L’Ambassadeur du Japon à Alger, Massaya Fujiwara a affirmé le grand intérêt des constructeurs automobiles nippons pour le marché algérien, tout comme le secteur de l’électroménager. Le diplomate japonais a souligné, lors de cet entretien accordé à Echorouk, que les produits de son pays commercialisés en Algérie sont d’un même niveau de qualité que ceux commercialisés en Europe et en Amérique.
Pour ce qui est des perspectives de coopération, surtout au volet économique, Massaya Fujiwara s’est montré très optimiste en annonçant un partenariat en matière de la production de l’électricité à énergie solaire.
Toutefois, il met des réserves sur la règle 51-49%, tout en souhaitant à ce que le différend opposant l’entreprise nipponne « Cojaal » au gouvernement algérien soit réglé.
Au plan sécuritaire, dont nombre de ressortissants japon ais ont péri lors de l’attentat terroriste contre le site gazier de Tiguentourine, janvier 2013, l’ambassadeur du Japon a mis l’accent sur la nécessité d’assurer la sécurité de tous les ressortissants japonais. Chose que font les autorités algériennes, poursuit-il.
Au-delà de la coopération entre Alger et Tokyo, Massaya Fujiwara est revenu sur la philosophie qui a fait de son pays, qui manque de ressources naturelles, une grande puissance économique dans le monde.
Comment évaluez-vous les relations entre les deux pays aux plans politique et économique précisément?
Les relations entre l’Algérie et le Japon sont excellentes. Elles datent d’avant l’indépendance de votre pays. Ce qu’ignorent beaucoup d’Algériens et Japonais, c’est qu’un bureau de la représentation du FLN a été ouvert à Tokyo en 1958, ce qui illustre la solidité de ces relations.
Elles s’étaient renforcées davantage dans les années 1970, sachant que les Japonais ont contribué au développement de l’économie algérienne, notamment à travers la création du complexe d’Arzew, un des importants supports à l’économie algérienne.
Par la suite, le nombre de Japonais s’est réduit. En tant qu’ambassadeur du Japon en Algérie, j’œuvre à ce que les sociétés et les hommes d’affaires japonais reviennent en Algérie. Les choses vont bon train.
Quels sont les domaines que vous jugez prioritaires et sur lesquels vous allez travailler?
Le volet économique est l’un des plus importants aspects des relations entre Tokyo et Alger. De ce fait, la priorité est de resserrer et consolider les relations bilatérales, nous sommes présents sur le terrain, mais pas comme les années 1970 et 1980. Nous œuvrons actuellement à remettre le train sur les rails.
En effet, les conditions sont favorables d’autant plus que l’Algérie cherche à diversifier ses ressources économiques. Il y a pas mal de secteurs dans lesquels les sociétés nipponnes pourraient investir.
Comment trouvez-vous les opportunités de coopération entre les deux pays, en l’occurrence sur le plan économique?
Les gouvernements japonais et algériens s’efforcent de consolider la coopération dans le domaine des énergies renouvelables à travers un projet d’avenir, à travers la production de l’électricité à l’énergie solaire.
Le projet s’étend sur cinq (5) ans. L’université d’Oran (USTO) y contribuera, dont le staff qui dirigera le projet est bel et bien formé. Les choses vont dans le bon sens. Nous, nous considérons le développement des énergies renouvelables une question vitale pour nos deux pays.
Il y a aussi le secteur de la pêche que nous considérons comme secteur stratégie, dont l’expérience japonais pourrait contribuer considérablement à son développement.
L’Algérie a annoncé une nouvelle stratégie visant à réduire sa dépendance en hydrocarbures. Etes-vous prêts à adhérer à ce processus en transférant le savoir-faire et la technicité japonais?
Nous sommes pleinement disponibles pour permettre à l’Algérie de diversifier son économie et se libérer de la dépendance en hydrocarbures. A ce titre, je tiens à vous faire savoir que le sommet Japon-Afrique se tiendra fin août de cette année en cours à la capitale kenyane, Nairobi, lequel portera sur le renforcement des chances de coopération et de partenariat entre le Japon et le continent africain. Etant donné l’Algérie est un très important pays africain, nous ferons à ce que les liens historiques entre les deux pays soient solidifiés.
En outre, les constructeurs automobiles japonais sont très intéressés par le marché algérien. D’ailleurs, c’est l’un des marchés les plus importants de l’Afrique. Idem pour le secteur des produits électroménagers. Les perspectives de ce partenariat sont de bon augure pour d’importants succès.
Comment évaluez-vous les investissements en Algérie? Est-ce, pour vous, la règle 51-49% constitue-t-elle un handicap?
Ma réponse est oui et non en même temps. En fait, elle n’est pas handicapante pour les grandes entreprises, mais ce n’est pas le cas pour les PME. Elle est quelque peu gênante pour les investisseurs étrangers.
Mais, comme il s’agit d’une règle souveraine, nous souhaitons faire en sorte à ce que les sociétés japonaises s’y adaptent et à ce qu’elle (règle) n’entrave pas les investissements japonais en Algérie. En effet, je suis persuadé que l’encouragement du gouvernement algérien au profit des investisseurs et des investissements motivera les Japonais à venir investir dans ce pays.
Pensez-vous que les entreprises nipponnes n’obtiennent pas les mêmes avantages que celles françaises, américaines ou chinoises sur le marché algérien?
