Amazighité : Cinq stations au pays des Beni-Snous

Amazighité : Cinq stations au pays des Beni-Snous

En marge du séminaire international sur l’architecture amazighe, initié par l’Association nationale des enseignants architectes universitaires (Aneau), en coordination avec le HCA, qui s’est tenu le mardi 15 janvier 2019 au palais de la culture Abdelkrim-Dali, une excursion a été organisée le mercredi 16 janvier 2019 au profit des participants, chercheurs, universitaires, conservateurs, architectes, membres du HCA, au pays des Beni-Snous, une région située à quelque 35 km à l’ouest de Tlemcen.

La journée s’annonçait ensoleillée quoiqu’un tantinet froide. Escorté de 4X4 Toyota de la gendarmerie et d’une ambulance Samu, le convoi formé d’un bus Toyota Coaster et d’une file de voitures de tourisme, s’ébranla vers 10H de l’hôtel Les Zianides en direction de Bab El-Khemis, précédé de deux véhicules transportant des officiels, en l’occurrence le Secrétaire général du HCA Si El Hachemi Assad, accompagné du P/APC de Batna Noureddine Melakhssou, sans oublier l’«omniprésence» de l’équipe de télévision de la station d’Oran. Pas d’exhibition de coupe-file, ni de bannière ostentatoire (drapeau amazigh).

C’est le Dr Abdelmadjid Djebbour, un enfant de la région, par ailleurs cinéaste, qui veillait au déroulement du programme de visite en coordination avec le président du comité d’organisation dudit séminaire, Hamma du HCA. Les commentaires allaient bon train sur les travaux du séminaire de la veille. Notre guide de fortune pour la circonstance, le Dr Mohamed Saridj, anthropologue de formation, profitait pour faire la promotion de deux livres «Beni Snous, pays des merveilles» (Kounouz ; 2018) et «Tlemcen aux racines profondes» (idem). Le cortège prend la route du Maroc en passant par Bab El-Khemis (La porte de l’Armée) pour bifurquer à gauche vers le village de Mansourah, des vestiges des murs en pisé de l’ancien Moçalla de Mansourah.

A hauteur de l’intersection menant vers Boudghène et Riadh se dresse, parmi les vergers, la superbe Fondation Benkalfat. Non loin, se trouve la légendaire source Lachachi qui servait de fontaine publique aux visiteurs de passage. On passe auprès du curieux site des Beni-Boublane, dont les habitants avaient pour demeure des grottes sur lesquelles est situé un cimetière -ce site insolite fut décrit aussi bien dans le roman « L’incendie » de Mohamed Dib que le film (du même titre adapté du roman précité) de Mustapha Badie. Le patron du village est Si Hammou ou Moussa dont le mausolée éclatant de blancheur domine le petit plateau. A gauche, avant d’arriver à la bifurcation vers Lalla Setti, trône la mythique « statue » de la mariée momifiée (putréfiée) « El-Aroussa el ma’ùmsoukha », en fait, un rocher au galbe énigmatique.

Bientôt, on arrive à la source du Zarifet (1 200 m) qui marque la bifurcation entre la route de Sebdou et celle de Beni-Snous, où l’on s’engage parmi des collines couvertes de diss et d’alfa. On laisse sur notre droite, en contrebas, le centre cynégétique du Zarifet, abrité par l’ancien centre de colonies de vacances des chemins de fer français. Après une dizaine de kilomètres, on pénètre dans la forêt d’Ahfir, magnifique forêt de chênes-lièges et de chênes verts. Elle recèle un gibier important. On y trouve le sanglier. Une panthère y aurait été abattue dans les années 40.

