Le rapport 2012 de l’ONG Amnesty International est accablant. Il rappelle toutes les privations de liberté de rassemblement et d’e
L’interdiction et la répression policière de tout rassemblement en Algérie ont été soulevés par l’ONG.
L’organisation Amnesty international a rendu public aujourd’hui son rapport 2012 sur la situation des droits de l’homme et des libertés dans le monde. Nous vous proposons à la lecture la séquence concernant l’Algérie.
Rapport 2012 d’Amnesty international sur l’Algérie
Le gouvernement a levé l’état d’urgence en vigueur depuis 1992 mais il a maintenu des restrictions sévères sur la liberté d’expression, d’association et de réunion ainsi que sur les pratiques religieuses. Les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive pour disperser certaines manifestations et réprimer des émeutes ; plusieurs personnes ont été tuées. Cette année encore, les détenus risquaient d’être torturés ou autrement maltraités. Les femmes continuaient d’être victimes de discrimination en droit et en pratique et elles n’étaient pas suffisamment protégées contre les violences liées au genre, y compris au sein de la famille. Aucune mesure n’a été prise pour lutter contre l’impunité dont bénéficiaient les responsables d’atteintes graves aux droits humains commises par le passé. Des condamnations à mort ont été prononcées, mais aucune exécution n’a eu lieu. Des groupes armés ont mené des attaques qui ont coûté la vie à des civils.
Contexte
À la suite de protestations de masse en janvier, parfois accompagnées d’émeutes, des manifestations ont eu lieu tout au long de l’année pour dénoncer la hausse du coût de la vie, et notamment du prix des denrées alimentaires, ainsi que le chômage, les mauvaises conditions de logement, la corruption des autorités et la violence des forces de sécurité. Bon nombre de ces manifestations étaient organisées par la Coordination nationale pour le changement et la démocratie, organisation regroupant des partis d’opposition, des syndicats et des organisations de défense des droits humains. Ce rassemblement a été formé en janvier après que des manifestations et des émeutes eurent été violemment réprimées par les forces de sécurité ; plusieurs personnes ont été tuées. Des centaines ont été blessées et des centaines d’autres ont été arrêtées.
Les autorités ont pris des initiatives pour répondre à certaines revendications des manifestants, en supprimant temporairement les taxes sur certains produits alimentaires de base et en levant, en février, l’état d’urgence en vigueur depuis 1992. En avril, le président Abdelaziz Bouteflika a annoncé un programme de réformes, dont l’adoption de nouvelles lois libéralisant les élections et les médias et la désignation d’une commission chargée de réformer la Constitution. Ces réformes n’avaient toutefois pas été pleinement mises en œuvre à la fin de l’année, et plusieurs lois parmi celles adoptées par la suite ont été critiquées pour leur timidité.
Le gouvernement a autorisé les rapporteurs spéciaux des Nations unies sur la liberté d’expression et le logement à se rendre en Algérie mais, comme les années précédentes, il n’a adressé aucune invitation au rapporteur spécial sur la torture ni au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, qui sollicitaient pourtant de longue date l’autorisation de se rendre dans le pays.
Liberté d’expression, d’association et de réunion
Les autorités continuaient de restreindre la liberté d’expression et de prohiber les rassemblements publics non autorisés. En janvier, des manifestations de masse à Alger, à Oran et dans d’autres villes ont été dispersées violemment par des milliers d’agents de la police antiémeutes et autres forces de sécurité ; plusieurs personnes ont été blessées ou tuées. Dans les semaines qui ont suivi, des milliers de membres des forces de sécurité ont été déployés alors qu’étaient lancés des appels à manifester le 12 février à Alger et dans d’autres villes. Dans certaines régions, les autorités auraient également bloqué l’accès aux réseaux sociaux Facebook et Twitter afin d’entraver l’organisation et la coordination des manifestations.
Après la levée de l’état d’urgence le 24 février, les manifestations sont devenues légales dans tout le pays, hormis dans la capitale, sous réserve de l’obtention préalable d’une autorisation. Cette autorisation était toutefois souvent refusée. De nombreuses manifestations non autorisées ont néanmoins eu lieu à Alger et ailleurs. Les forces de sécurité les ont généralement dispersées à l’aide de gaz lacrymogène et de canons à eau ; des manifestants ont été arrêtés. Certains d’entre eux ont été inculpés et renvoyés devant des juridictions pénales pour « attroupement illégal non armé » et voies de fait contre les forces de sécurité. La plupart ont été relaxés par la suite. En décembre, le Parlement a adopté une nouvelle loi sur les médias qui restreignait les activités des journalistes dans les domaines tels que la sûreté de l’État, la souveraineté nationale et les intérêts économiques, punissant de lourdes peines d’amende quiconque les enfreindrait.
Des organisations de défense des droits humains ont affirmé que les autorités leur refusaient parfois l’autorisation de tenir des réunions. Des syndicalistes se sont plaints d’être harcelés par les forces de sécurité. Le gouvernement aurait refusé d’autoriser la création d’associations ou de partis politiques nouveaux, indiquant aux demandeurs qu’ils devaient attendre l’adoption de nouvelles lois. En décembre, le Parlement a adopté une loi sur les associations qui conférait aux autorités des pouvoirs étendus de suspension ou de dissolution des ONG et renforçait encore les restrictions pesant sur l’enregistrement et le financement de celles-ci.
