Le cas d’Aminatou Haidar, la « Gandhi sahraoui » pour ses proches, a la particularité d’avoir « clarifié » le lien direct entre répression des droits humains et fait colonial au Sahara occidental, selon les analystes qui ont esquissé un portrait de cette militante par quatre fois primée pour son courage.
Sa récente grève de la faim, assumée pendant près d’un mois à Lanzarote, dans les îles Canaries, pour dénoncer les autorités marocaines qui avaient refusé de la laisser entrer à El Ayoun occupée, a déclenché un mouvement de solidarité internationale, plaçant Rabat sur le front d’un avatar diplomatique avec notamment les Etats-Unis, où la militante venait de recevoir le Civil Courage award.
Madrid s’est dit « en difficulté » avec le Maroc sur cette question, l’Union Européenne a planché sur les « obligations internationales (du Maroc) en matière de droits de l’homme », et Paris a invoqué des raisons « humanitaires » pour boucler ce dossier par lequel, selon des commentaires de presse, Rabat a failli faire d’Aminatou Haidar une « martyre ».
« Je rentrerai chez moi vivante ou morte », avait prévenu à Lanzarote la militante, 42 ans, mère de deux enfants, ancienne étudiante en littérature moderne, altière de nature, affichant une « conviction non négociable » de « pasionaria » selon ses admirateurs, depuis particulièrement 1987, lorsque, alors âgée de 21 ans, elle avait participé à une manifestation en faveur du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.
Alors incarcérée jusqu’en 1991, cette « prisonnière d’opinion », selon un rapport de l’ONG humanitaire Amnesty International, n’a eu de cesse de dénoncer « le lot de souffrances, de répression, de brimades que subit quotidiennement le peuple sahraoui », tant au Maroc qu’au Sahara occidental occupé, et a appelé la communauté internationale à la création d’un « mécanisme » pour la protection de cette population « privée de son droit légitime à décider de son propre destin ».
« Malgré tout cela, le peuple sahraoui reste toujours attaché à son droit à l’autodétermination » qui, pour Aminatou Haidar, « est la seule condition pour que tout cela cesse définitivement ».
Cette problématique de fond va baliser son long parcours de militante, aux Etats-Unis, en Suisse, en Italie, en Espagne, en Suède, en Belgique, en France, en Afrique du Sud, entre maintes autres régions du monde où elle a décrit le « vent de révolte », comme lorsque le 21 mai 2005 à El-Ayoun l’intifadha s’était déclenchée suite au transfert d’un prisonnier sahraoui à Agadir.
« Il a rejeté la nationalité marocaine », avait expliqué Aminatou Haidar lors d’une tournée entamée en France pour contribuer à « briser le mur du silence » autour de la violation des droits humains au Sahara occidental.
Alors que le peuple sahraoui avait opté pour la lutte pacifique, « la réponse policière marocaine fut encore plus violente » mais le soulèvement pacifique s’est répandu rapidement dans différentes villes marocaines.
Un combat permanent contre l’arbitraire . Pour Aminatou, qui a finalement « gagné la bataille de Lanzarote » et est retournée à El Ayoun, « la parole confisquée (depuis 1975), « s’est libérée mais « la situation est vraiment préoccupante au Sahara occidental ».
Au cours de ses multiples tournées, la défenseure des droits de l’Homme a aussi évoqué le « mur de la honte » de 2.700 kilomètres qui, parsemé de 3 millions de mines antipersonnel, sépare les familles sahraouies alors que leur pays subit, selon une organisation internationale de juristes, une « accélération de la colonisation de peuplement » et un « pillage » de ses richesses minières et halieutiques.
La militante sahraouie, qui a également reçu le prix espagnol Juan Maria Bandres (2006) pour la défense du droit d’asile, le Solidar Silver Rose Award (Bruxelles, 2007), et le RFK Human Rights Award, a passé sa vie à combattre « l’arbitraire », témoignent ses proches et ses sympathisants dont le député français Jean-Paul Lecoq pour qui « la question sahraouie est d’abord une question de décolonisation ».
A l’assemblée nationale française, au moment où Aminatou Haidar entamait à Lanzarote sa grève de la faim, il a salué « le courage d’une grande dame, aujourd’hui déportée, dont le seul crime est d’avoir respecté les résolutions des Nations unies en indiquant le nom de son pays sur sa carte de débarquement (à El Ayoun) alors qu’elle rentrait des Etats-Unis où elle a reçu un prix récompensant son combat pacifique pour le respect du droit international ».
Après quatre rounds aux Etats-Unis (Manhasset) et un round informel à Vienne, les négociations entre les deux parties en conflit, le Front Polisario et le Maroc, sont dans l’impasse du fait, selon les observateurs, des « revirements marocains en quête récurrente d’alibis pour éviter l’organisation d’un référendum d’autodétermination ».
Mais pour Aminatou Haider, le combat pacifique continue.
Le fait aujourd’hui est que, face à « l’intransigeance marocaine », d’autres voix sahraouies ont évoqué l’alternative de la lutte armée.