En face, vers le sud, la chaîne jurassique des monts de Tlemcen se prolonge dans une teinte violacée jusqu’aux confins marocains, laissant apparaître de part et d’autre des falaises ressemblant à des proues de navire que les autochtones appellent Korn-Zahra, Korn-Tamerskhert, Korn-Asfour… Durant le voyage, le vieux mais non moins pétillant poète au grand coeur Ahcène Begriche, originaire de Tizi Ouzou, hôtelier de formation, nous gratifia d’un poème dédié à l’humanité. Drapé d’un burnous blanc et coiffé d’une chéchia rouge cerise, il nous apprendra qu’il avait fait ses armes à « l’université du kanoun », entendez le savoir du terroir engrangé au foyer grâce à ses aïeux.

Au pays des Azaïls : Tafessera

Nous sommes maintenant en plein pays des Azaïls. La couleur rustique est vite annoncée. «Ces oliviers datent de 20 siècles, leur datation a été faite au carbone 21 à Nice où j’enseignais», lancera, non sans fierté, le Dr Mohamed Saridj. On passe devant un vieux cimetière abandonné dont les tombes sont creusées sur des roches de travertin, selon ce dernier. Le long d’un chemin caillouteux et poussiéreux, le convoi pénètre dans Tafessera, la cité, peut-être la plus ancienne, capitale du roi berbère Cherwân, disent les vieux habitants.

Quant à l’étymologie, elle s’appelait initialement Tafser qui signifie en berbère « la main de Dieu », selon le Dr Mohamed Hamdaoui, sociologue. Une autre version, « domestique » celle-là, parle de séchage de viande, figues, poivrons… On est invité à visiter la plus vieille mosquée, dit-on, de la région de Tlemcen (Agadir est considérée comme la plus ancienne). A l’entrée, se dresse un panneau signalétique installé par les soins de l’Office du tourisme (au titre de l’UGP) sur lequel on peut lire : « La mosquée de la ville de Tafessera est l’un des monuments historiques de cette ville, elle a été érigée durant les conquêtes musulmanes ».

En nous voyant prendre des notes, un habitant a tenu à corriger l’inscription : « A la place de durant, il faut mettre avant… les conquêtes musulmanes ». En effet, cette mosquée, où Cheïkh Mohamed El-Alaoui enseigna le Coran, était un lieu de culte chrétien, seul le minaret vieux de 13 siècles atteste d’une présence islamique. Le muezzin de la mosquée, un volontaire, signala l’absence d’un imam. Constatant un capharnaüm au sein de ce lieu de culte, le secrétaire général du HCA suggéra au comité de faire une demande au wali pour l’obtention d’une aide en vue d’une extension ou l’acquisition d’une vieille bâtisse comme musée (dépendance de la mosquée).

Fausse note dans le décor : la merveilleuse source attenante à la mosquée appelée « Zerrab » est polluée, outre des vestiges d’un projet de sondage abandonné. La délégation est ensuite invitée sur un site truffée de grottes (5000 ans) où vivaient des troglodytes. Un habitat refuge stratégique pour les uns, une agora pour délibérer, pour les autres. Un habitant proposa de réaliser une clôture d’enceinte pour protéger ce « musée » à ciel ouvert. En matière d’architecture, le Karrich et le Gabba étaient des matériaux (bois) de construction de base, car réfractaires aux mites. Sur le registre toujours anthropologique, la région des Beni-Snous remonte à 5000 ans avant J.-C., selon l’historien Pr Mohamed Guentari. Sa population, qui ne comptait que quelque 3 000 habitants en 1954, a payé un lourd tribu lors de la guerre de libération avec 1 071 martyrs… A l’instigation de Si El Hachemi Assad, un accord de principe a été conclu entre le P/APC de Beni Snous, Mohamed Gourari, et son homologue de Batna Noureddine Melakhssou pour un jumelage entre les deux cités.