Lutte contre le terrorisme et sécurité
Des attaques ont été menées par des groupes armés dont, en particulier, Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Visant dans la plupart des cas des installations militaires, elles ont aussi coûté la vie à des civils. Plus de 100 membres présumés d’AQMI et d’autres groupes armés islamistes auraient été tués par les forces de sécurité, souvent dans des circonstances peu claires faisant craindre que certains de ces homicides n’aient été des exécutions extrajudiciaires.
Une attaque d’AQMI contre une caserne à Cherchell le 26 août aurait entraîné la mort de deux civils et de 16 soldats.
En février, un décret présidentiel a conféré à l’armée le pouvoir de lutter contre le terrorisme, dans le même temps qu’il levait l’état d’urgence. Également en février, un décret présidentiel modifiant le Code de procédure pénale a conféré aux juges le pouvoir d’astreindre pour plusieurs mois consécutifs les personnes soupçonnées d’actes de terrorisme à demeurer dans des « résidences protégées », dont l’emplacement était tenu secret ; ceci permettait en fait le maintien en détention secrète pendant de longues périodes.
Les personnes soupçonnées d’actes de terrorisme et placées en garde à vue par des agents du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), le service de renseignement militaire, étaient semble-t-il torturées et maltraitées. Dans certains cas elles étaient maintenues au secret dans des conditions pouvant constituer une disparition forcée.
Abdelhakim Chenoui et Malik Medjnoun (*) ont été condamnés le 18 juillet à 12 ans d’emprisonnement, à l’issue d’un procès manifestement inique. Ils ont été déclarés coupables du meurtre du chanteur kabyle Lounès Matoub, perpétré plusieurs années auparavant. Les deux hommes étaient incarcérés sans jugement depuis 1999. La décision du tribunal se fondait sur des « aveux » qui auraient été extorqués à Abdelhakim Chenoui sous la contrainte et sur lesquels il était ensuite revenu.
Droits des femmes
Les femmes continuaient de subir des discriminations dans la législation et dans la pratique. En particulier, aux termes du Code de la famille de 2005, les droits des femmes étaient subordonnés à ceux des hommes en matière de mariage, de divorce, de garde d’enfants et d’héritage.
En mai, à la suite de sa visite en Algérie le mois précédent, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences a déclaré que le gouvernement avait pris des mesures positives dans le domaine des droits des femmes. Elle a toutefois exhorté les autorités à agir pour combattre la violence persistante contre les femmes dans la famille, le harcèlement sexuel et la stigmatisation des mères célibataires et des femmes vivant seules.
En novembre, l’Assemblée populaire nationale a adopté une loi visant à améliorer la représentation des femmes au Parlement. En revanche, elle n’a pas adopté les projets qui prévoyaient un quota de 30 % de femmes dans toutes les circonscriptions et la désignation de femmes en tête de liste lors des élections.
En juin et en juillet, dans la ville septentrionale de M’sila, des groupes de jeunes hommes auraient attaqué des femmes qu’ils accusaient de prostitution.
Impunité – disparitions forcées
Cette année encore, les autorités n’ont pris aucune mesure pour enquêter sur les milliers de disparitions forcées et autres violations graves des droits humains qui ont eu lieu au cours du conflit interne des années 1990 ni pour faire en sorte que les responsables de ces agissements aient à rendre compte de leurs actes. Elles ont continué de mettre en application la Charte pour la paix et la réconciliation nationale (Ordonnance n° 06-01), qui accorde l’impunité aux forces de sécurité, rend passibles de poursuites les personnes qui critiquent le comportement de ces forces et octroie l’amnistie aux membres de groupes armés responsables d’atteintes flagrantes aux droits humains. Les familles de disparus faisaient l’objet de pressions afin qu’elles acceptent, comme condition pour pouvoir prétendre à une indemnisation, des certificats-type indiquant que leur proche était décédé mais ne précisant ni la date ni la cause du décès. Les forces de sécurité ont dispersé des manifestations organisées par des familles de disparus.
Liberté de religion et de conviction
Cette année encore, des chrétiens, parmi lesquels des convertis, ont été persécutés pour exercice de cultes sans autorisation, aux termes de l’Ordonnance n° 06-03 qui réglemente les croyances autres que la religion d’État, l’islam. En vertu de ce texte législatif, les chrétiens demeuraient confrontés à des obstacles pour construire ou entretenir des églises. En mai, le préfet de la wilaya (division administrative) de Béjaïa, dans le nord-est du pays, a ordonné la fermeture de toutes les églises en s’appuyant sur cette ordonnance. Cette décision a été annulée par le ministre de l’Intérieur.
Le 25 mai, un tribunal de la cité Djamel, à Oran, a condamné Abdelkarim Siaghi à cinq ans d’emprisonnement assortis d’une lourde amende. Ce musulman converti au christianisme a été déclaré coupable d’ »offense au prophète Mahomet » à l’issue d’un procès inique, sans que la défense ait pu procéder à un contre-interrogatoire des témoins. Abdelkarim Siaghi était en liberté à la fin de l’année, et attendait qu’il soit statué sur son appel.
Peine de mort
Les tribunaux ont continué à prononcer des condamnations à mort, dans la plupart des cas à l’encontre de personnes jugées par contumace pour des infractions liées au terrorisme. La dernière exécution a eu lieu en 1993.