Amnistie, émirs businessmen, GLD abandonnés : Un général fait l’inventaire de Bouteflika

Amnistie, émirs businessmen, GLD abandonnés : Un général fait l’inventaire de Bouteflika

Dans un récent papier intitulé « Al Qaïda au Mgahreb, combien de divisions ? », nous nous interrogions sur le nombre de terroristes dont disposerait encore cette organisation qui active en Algérie. Depuis une dizaine d’années, les officiels algériens, considérant le terrorisme à l’état résiduel, répètent à l’envi qu’Al Qaïda dispose entre 300 et 800, voire 1000, combattants. Malgré les éliminations, les redditions, les arrestations, les grâces et les amnisties accordées dans le cadre de la politique de réconciliation nationale ce chiffre n’a pas varié depuis 10 ans.

Mercredi 24 août 2011, nous écrivions donc : « En une décennie de lutte anti-terroriste, de politique de réconciliation nationale, de redditions et de désertions, ce chiffre n’a pas connu de substantiels changements. En octobre 2002, un général algérien (voir ci-dessous) situait à 600 le nombre de terroristes dans le maquis. En juillet 2011 des sources officielles indiquent qu’ils sont entre 1000 et 1500, 20 à 30 % au nord et le reste dans le sud d’Algérie. »

Des vagues

Cet article a visiblement provoqué des vagues chez les officiels et au sein de l’institution militaire. A preuve, sans se référer directement à l’article de DNA, deux militaires de haut rang (le premier sous couvert de l’anonymat et l’autre à visage découvert) se sont exprimés sur le sujet dans les colonnes de notre confrère El Watan.

Et il faut dire que leurs propos relèvent d’une charge violente à l’égard des civils et des politiques, coupables de mentir sur les chiffres et responsables de la dégradation de la situation sécuritaire dans le pays.

La faute aux civils

Le premier, un haut responsable militaire engagé dans la lutte antiterroriste dont l’identité n’a pas été révélée, affirme dans El Watan week-end que la faute incombe d’abord aux civils dans un article intitulé Situation sécurité : les explications d’un haut responsable militaire.

« Pour des raisons qui les regardent, dit-il, ils établissent des diagnostics à leur guise en occultant les rapports que nous transmettons quotidiennement, dont il est signifié clairement que la situation est fragile et compliquée et mérite une meilleure concertation et des efforts de coordination supplémentaires. Nos partenaires étrangers connaissent parfaitement la situation sécuritaire ainsi que les enjeux et n’accordent pas d’importance aux déclarations des autorités civiles ».

Ensuite, il s’explique sur les effectifs d’Al Qaïda et la difficulté d’établir le nombre exact de terroristes encore en activité.

« Le terrorisme est toujours actif, assure-t-il, il est difficile d’établir un décompte exact ni le nombre de terroristes en activité ou ceux nouvellement recrutés. Les cellules dormantes ainsi que les seriate (groupes de soutien), comme expliqué avant, demeurent notre priorité car, grâce à ces réseaux, les armes et les denrées alimentaires sont acheminées en plus du travail de renseignement qu’ils fournissent aux terroristes opérationnels ».

Le général Maiza sort de son silence

Le deuxième haut responsable à s’exprimer dans les colonnes d’El Watan est le général à la retraite d’Abdelkader Maiza, celui que DNA a justement cité dans son article.

Ancien chef d’état-major de la 1re Région militaire, ex-commandant du secteur militaire d’Alger, Maiza remet ainsi en cause profondément la politique de réconciliation nationale mise en place par le président Bouteflika depuis 1999.

Rarement un général, engagé dans la lutte anti-terroriste, n’a eu de mots aussi durs pour fustiger la doctrine sécuritaire du président sans pour autant le nommer.

Pour le général Maiza, la recrudescence des attentats terroristes s’explique par une série de décisions politiques engagées depuis 2006.

Lesquelles ? « L’amnistie au profit des terroristes, le sort réservé aux patriotes et GLD après leur désarmement et, enfin, la mise à l’écart de nombreux acteurs de la lutte antiterroriste qui cumulent une assez longue expérience en la matière et maîtrisent parfaitement le terrain », avance-t-il.

Des émirs devenus riches

En clair, les autorités ont démantelé tous les ressorts et les mécanismes mis en place depuis le début des années 1990 dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Résultat : les Algériens sont démoralisés, démobilisés et rechignent à aider l’Etat pour combattre les groupes armés.

« (…) En parallèle, se désole ce général à la retraite, les terroristes graciés vivent dans une opulence révoltante. Abdelhak Layada, ex-émir du GIA, groupe dont il était membre fondateur, est devenu un intouchable à Baraki, Benaïcha, l’ex-chef terroriste, s’enrichit de plus en plus à Chlef, Madani Mezrag fait de même à Jijel, et Kartali, celui qui a assassiné une petite écolière à Larbaâ, bénéficie de tous les privilèges des autorités. Je ne cite que ceux-là, parce que la liste est trop longue. Comment voulez-vous que les gens ne se posent pas de questions ? Comment voulez-vous qu’aujourd’hui, les gens aident l’Etat à lutter contre le terrorisme ? Il y a comme une remise en cause de l’engagement de tout un pan de la société contre le terrorisme. Ceux qui faisaient de l’Algérie une terre à brûler sont mieux considérés que ceux qui se sont sacrifiés pour leur faire barrage…»

Si ces deux interventions médiatiques ne reflètent pas le point de vue officiel de l’institution militaire sur la lutte anti-terroriste et sur les retombées de la politique de la main tendue aux islamistes, elles n’apportent pas moins des indications claires et précises sur l’état d’esprit des responsables de la Grande muette, ceux encore en activité ou ceux qui ont pris officiellement leur retraite.

Si les propos du premier haut responsable sonnent comme une mise au point aux autorités civiles, les déclarations du général Maiza s’apparentent plutôt à un droit d’inventaire.