Tleta

Quittant Tafessera, on gagne le village de Tleta, où le regretté Djilali Fardeheb (1901-1957), doyen des correspondants à Tlemcen (signant sous le pseudonyme de Souridor), débuta sa carrière d’instituteur (1920-1921). On passe devant une caserne militaire, la frontière marocaine étant à quelques encablures, avant d’atteindre l’agglomération. La fièvre du béton n’épargne aucun coin. Un petit magasin «Flexy» contraste avec le reste du paysage. Une mosquée est en chantier. La délégation est invitée dans une kheïma, en fait un café désaffecté, géré par Madame Khebichat (du nom du Caïd Khebichat), veuve d’un commissaire assassiné lors de la décennie noire.

D’ailleurs, le portrait du défunt est accroché à l’entrée de cet établissement. Une copieuse collation, version Ennayer, est offerte en l’honneur des illustres convives servis par des « hôtesses » en robe kabyle. Au menu : berkoukès, r’fiss, ma’qoud, ma’tlou’, olives à l’huile, trid, mel’oui, grissa bi wladjad, noix, cacahuètes, le tout arrosé de thé et de café. Des membres de la délégation ont pris tour à tour la parole à cette occasion, en l’occurrence, Abdelmadjid Djebbour, Si El Hachemi Assad, Hami Bouakel (vice-P/APW), Noureddine Melakhssou, Halim Benbrahim (chef de daïra de Beni Snous) ainsi que Ahcène Begriche, Fethallah Belaidi (chef de cabinet auprès de l’APC de Batna), Cherifa Bilek (HCA)… Le chef de daïra saisit cette opportunité pour souscrire au projet de jumelage avec Batna. Le P/APC de cette commune honora à cette occasion le président de la République Abdelaziz Bouteflika avec un présent représentant un cadre symbolique.

El Fahs

Destination El Fahs, siège de la daïra de Beni Snous. Direction le complexe sportif de proximité (CSP) où on est accueilli par un groupe de femmes interprétant le genre « Essaf » en guise de bienvenue. Le stade abritait pour la circonstance une exposition se déclinant en plusieurs volets dont, entre autres, une esquisse introductive à l’étude du pays des Beni Snous (signée Mahboub), des songes des nuits d’Ennayer (Liliane El Hachémi, scénographe), le mystérieux village troglodyte « Ed-Derja », le poster de Ryd Mehrez (Beni Snous fier de son fils !). En marge de la visite de l’exposition, il a été abordé le problème de l’absence de structures d’accueil (hébergement), à ce titre, il a été proposé de récupérer un bâtiment Cnep abandonné depuis 1994 pour le convertir en auberge de jeunes. Collation, encore une fois, version Ennayer… « Au-delà du jumelage, il faudrait penser à des alliances conjugales à l’instar des anciennes dynasties », dira avec une note d’humour Si El Hachemi Assad.

Khémis

C’est trois km plus loin que nous pénétrons, via le CW106, au village de Khémis, le véritable chef-lieu des Beni-Snous. Des réminiscences scolaires des années 60 ressurgissent à cet instant-là dans notre esprit. Notre professeur de français au collège Jules-Ferry, M. Aimé, un coopérant, nous parlait à chaque fois de la région de Khémis. Etait-il vraiment un coopérant ou un missionnaire ? « Beni-Snous vous souhaite la bienvenue », annonçait une banderole accrochée à l’entrée du village.

La place centrale abrite pour la circonstance le carnaval d’Ayred. Un spectacle haut en couleurs. Nous avons remarqué l’absence du dramaturge Ali Abdoun de l’Association « Ayred ». Un membre d’une association, Omar Belkhrouf, profita de cette occasion pour faire part à Si El Hachemi Assad, et devant le chef de daïra, de l’absence de maternité dans cette localité, où les parturientes sont évacuées jusqu’à Sebdou, à plus de 30 km. Quant à Abdelaziz Mahboub, enseignant à la retraite, membre actif de la société civile, s’est engagé pour élaborer une toponymie des lieux et la soumettre au HCA.

