Amar Ghoul, ministre des Transports, fait le constat des contreperformances des ports algériens cumulées depuis tant d’années mais, explique aussi, dans une interview parue dans les colonnes de L’Éco (n°81 / du 1er au 15 janvier 2014), le pourquoi de cet état de fait d’où, la stratégie de développement du secteur avec comme assises, une politique nationale globale devant encadrer l’activité portuaire dans son ensemble.
L’Eco : vous aviez annoncé dernièrement que toutes les entreprises et les services liés à votre département seront passés au crible. Quels sont les résultats auxquels vous êtes parvenus. Y a-t-il eu un retour d’écoute ?
Amar Ghoul : effectivement, il y’a un début de prise en compte à un certain niveau, il le sera davantage à un niveau plus haut une fois, le travail des assises de décembre finalisé. Nous avons d’ores et déjà commencé à étudier les dossiers et prendre en charge espace par espace. Nous avons commencé par organiser l’espace maritime en s’intéressant aux projets en cours comme les partenariats conclus avec certains partenaires. Ceci, en parallèle, à une réflexion approfondie de la gestion des espaces portuaires. Dans ce cas précis, nous avons engagé un projet de guichet unique au niveau du port d’Alger avant de généraliser ce système aux autres ports algériens.
Nous avons aussi, mis l’accent sur la nécessité d’accélérer la procédure pour l’acquisition des 27 bateaux, dont deux Carr Ferry de deux mille places chacun soit, une capacité de quatre mille places ce qui, va beaucoup renforcer notre flotte nationale. En ce qui concerne les marchandises, notre attention s’oriente également vers l’utilisation rationnelle de l’espace maritime et portuaire. C’est-à-dire la gestion rationnelle de l’espace. Nous avons constaté qu’il y’a des espaces abandonnés, des espaces très mal utilisés, non utilisés, ou, espaces sur-utilisés.
Est-ce que cela allégerait la rade des bateaux dont la moyenne de plus d’une vingtaine quotidiennement ?
Absolument. C’est dans ce sens que nous allons tout réorganiser. D’où, le guichet unique. Il est parmi les premiers objectifs, justement pour alléger toute la procédure. Nous travaillerons en coordination avec tous les services concernés, pour que chacun facilite la tache qui lui est assignée. Ce travail de coordination concerne les douanes, les services du commerce et la police. Tous les intervenants vont devoir s’organiser dans un cadre mieux structuré. Si les temps de rade sont importants, c’est aussi parce que l’espace est quai mal organisé. Il est vrai aussi qu’il existe des problèmes d’encadrement et d’équipement, mais celui de l’organisation est crucial.
Dans ce cas, à quoi aura servi le partenariat avec DP Word ?
C’est un partenariat très important pour la gestion du port d’Alger et de celui de Djendjen. C’est un groupe mondial qui a réalisé de très bons résultats ailleurs.
Sauf chez nous…
Nous sommes en train d’affiner cette relation. Nous sommes très ouverts à l’investissement, au partenariat mais, il faut que cela se fasse dans les règles de l’art. Comme cela, se fait ailleurs. Nous avons un partenaire social au niveau du port et, il faut qu’il ait aussi sa part dans cette organisation, soit par l‘organisation de la ressource humaine et, par la prise en charge convenable de cette ressource parce qu’une gestion moderne, c’est aussi la prise en charge conséquente de la ressource humaine, dans le respect de la réglementation. Il y avait des problèmes entre les deux parties mais, ça s’est aplani.
Et nous sommes à un niveau de relation que je qualifie de bon. Y compris au niveau du port de Djendjen ou, nous allons accueillir les premières marchandises ce qui, est une très bonne chose. La relation établit dans le cadre d’une joint venture avec le port de Dubai et le port de Djendjen devra permettre à cet espace de devenir un port méditerranéen. Car, nous ambitionnons de faire profiter l’Algérie du trafic de marchandises au niveau de la Méditerranée à travers ce port.
Ce sera à travers les hubs ?
Oui. Nous avons prévu d’ouvrir ce port au commerce international à travers les hubs. J’en ai discuté avec mes homologues lors de la conférence des ministres des Transports dans le cadre du dialogue 5+5 Euro-méditerranéen que, l’Algérie préside actuellement, j’ai parlé de la nécessité pour notre pays de rentabiliser l’espace et des capacités dont sont dotés nos ports et de l’importance des liaisons entre ports, ce qu’on appelle inter-opérabilité portuaire. L’Algérie a, de l’espace et des capacités, il suffit juste d’un encadrement adéquat pour qu’une bonne partie de la marchandise qui traverse la méditerranée provenant d’Asie ou d’Afrique peut transiter par le port de Djendjen. Ceci, en attendant la réalisation du grand port du centre. Le Hub, c’est une formule qui consiste à aménager un espace portuaire pour garder la marchandise des autres que l’on entrepose dans ce port avant de l’acheminer vers d’autres destinations. Les partenaires ont à y gagner en termes de coût, de gain de temps et de sécurité de la marchandise. En contre partie, ils paient des dividendes à l’Algérie.
