. Je suis directeur de ce centre depuis longtemps, et je vois défiler des joueurs chaque année, et je peux vous dire que le talent de Mourad est une chose qu’on ne voit pas souvent.
Comment imagineriez-vous son avenir s’il avait décidé de rester au centre ?
– Ne me comprenez pas mal, car je n’ai pas dit que Meghni n’a pas réussi sa carrière, au contraire.
Il joue en série A, à la Lazio qui est un grand club, il est titulaire, il a gagné la coupe du Monde des U17 avec l’équipe de France, et maintenant il disputera une autre avec l’Algérie, son pays d’origine ; en résumé, il gagne bien sa vie, et sa vie footballistique est riche.
Mais ce que je veux dire, c’est que ce joueur aurait peut-être fait mieux s’il avait décidé de rester encore trois ans au centre, puis jouer en championnat de France avant de partir en Italie ou en Espagne. Les spécialistes lui prédisaient un avenir meilleur. Il pouvait succéder à Zizou par exemple.
Comment vous expliquez le choix de Yebda et Meghni de rejoindre l’Algérie ?
– Je n’ai aucune explication à vous donner malheureusement. Ils sont nés en France, ils ont été formés en France, mais ils sont d’origine algérienne, ils ont le choix de choisir la sélection qu’ils veulent, et ces deux joueurs l’ont fait, c’est tout. Ce qui les différencie des autres est peut-être le fait qu’ils ont gagné la coupe du Monde avec les U17 avec la France… C’est leur choix, et il faut le respecter.
Et si jamais l’Algérie croise la France au Mondial, comment vont réagir ces deux joueurs ?
Ils vont défendre les couleurs du maillot qu’ils portent, c’est sûr. Ce sont des professionnels, et des Algériens en plus, alors à mon avis, ils joueront le plus normalement du monde.
Et vous, comment vous voyez un Algérie-France en Afrique du Sud ?
– Je ne vous cache pas, je ne veux pas que la France et l’Algérie tombe dans le même groupe. On est tellement proches de vous, et vous de nous, qu’on ne pourrait pas supporter l’élimination de l’une des deux équipes. Mon souhait, c’est de les voir en demi-finale, ou pourquoi pas en finale. Ça serait explosif.
Quelles images gardez-vous de Mourad ?
C’est l’image d’un garçon gentil, éduqué. Il ne parlait pas beaucoup, mais il faisait parler de lui.
Son point fort ?
Le génie. Le talent pur. La maîtrise de balle et la technique.
Son point faible ?
Il est un peu lourd. Il manque d’explosivité, mais il comblait ça avec son talent.
Son caractère ?
Très réservé. Il préférait parler sur le terrain, et avec un ballon collé aux pieds.
Ce que vous lui souhaitez ?
J’espère qu’il ira loin avec l’Algérie en coupe d’Afrique des nations. Je lui souhaite aussi beaucoup de réussite avec son club la Lazio de Rome car il le mérite vraiment.
On vous remercie M. Mérelle, on vous laisse le soin de conclure…
Je dirai que la France est heureuse pour l’Algérie, et que le centre est fier de former des joueurs comme Meghni.
Je souhaite aux Algériens beaucoup d’autres succès
A. B.