Beni Achir

On quitte Khemis en direction du village Beni Achir, via le CW106. « Regardez ce massif, c’est la montagne Feraoun » (allusion à Chechnak), nous invitera Mohamed Sarij. Il nous montrera également un site au lieudit Sid Larbi, qui abritait un camp de concentration colonial, « côtoyant » une carrière où les détenus accomplissaient des travaux forcés. On croise, sur le bas-côté, une file d’élèves, sac-à-dos bien en vue, accompagnée par un adulte, qui rentraient à la maison en se tapant une bonne trotte ; nous avons niaisement cru qu’ils étaient en… randonnée pédestre.

Arrivée au village. Accueil à la cantine de l’école primaire Chahid Bouhmama-Mohamed-Mellah pour un copieux couscous, préparé selon la tradition d’hospitalité chère aux humbles gens de l’Algérie profonde. La visite prend fin à El Hafs devant le siège de daïra de Beni Snous. Après les salutations protocolaires, le convoi prend le chemin du retour vers Tlemcen, via la RN22. Arrivé à hauteur de Beni Boublen, il prend la bifurcation menant au plateau de Lalla Setti. On traverse le pittoresque village de Attar, réputé pour ses cerises, en « zappant » la légendaire source dite Aïn El Mouhadjir où, en l’an 1333 (575), Abou Dinar El-Mouhadjir, le principal lieutenant de Oqba Ibn Nâfi, rencontra en ces lieux historiques Koceïla et Kahina dans le cadre d’un dialogue de culture et de paix, selon Si Mohammed Baghli. Arrivée au site touristique de Lalla Setti.

Le pittoresque « écobus » touristique rouge était garé devant la Maison du parc national de Tlemcen. Trois agents de la 12e Sûreté urbaine veillent au grain. D’autant que quatre professeurs de l’université de Pékin, accompagné du Pr Abdelmadjid Boudjella de l’UABT, se trouvaient sur les lieux. Notre poète Ahcène était en quête de toilettes, en vain. Une carence patente. Visite du promontoire et du mirador. Zapping sur le mausolée de Lalla Setti et le musée régional du moudjahid. On revient au bus, ratant à notre corps défendant le plaisir du téléphérique qui sera « boudé » involontairement par les organisateurs.

Une autre omission, celle culturelle, concerne la khalwa de Cheïkh Senouci de derb BeniDjemla, dans la vieille médina (Tlemcen) où est couvé, entre autres, un vieux manuscrit de la « Aqida essoghra » du Cheïkh (1426-1490), traduit en amazigh (en 1707), un document repéré en 2014 au Maroc par Jamil Aïssani de l’université de Béjaïa, dans le traité « Al Haoudh » de Mohamed Ben Brahim et en Kabylie, en l’occurrence dans la khizana de Cheïkh Lmuhub à Beni Ourtilène. Ce rare manuscrit en berbère est commenté par Jenia Gutova, du Centre universitaire de linguistique de Leiden (Hollande) sous le titre « The Sanouci Creed in kabyle berber ». Arivée à l’hôtel Les Zianides vers 17H. On passe devant le marché des fruits et légumes, en fait, des étals de fortune. Du bric-à-brac étalé aussi par terre. «Regardez cette jolie botte de cardes», s’écria un passager.

Direction cimetière Cheïkh Senouci au lieu-dit Hafs (Beni-Hamou), alter ego de celui de Aïn Ouazouta de Tlemcen. C’est Cheïkh Benchiret, enseignant dans un lycée, qui prononcera sous un arbre l’allocution de bienvenue. Il indiquera au passage que certaines familles attribuent à leurs enfants le prénom de Senouci ou Senoucia en hommage au saint homme. «Où est la tombe ou le sanctuaire de Cheïkh Senouci ?», avons-nous demandé. «Normalement, c’est là-bas, là où il y a ces kouirat, ce kerkar (amas de pierres) », nous renseignera un élu. Devant notre étonnement, on nous expliqua que Cheïkh Senouci « disposait » de deux sanctuaires (tombes), d’où l’appellation ou plutôt le titre de « Bou Qabraïn », à l’instar de Cheïkh Abderrahmane Ettaâlibi d’Alger.

