Anaya nqoul de Hayet Zerrouk : Une chanson coup-de-poing pour le 8 Mars

Anaya nqoul de Hayet Zerrouk : Une chanson coup-de-poing pour le 8 Mars

Au milieu du vacarme folklorisant et réducteur qui a dominé la Journée internationale des droits des femmes en Algérie, la chanteuse Hayet Zerrouk choisit de jeter un pavé dans la mare en diffusant son nouveau clip Anaya nqoul.

Le 8 Mars, une occasion pour dénoncer inlassablement les violences physiques, morales et sociales faites aux femmes ? Rien de plus naturel. Sauf qu’en Algérie, la journée internationale des droits des femmes est devenue «la fête de la femme» célébrée selon un rituel bien rodé depuis des années qui consiste à éluder, voire effacer, le caractère strictement militant de cette date à travers une folklorisation assidue et devenue indissociable du 8 mars.

Hayet Zerrouk choisit d’aller à contre-courant de la béatitude ambiante et de réaliser un clip intitulé Anaya nqoul (Moi je dirai). La chanson s’inscrit dans le registre folk cher à l’artiste, avec un tempo paradoxalement joyeux et printanier comparé à la gravité des images et du texte.

En effet, la chanteuse y interprète un poème aussi virulent que tragique où elle campe un personnage féminin algérien qui a subi depuis son enfance violence et pressions familiales et sociales. Le nez en sang et la bouche cousue par une croix dessinée au crayon, l’artiste ne forcera, néanmoins, jamais les traits et évitera habilement de tomber dans la victimisation ou le misérabilisme. Tout en incarnant cette femme bafouée dans ses droits et sa dignité, Hayet Zerrouk fait défiler une galerie de personnages dont certains brandissent des pancartes en faveur de l’égalité et de la fin de l’omerta.

L’invitation à dire et à sortir de l’ombre patriarcale et misogyne fait de ce dernier single de la chanteuse engagée une véritable bouffée d’oxygène pour un 8 mars passé, comme tant d’autres avant lui, dans l’occultation systématique de son sens originel et de sa portée politique et sociale.

Hayet Zerrouk fait partie de ces jeunes artistes qui ne courent pas les plateaux de télévision ni les salles étatiques, plus enclins à faire la promotion de la chanson commerciale et inoffensive. Son principal contact avec le public est sa chaîne YouTube. Guitare en bandoulière et cheveux aux vents, elle séduit de plus en plus de mélomanes depuis 2008, avec un style à la croisée des répertoires où la folk-music vient rencontrer les sonorités algériennes.

En juin 2017, elle annonce sur sa page Facebook qu’elle arrêtait définitivement la chanson. Dans une interview accordée quelques jours plus tard, elle explique cette décision par «un cumul de déceptions» et un manque flagrant d’infrastructures qui permettraient aux artistes de rencontrer leur public. Elle pointait également le favoritisme et le copinage qui caractérisent le système de programmation dans les salles algériennes ainsi que le statut de femme-artiste et donc doublement lésée. Hayet Zerrouk reviendra, néanmoins, suite au soutien et aux sollicitations de ses nombreux fans. En janvier dernier, elle sort ainsi son premier album Lehna (Le bonheur) où figure le titre Anaya nqoul.

Sarah H.