Avez-vous signé le mémorandum ?
Oui, nous avons signé un mémorandum dans le cadre du 5+5 qui porte sur la sureté et la sécurité de la navigation. Pour le transport terrestre, nous avons mis en avant la nécessité de parachever la transmaghrebine autoroutière et la transmaghrébine ferroviaire. Pour la terrestre, l’Algérie a très bien avancé, tandis qu’il manque à la Tunisie l’achèvement de 80 km et au Maroc 22 km pour connecter, déjà ces trois pays. Pour ce faire, nous avons sollicité et obtenu l’accord pour le financement de la BEI (Banque européenne d’investissement) pour ce qui reste à réaliser.
Nous avons aussi, dans le cadre de ce mémorandum mis en avant la nécessité de faire de la Méditerranée un espace de paix, de stabilité et de sécurité de la circulation et aussi, de droit de l’homme dans le traitement du problème de l’émigration clandestine et, insisté sur la réciprocité dans la libre circulation des biens et des personnes. Nous avons abordé la question des autoroutes maritimes, des espaces qui connectent et interchangent les liaisons entre les ports méditerranées.
Il a été aussi question de l’instauration d’un système satellitaire pour le suivi et le contrôle de la navigation aérienne et maritime. Par ailleurs, nous avons convenu dans le cadre de ce mémorandum que, j’ai moi-même signé, avec l’union pour la Méditerranée que le cadre du 5+5 soit considéré comme un projet concret pour développer cet espace que l’on appelle l’espace euro méditerranéen et, qu’il ne faut l’élargir davantage afin de permettre aux 5+5 de se concentrer sur leurs préoccupations communes. C’est donc, un espace plus concret et plus, à portée de main pour faciliter les échanges entre méditerranéens. D’ailleurs, j’ai proposé à ce que la réunion des 5+5 de l’année prochaine ait lieu en Algérie.
Vous avez annoncé l’agrandissement du port d’Alger, où sera-t-il implanté et pour quelle échéance ?
Il y a lieu de réaliser un nouveau grand port pour le centre. Car, celui d’Alger est saturé et il occupe une grande partie de la ville d’Alger. A moyen terme, nous aimerions qu’il revienne à la ville d’Alger soit, comme espace touristique, soit de loisirs. La création d’un nouveau port du centre, permettra de prendre en charge tout le flux de marchandises qui nous préoccupe aujourd’hui.
L’étude en cours prévoit son implantation entre l’ouest d’Alger et l’Est de Ténès. Il sera desservi par l’autoroute et les chemins de fer. Ce projet de port, très important va non seulement décharger le port d’Alger mais aussi prendre en charge le devenir de l’activité portuaire en Algérie. Parce qu’il sera géré par un système moderne à tous les niveaux pour pouvoir prendre en charge le flux commercial.
Est-ce que le partenariat avec DP Word sera reconduit?
Pour le moment, nous étudions toutes les possibilités. L’essentiel, est qu’il soit géré de manière moderne selon des normes de qualité et de rentabilité et que cet espace puisse également tirer sa quote-part de tout ce qui transite dans la région via la Méditerranée.
Est-ce à dire que ce nouveau port va accueillir les véhicules importés, le port de Mostaganem, par exemple, étouffe et n’arrive plus à juguler le flux ?
Ce sera un port multiservices à dimension internationale, à travers les travaux des assises nous allons tracer la répartition économique et judicieuse du flux de tous les ports parceque on ne peut plus admettre qu’un port soit saturé alors, qu’un autre n’accueille que 10 à 20% du flux de marchandises.
Ce serait un système de péréquation ?
Oui. On peut même prévoir la spécialisation de certains ports, en inter-modalité avec les chemins de fer. Parce qu’il ne s’agit pas d’avoir des ports enclavés
Pouvez-vous nous donner un aperçu sur la rentabilité économique des ports algériens et ce que cette désorganisation actuelle, altère cette rentabilité?
Nous avons des problèmes réels et complexes au niveau de chaque port. L’espace est mal géré, mal exploité. Idem pour l’organisation et la gestion de la ressource humaine. Avec tous ces paramètres négatifs, on ne peut pas attendre que les ports soient rentables. Ce qui requiert la modernisation à travers l’instauration d’un guichet unique et l’encadrement humain. Il faut créer une harmonie et une coordination entre tous les acteurs. Il est impératif de traiter tous les ports dans le cadre d’une politique globale. D’où, la nécessité d’une politique des ports globale. Nous aurons une politique rationnelle et nous allons pouvoir veiller sur l’intérêt national et mieux rentabiliser ces espaces économiques. C’est un engagement avec le début du prochain quinquennat.
Faouzia Ababsa