On changea ensuite de cap pour découvrir « El-Masdjid El-Atiq » (la vieille mosquée) jouxtant deux grottes naturelles qui abritaient des écoles coraniques, jouissant du facteur isothermique (chaud en hiver et frais en été), outre l’avantage « optique » par rapport au moudarris (voir les élèves sans être vu). Un ancien habitant du quartier, imam de son état, dont la maison familiale jouxte le lieu de culte regrette les travaux d’extension qui ont dénaturé ce monument religieux. Retour aux cars. Une discussion intéressante s’engage entre l’imam intellectuel et un chercheur de Kabylie.

Une analyse comparative de l’architecture et l’arboriculture entre la Berbérie de l’ouest et la Kabylie du centre. Des vocables comme «tafza, tagga, terrah» (matériaux traditionnels) revenaient souvent. On passe devant Djebel Moulay Abdelkader. «Là-bas se trouve le sanctuaire d’un rabbin juif au lieu-dit Chaâba Ouled Chouari», nous indiquera le prédicateur. Et de se souvenir des visites thérapeutiques sur les lieux pour guérir (de) la coqueluche à l’instar de Rabb Nqaoua de Kebassa. A Khémis, il y avait Diar El-Arab, en référence au quartier indigène par rapport à la communauté juive. Il évoquera également la légende du trésor de Salomon qui serait caché dans un tunnel sous Djebel Boufarroudj. Toute personne ou animal qui s’aventurerait dans les parages serait aspiré comme par un effet de magnétisme et englouti par la terre.

Mythe ou réalité ? On passe devant un chantier « officiel » : les nouveaux sièges mitoyens et de couleur uniforme de l’APC, la daïra et la Sûreté de daïra. Une conception et une architecture dont seules les autorités locales ont le secret. A propos de sécurité. Un sinistre play back est opéré par notre guide de fortune (l’imam). Un bilan horrible. Mai 1993 : assassinat du DEC, destruction du parc communal, incendie du CEM (archives perdues), vol de 70 têtes de bétail… L’appel à la prière du dohr se fait entendre. Un quartier libre est accordé. L’estomac se creuse. Hospitalité oblige, le P/APC Boudjrad Ahmed nous invite chez lui. Une partie de la délégation occupe le rez-de-chaussée, l’autre monte à la terrasse où il fallait supporter le froid. S’appuyant sur deux béquilles, un handicapé dut gravir les escaliers, car personne ne voulait lui céder sa place en bas.

Ah ! Egoïsme quand tu nous tiens. Exit l’humanité en dépit d’une forte présence de gens pieux. Heureusement que le plat du partage nous réunit tous : un délicieux couscous aux raisins secs garni de gros morceaux de viande et accompagné de lait de vache. « Hada min fadl Allah », a tenu à préciser le P/APC. Traduisez : vous n’étiez pas les hôtes de l’APC mais chez un notable à titre privé. On se rappelle dans ce contexte le désengagement du chef de daïra, qui avait promis de prendre en charge l’organisation du centenaire de la mort de Sidi Mohamed Ben Abdelkrim Al-Maghili Et-Tilimçani, dont la cérémonie d’ouverture devait avoir lieu à Beni-Snous (en juin 2003), à l’initiative du collectif Senouci sous la houlette du chercheur en legs universel Hadj Mohamed Baghli et dont les organisateurs du colloque sur Cheïkh Senouci ont « omis » le nom sur la liste des participants.

Le carnaval d’Ayred, les barrages…

Le village, pardon la ville de Khémis célèbre chaque année la fête de Yennayer, en organisant le soir du 12 janvier, le célèbre carnaval d’Ayrad initié par l’association Edhakira Senoussia qui invita il y a quelques années le président défunt du HCA à l’occasion d’une semaine culturelle organisée à la maison de la culture Abdelkader-Alloula. « Toute la vallée des Beni-Snous est surnommée le pays des mystères et des miracles, en raison de ses spécificités culturelles, explique l’universitaire Mohamed Saridj.