Je ne peux me prononcer sur les avantages accordés aux autres sociétés étrangères. Ce que nous demandons du gouvernement algérien, c’est d’accorder quelques facilitations et des encouragements aux entreprises japonaises qui ont des investissements et des projets en Algérie.
Ce sujet nous amène à évoquer le litige opposant Cojaal, chargé de réaliser la partie est de l’autoroute Est-Ouest, et le gouvernement. Selon vous, ce différend dissuade-t-il les sociétés japonaises intéressées par le marché algérien?
C’est une question un peu sensible. Nous pensons que le projet de l’autoroute Est-Ouest est un projet très important pour l’Algérie. C’est un projet du siècle qui illustre la coopération algéro-nipponne.
En tant que représentant de mon pays en Algérie, je souhaite un règlement rapide de ce différend et à ce que les pourparlers entre Cojaal et l’Agence nationales des autoroutes (ANA) débouchent sur une solution qui satisfera les deux parties. En vérité, c’est le vœu de tous.
Vous aviez parlé de constructeurs automobiles nippons intéressés par le marché algérien. Y aura-t-il des usines de montage de véhicules japonais?
Je ne peux pas répondre sur cette question avec exactitude car je n’en ai pas des informations précises sur ces sociétés qui ont envie d’installer des usines de montage en Algérie. En tout cas, nos constructeurs automobiles s’intéressent beaucoup au marché algérien, le deuxième plus grand marché pour nous en Afrique.
Des constructeurs nippons s’attèlent à finaliser les premières démarches pour implanter des usines de montage de véhicules ici en Algérie.
Quel commentaire faites-vous de la décision du gouvernement concernant le système des quotas d’importation de véhicules?
Je ne peux pas commenter cette mesure prise dans la conjoncture actuelle. On l’examinera prochainement, tout comme on étudiera les propositions des exportateurs de véhicules japonais.
Il n’est secret pour personne que les produits japonais sont de bonne qualité. Est-ce que les produits vendus dans votre pays, en Europe et en Amérique sont d’un même niveau de qualité que ceux commercialisés en Algérie?
Je confirme qu’ils sont d’un même niveau de qualité. D’ailleurs, les sociétés japonaises travaillent sur la base d’un principe constant, celui de préserver la réputation du produit japonais. Une fois une entreprise nipponne s’installe dans un pays, les liens s’y consolident et du coup la technologie japonaise sera transférée dans ce pays. En plus, elle forme des cadres locaux travaillant dans le cadre de ses projets.
Vos ressortissants étaient victimes de l’attaque terroriste contre le site de Tiguentourine et vous aviez décidé de rappeler certains de vos fonctionnaires. Quelles conditions mettez-vous pour que ces derniers puissent reprendre le travail en Algérie? Comment jugez-vous la situation sécuritaire en Algérie?
La sécurité des citoyens et des fonctionnaires est fondamentale et très importante. Cet attentat n’a pas empêché les Japonais de revenir en Algérie. Ce que nous souhaitons, c’est qu’il y ait de la stabilité et de la protection des personnels japonais. C’est ce qu’a fait le gouvernement algérien. Nous espérons également que les choses et les relations bilatérales s’améliorent de mieux en mieux.
Pourriez-vous nous dire combien d’Algériens sont-ils installés au Japon, et le nombre de visas délivrés aux Algériens l’an dernier?
Il y a 667 ressortissants algériens au Japon. L’année dernière, nous avons délivré 605 visas.
Votre pays accorde-t-il des bourses d’études aux étudiants algériens?
Les universités japonaises octroient entre quatre et cinq bourses d’études aux étudiants algériens. En outre, un nouveau mécanisme a été mis en place l’année écoulée afin de permettre aux hommes d’affaires algériens de recevoir une formation au Japon. D’ailleurs, quatre étudiants algériens, dont des cadres vont suivre un stage de formation de deux ans au sein des entreprises économiques japonaises.
Dans le même sillage, nous souhaitons jeter des passerelles entre les sociétés nipponnes et algériennes et à ce que le nombre d’étudiants algériens bénéficiant de bourses d’études au Japon s’accroisse, au fur et à mesure que les relations bilatérales s’améliorent.
Le Japon a connu un progrès et un développement important en dépit d’un manque de ressources naturelles. Quelle philosophie votre pays a-t-il adoptée pour connaître ce développement florissant?
Ce n’était pas facile d’arriver là. Si le Japon a atteint ce niveau de développement en peu de temps, c’est parce que le peuple japonais déploie d’énormes efforts. Depuis un siècle, le peuple japonais avait mené une révolution économique et industrielle de qualité. Après la seconde Guerre mondiale, nous avions fait un grand saut en termes de développement économique.
Pour ce qui est de notre philosophie, je dois dire que notre peuple est un peuple équilibré. Nous vivons dans une zone presque isolée du reste du monde. Mais, nous sommes attachés à nos traditions ancrées favorisant la vie collective et commune. Notre peuple n’est ni riche ni pauvre. Sur les 120 millions d’âmes que compte notre pays, 100 millions sont issues de la classe moyenne. Il n’y a pas d’importantes disparités entre les citoyens japonais.
En outre, le citoyen japonais est l’artisan de ce développement économique et l’acteur principal dans la préservation du patrimoine et des coutumes, sans autant oublier la technologie que nous avons développée. En effet, la société nipponne demeure une société conservatrice.