Ancienne capitale du Yémen : Zabid, ne veut pas de guerre

Ancienne capitale du Yémen : Zabid, ne veut pas de guerre

Plus la guerre approche, plus Zabid, ancienne capitale du Yémen au passé glorieux, craint pour ses remparts, ses vieilles demeures et ses mosquées historiques.

La ville aux couleurs ocres surplombant la côte ouest a été inscrite en 1993 au patrimoine de l’Unesco puis, en 2000, au patrimoine mondial en péril en raison de la dégradation de son environnement économique et de l’absence de travaux de restauration. Aujourd’hui, les combats -qui ont tué près de 10.000 personnes et mis le Yémen au bord de la famine- s’approchent dangereusement de cette perle architecturale où se trouve la cinquième mosquée la plus ancienne du monde. Zabid a été épargnée jusqu’ici et les raids aériens ont touché d’autres régions. Mais les combats entre rebelles Houthis, soutenus par l’Iran, et forces gouvernementales, soutenues militairement par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, ont atteint ces dernières semaines les abords de la ville, comme en témoigne Ahmed Hussein Ahmed. «Nos maisons sont faites de boue» et certaines ont été endommagées, affirme à l’AFP M. Ahmed, assis près d’une vieille fenêtre sculptée dans sa demeure en brique à la périphérie de Zabid, tenue par les rebelles. M. Ahmed, comme beaucoup d’autres, a peur non seulement pour sa maison mais aussi pour Zabid, où les habitations construites en briques cuites donnent à la cité sa teinte sablonneuse qui contraste avec le bleu vif du ciel. «Une autre explosion et le toit s’effondrera sur nos têtes», craint-il. «Les combats dans la province de Hodeida ont atteint les portes de la ville historique de Zabid, suscitant des craintes pour son patrimoine culturel», a averti le 20 février Alexandre Faite, chef de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Yémen. Zabid surplombe un fleuve situé à 75 km au sud-est de la ville côtière de Hodeida, sur la mer Rouge, un port stratégique aux mains des rebelles et dont l’approche est sévèrement contrôlée par l’Arabie saoudite, qui dirige une coalition anti-Houthis. Hodeida est le principal point d’arrivée de l’aide humanitaire dans ce pays de 28 millions d’habitants, dont 70% sont mal nourris. Les forces gouvernementales cherchent désespérément à reprendre Hodeida et d’autres localités côtières avec l’aide de la coalition. En 2014, les Houthis se sont emparés du grand port après avoir conquis Sanaa, la capitale, et une bonne partie du nord du Yémen. Le conflit s’est aggravé l’année suivante avec l’intervention de la coalition formée par Ryad.

Zabid «appartient au monde»

Du XIIIe au XVe siècle, Zabid fut la capitale du Yémen et abrita l’une des premières universités islamiques. La ville, qui date d’avant l’avènement de l’islam, est une merveille architecturale, constituée d’un réseau de rues étroites reliant les zones résidentielles à une place du marché et abritant la plus haute concentration de mosquées au Yémen. Les remparts sont dotés de quatre portes d’entrée et d’autant de canaux pour l’approvisionnement en eau des résidents. Hussein Abdel Rahmane, spécialiste de la restauration, prévient que la ville constituée de «bâtiments centenaires» ne supporterait pas les effets d’un conflit armé. Ces bâtiments «ne résisteraient pas aux bombardements ni même aux vibrations de missiles», dit-il à l’AFP. «Le monde devrait se battre pour préserver ça».

Dans la ville, les commerces locaux sont encore ouverts et les rues animées. La bibliothèque publique est également ouverte, un petit bijou caché dans le sous-sol d’une vieille maison, avec dix fenêtres laissant entrer la lumière de l’hiver. Les habitants vivent dans la crainte constante de voir un avion de la coalition venir frapper leur ville. Cette crainte est partagée par le chef de l’Autorité générale de sauvegarde de Zabid, Moukhtar Abdel Samad.

«Nous lançons un appel aux organisations internationales et à l’Unesco pour qu’elles donnent la priorité à la protection de Zabid», lance Abdel Samad. «Cette ville appartient au monde et pas seulement au Yémen».