Depuis la nuit des temps, la population laborieuse, solidaire a toujours combattu les prédateurs qui tentaient de la soumettre (en l’occurrence le roi berbère Chechnaq qui vainquit les armées des pharaons venus en envahisseurs) »… Il est 15H. On marque une halte au barrage de Beni-Bahdel. Un niveau indigent malgré les dernières pluies. La centrale hydroélectrique semblait à l’arrêt. Des indications techniques et historiques sont données par le Dr Hamdaoui selon qui, ce barrage, construit en 1949, alimentait même la ville d’Oujda (Maroc) lorsqu’il produisait 600 KW/h. Sur ce site existait par ailleurs un centre de torture souterrain utilisé par la soldatesque coloniale.

De grosses balises apparemment en chômage technique décoraient les lieux… Un groupe d’écoliers pénétrait par une porte d’accès située en aval et empruntait un sentier pour vraisemblablement se diriger vers leurs maisons situées quelque part dans un hameau. Cette scène fit revivre de vieux souvenirs d’enfance chez le directeur des Affaires religieuses, Oukourdane, originaire de Msirda Fouaga (Marsat Ben M’hidi). « Moi aussi, comme ces enfants, je me tapais des kilomètres pour rejoindre l’école. Mon père m’acheta une « amboule » (lampe de poche) pour voir le chemin à l’aube, je me souviens de cela comme si cela datait d’hier. »

Retour sur Tlemcen. Sur la route de Terny, on croise deux vieilles paysannes marchant sur le bas-côté, et portant chacune un fagot de bûches sur leur dos courbé, destiné au chauffage et probablement à la « frina » (pain de maison). Un spectacle qu’on croyait révolu. Une pluie fine commençait à tomber. Ressentant le froid incisif de Terny, des passagers demandèrent au chauffeur de mettre en marche le chauffage. Le confort est gratuit. A Sebdou, la Toyota de tête de la gendarmerie nous faussa compagnie sans crier gare. Le 4X4 s’arrêta et l’officier intima l’ordre au conducteur d’un tracteur avec benne de transport de se ranger sur le bas-côté. P-V séance tenante.

Un peu plus loin, c’est un camion de transport de bétail qui est « escorté » jusqu’au barrage fixe de Mansourah où il fut « cueilli » par l’escadron posté à ce niveau. Comme quoi, la sécurité est une chose indivise et une mission (escorte d’une délégation) n’exclut pas une autre, cruciale, à savoir l’intervention énergique et intransigeante en cas d’infraction flagrante au code de la route, ou toute autre…

A la khalwa Cheïkh Senouci de Tlemcen, Si Mohammed Baghli, chercheur en legs universel, animateur en l’occurrence de « Academirath », a dédié la séance académique hebdomadaire de vendredi passé aux us et coutumes de la fête de Yennayer à Tlemcen, parallèlement à la genèse du calendrier grégorien par rapport aux deux autres calendriers, hégirien (lunaire) et amazigh (agraire). Parmi les planches biographiques, version « El Boustane » d’Ibn Meriem, placardées sur les murs intérieurs de ce légendaire ermitage, figure un ancien manuscrit de « Aqida essoghra » de Cheïkh Senouci (1426-1490), traduit en amazigh (en 1707), un document repéré en 2014, au Maroc par Jamil Aïssani de l’université de Béjaïa, dans le traité « Al Haoudh » de Mohamed Ben Brahim et en Kabylie, en l’occurrence dans la khizana de Cheïkh Lmuhub ; ce rare manuscrit en berbère est commenté par Jenia Gutova, du Centre universitaire de linguistique de Leiden (Hollande) sous le titre « The Sanouci Creed in kabyle berber ».